Samedi soir, après un autre match presque sans incident entre deux équipes du bas du classement, Martin St-Louis a conclu son point de presse en évoquant le caractère méritocratique de la LNH.
Dans la victoire de 5-1 que venait de signer le CH aux dépens des Blue Jackets de Columbus, l’entraîneur avait sauté quelques déplacements de l’attaquant Juraj Slafkovsky à la fin de la deuxième période et durant les cinq premières minutes de la troisième.
Même si elle a provoqué une petite agitation sur le pont de presse, cette tape très délicate sur le poignet avait pour but de faire comprendre à Slafkovsky qu’il jouait lentement et qu’il commettait à plusieurs reprises des revirements qui n’avaient aucune raison de l’être. De plus, le premier choix du repêchage de 2022 semblait s’effondrer. Par deux fois, tel un adolescent trop gâté, il venait de regagner le banc en criant des injures pour exprimer son désarroi, allant même jusqu’à casser son bâton sur ses genoux.
Quand on joue mal, il vaut généralement mieux se faire oublier. Attirer l’attention et distraire des coéquipiers qui essaient de bien faire leur travail n’améliore certainement pas les choses.
D’ailleurs, un rappel à l’ordre et quelques minutes de réflexion ne font jamais de mal. Cela permet généralement à un joueur de se calmer, de se recentrer et de se remettre en phase avec ses coéquipiers en attendant que l’entraîneur fasse à nouveau appel à ses services. Lorsque de telles interventions de l’entraîneur sont faites, les autres joueurs remarquent également qu’ils ne sont pas les seuls à constater que quelque chose ne va pas. Et cela leur envoie le message que quelqu’un s’assure que le plan de match est suivi.
L’ambiguïté étant le pire ennemi de la réussite dans le monde du sport, les sportifs sont toujours plus heureux lorsque les consignes sont claires et que les entraîneurs veillent à leur respect.
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Avant d’aller plus loin, revenons encore une fois sur le caractère quasi anecdotique du rappel à l’ordre de Juraj Slafkovsky.
Le jeune Slovaque joue en moyenne 17 min 30 sec par match depuis le début de la saison. Et samedi soir, son horloge s’est arrêtée à 16h56. C’était presque l’équivalent d’une mère corrigeant son enfant en lui disant ne fais pas ça, s’il te plaît
.
Cette réaction de Martin St-Louis en a surpris plus d’un, non pas parce qu’elle était inhabituelle, mais plutôt parce que c’était un premier choix au repêchage et un joueur du premier trio qui était visé. On était pourtant à des années lumières de Brad Marchand, le capitaine des Bruins, qui a été vertement réprimandé et qui a été mis sur le banc par Jim Montgomery le mois dernier après avoir commis un turnover. On est aussi loin de David Pastrnak, une superstar de la LNH, qui n’a pas touché la glace pendant une troisième période complète peu après l’incident impliquant son coéquipier Marchand.
Cela n’a d’ailleurs rien à voir avec la décision prise par Jon Cooper, l’entraîneur du Lightning de Tampa Bay, qui avait sanctionné son premier trio (Steven Stamkos, Brayden Point et Nikita Kucherov) pour une période complète la saison dernière.
Chez les Bruins, Marchand et Pastrnak se sont alignés derrière leur entraîneur après avoir été rappelés à l’ordre. J’étais content de la réaction de Montgomery parce que s’il n’avait rien fait [après le revirement]cela aurait signifié que notre équipe avait des problèmes bien plus importants
Marchand a notamment dit.
Et à Tampa, quand ce genre de chose arrive, les joueurs de l’équipe soutiennent naturellement Jon Cooper en disant que des standards d’excellence très élevés ont été établis et qu’il faut les maintenir.
Jon Cooper, entraîneur-chef du Lightning de Tampa Bay
Photo : USA Today Sports / Danny Wild
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Pour toutes ces raisons, la réaction de Slafkovsky, qui est un garçon très sympathique, s’est révélée bien plus surprenante que la gestion du banc de Martin St-Louis samedi soir.
