Aurélie Rivard | « Un combat avec moi-même »

Lors de la présentation des finalistes du 400 m libre féminin aux Jeux paralympiques de Paris, Aurélie Rivard a tout sauf un air conquérant lorsqu’elle se dirige vers le bloc de départ. Le visage de la double tenante du titre est fermé, ses traits sont tirés. Comme si elle n’avait pas vraiment envie d’être là. Ce n’est pas une illusion.


Publié à 1h25

Mis à jour à 5h00

Dans les minutes précédentes, le nageur québécois avait vomi dans la salle d’appel. « Je n’avais jamais fait ça de ma vie, ça ne m’était jamais arrivé ! », a déclaré la quadruple athlète paralympique, lundi, en marge de la conférence de presse où Saint-Jean-sur-Richelieu a annoncé que la piscine du complexe sportif Claude-Raymond porterait désormais son nom.

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PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE ARCHIVES

La Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu a annoncé que la piscine du complexe sportif Claude-Raymond portera désormais le nom d’Aurélie Rivard.

« Tu sais quand tu es malade et que tu veux aller te coucher ? Je devais aller faire le 400… »

Comment l’événement qui l’a mise au monde avec le bronze à Londres en 2012 a-t-il pu la mettre dans un tel état ?

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PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE ARCHIVES

Aurélie Rivard a remporté 13 médailles paralympiques au cours de sa carrière.

Aujourd’hui encore, le nageur de 28 ans, détenteur de 13 médailles paralympiques, a du mal à l’expliquer. Elle connaît néanmoins le moment précis où tout a basculé : le 14 juin 2022, aux Championnats du monde au Portugal. Leader de la finale du 400 m (catégorie S10), elle s’est arrêtée au mur après 250 m, essayant de reprendre son souffle. Elle a recommencé à faire quelques tractions avant de se retirer définitivement, désorientée et convaincue de sa mort imminente. Elle a terminé sa journée à l’hôpital.

Il lui a fallu beaucoup de temps pour pouvoir mettre des mots sur ce qu’elle avait vécu : une « grosse crise de panique ».

Elle a mis encore plus de temps à s’ouvrir publiquement sur le sujet, près de deux ans plus tard, après sa victoire aux Essais canadiens à Toronto en mai. Avec le recul, elle pensait que cette attaque était imputable à une sorte de syndrome traumatique post-pandémique. À sa grande surprise, son témoignage a eu un large retentissement, même en dehors des milieux sportifs.

Cet événement l’avait éloignée des piscines pendant des mois, son cerveau associant l’eau au danger. Aux Mondiaux 2023, elle a déclaré forfait avant la finale du 400 m après avoir dominé les préliminaires. Bref, elle avait une revanche à prendre avec cette épreuve de demi-fond pour laquelle elle détient le record du monde établi lors de son écrasante victoire aux Jeux de Tokyo en 2021.

«J’ai eu une énorme panne de courant»

À Paris, Rivard n’était pas entièrement satisfaite de son départ, une médaille de bronze après une performance « correcte » au 50 m libre. Le train a failli dérailler trois jours plus tard lors du 100 m nage libre, où elle visait la première place. Première des manches, elle s’est fait surprendre par la Française Émeline Pierre en finale. La favorite locale a profité de la vague créée par la Québécoise, collée au câble, pour la devancer de 0,33 seconde.

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PHOTO MICHAEL P. HALL, ARCHIVES DE LA PRESSE CANADIENNE

Aurélie Rivard (à gauche) a été surprise par la Française Émeline Pierre (à droite) en finale du 100 m libre.

«Même aujourd’hui, il y a tellement de choses que je n’ai pas comprises sur cette course, a regretté Rivard. J’ai eu une énorme panne de courant pendant la course. Les gens m’ont dit des choses dont je ne me souvenais pas. Cela m’a vraiment déçu car je n’avais pas perdu 100 m depuis neuf ans et du coup quelque chose n’a pas fonctionné au mauvais moment. [Émeline Pierre] a bien nagé, mais elle n’aurait pas dû gagner. Sur le papier, je suis deux secondes plus rapide. Ce n’est pas lié. »

Son entraîneur Marc-André Pelletier a ressenti le besoin d’intervenir, connaissant l’importance du 400 m trois jours plus tard – et la montagne qu’il pouvait représenter pour son athlète. «Nous avons travaillé dur», a-t-il souligné. Lorsqu’elle est arrivée à l’eau le lendemain, je lui ai dit : là, tu vas faire tout ce que je dis, on va te remettre au top pour le 400. On a augmenté le niveau des entraînements. »

Rivard n’avait pas besoin qu’on lui rappelle l’enjeu.

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PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE ARCHIVES

Aurélie Rivard

C’était la dernière chance que j’avais de remporter une médaille d’or. J’avais encore des souvenirs de ma retraite aux Championnats du monde. Ces souvenirs ont mis si longtemps à s’installer. Je ne suis même pas sûr que ce soit réparé à 100%. Une partie de moi avait peur que cela se reproduise au pire moment possible.

Aurélie Rivard

Elle était partagée entre le doute et la confiance en ses capacités. « Qui allait gagner ? C’était définitivement une lutte avec moi-même, avant et pendant les 400 m. […] Je ne voulais pas être déconnecté comme je l’avais été lors du 100 m où je ne me souvenais de rien. Mon objectif était de m’en tenir aux faits, à la réalité, à ma stratégie. »

Troisième à mi-course, Aurélie Rivard avait accepté le fait qu’elle ne serait probablement pas leader à ce moment-là. Fidèle à son plan, elle a pratiquement gardé la même vitesse dans la deuxième partie pour remporter l’or avec plus de deux secondes d’avance sur l’Américaine Alexandra Truwit. Son temps de 4 min 29,20 est le troisième de sa carrière, dont la détentrice du record du monde est fière compte tenu des épreuves personnelles qu’elle a traversées lors du dernier cycle paralympique, également plus court d’un an.

« Heureusement, cette course a pris toute la place des déceptions », a-t-elle conclu à propos de sa quatrième expérience aux Jeux.

Y aura-t-il un cinquième en 2028 à Los Angeles ? L’étudiante en droit à l’Université Laval veut se donner le temps d’y réfléchir, mais le 400 m ne devrait pas faire partie de son programme. En revanche, elle a un compte à régler avec le 100 m nage libre. « C’est probablement pour ça que je serai à Los Angeles… ou pas. »

 
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