Au lieu de se redresser, le grand attaquant semblait complètement désemparé par la tournure des événements. À la fin de la deuxième période, Slaf est resté assis sur le banc au lieu de se retirer immédiatement aux vestiaires avec ses coéquipiers. Et le capitaine Nick Suzuki a dû lui parler à deux reprises : en fin de période et pendant l’entracte pour lui demander de se ressaisir.
“Je n’ai pas aimé le voir battu comme ça”, a admis Suzuki après le match. Je lui ai juste dit que nous aurions besoin de lui en troisième période. »
Lorsque l’équipe est revenue sur le banc avant le début de la troisième, Slafkovsky avait toujours l’air démonté. Et c’est Cole Caufield qui a décidé qu’une petite séance d’encouragement était nécessaire pour lui remonter le moral.
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Martin St-Louis lors de la troisième période du match contre les Blue Jackets de Columbus.
Photo : La Presse Canadienne / Christinne Muschi
Après cinq minutes supplémentaires de son court purgatoire, Slafkovsky est ensuite revenu dans la mêlée à sa place habituelle aux côtés de Suzuki et Kirby Dach.
Il a bien répondu, il a patiné fort et il s’est impliqué dans les batailles. Personne n’aime être mis sur le banc, mais c’est la façon dont vous réagissez ensuite qui compte. Et il a bien répondu
» dit Suzuki.
En quittant le Centre Bell samedi soir, des questions intéressantes flottaient dans l’air. Parce qu’il est extrêmement rare de voir un joueur de la LNH réagir comme Slafkovsky, simplement parce que l’entraîneur décide de gérer son banc.
En fait, on ne voit jamais ça.
Le sportif manque-t-il de maturité ? A-t-il été mis dans la laine depuis son arrivée dans l’équipe ? Le niveau de responsabilité imposé aux joueurs ces dernières saisons est-il si bas que certains d’entre eux ont désormais du mal à comprendre qu’il s’agit d’une étape nécessaire pour tout le monde ? Et si une décision anodine comme celle de samedi provoque ce genre de réaction, cela illustre-t-il à quel point les standards d’excellence des Canadiens sont éloignés de ceux qui existent au sein des meilleures organisations ?
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À la fin de son point de presse, Martin St-Louis s’est vu poser une question sur les progrès de Jake Evans. Cet ancien choix de septième ronde a emprunté le chemin le plus long pour accéder à la LNH (quatre années universitaires, suivies de deux saisons dans la Ligue américaine). Et à sa cinquième saison avec le Canadien, Evans est en train de se débarrasser de l’étiquette de joueur de quatrième trio qui lui était attachée. Il rend un bon service au centre de la deuxième unité.
Evans, d’ailleurs, fait partie de ceux qui applaudissent chaque fois que l’entraîneur élève la voix et pousse l’équipe à faire mieux. Les joueurs, dit-il, doivent être traités comme des adultes.
Cependant, plusieurs éléments de la réponse de l’entraîneur semblaient s’appliquer autant à Evans qu’à Slafkovsky.
Lorsque vous atteignez un certain âge, la ligue ne se soucie pas du tour dans lequel vous avez été repêché. La question est de savoir si vous pouvez jouer. Parce que si vous pouvez jouer, vous jouerez dans cette ligue. Peu importe si vous êtes un choix de première ronde. Finalement, la ligue ne se soucie pas de savoir si vous êtes l’un des premiers choix. Pouvez-vous jouer ? Continuez à vous améliorer car si vous savez jouer, vous jouerez. Et si vous savez qui vous êtes, vous trouverez probablement une chaise. Et à partir de là, tu pourrais voler une chaise plus haute [dans la hiérarchie]. Cela demande beaucoup de confiance en soi. Ta tête doit être plus forte que tes émotions […]
répondit St-Louis.
Cette tranche de vie d’un samedi soir ordinaire nous a appris que les choses changent un peu pour le Canadien, mais que cette équipe a encore du chemin à parcourir.