Rapport. Le voyage irlandais de Rabah Slimani au Leinster

Rapport. Le voyage irlandais de Rabah Slimani au Leinster
Rapport. Le voyage irlandais de Rabah Slimani au Leinster

A deux jours d’une rencontre « improbable » comme il la qualifie lui-même, l’ancien pilier international français Rabah Slimani (57 sélections) a ouvert les portes de sa nouvelle vie à Dublin. A 35 ans, celui qui a passé sept ans à l’ASM, après avoir été sacré champion de en 2015 avec le Stade français, porte les couleurs du Leinster depuis cet été. Chez lui, confortablement installé sur le canapé de sa petite maison « so Irish » située à une vingtaine de minutes de l’Aviva Stadium, il raconte ses premiers pas en Irlande et son bonheur de découvrir une autre façon d’appréhender le rugby.

« C’est le Mbappé du rugby en ce moment. » Dans un éclat de rire, Marcus O’Buachalla, directeur des communications du Leinster, n’a pas pu s’empêcher de souligner à quel point il avait fait face à une demande croissante des médias pour le nouveau joueur du Leinster, Rabah Slimani. « Tous les médias français, mais aussi irlandais, s’en sont emparés. » Une tâche dont l’intéressé se serait bien acquitté. Même au sommet de sa carrière, lorsqu’il torturait les mêlées de Top 14 et s’activait à l’international avec le XV de France, Rabah Slimani n’était pas homme à monopoliser les médias et à accorder des interviews tous les quatre matins. Au contraire. Moins on parlait de lui, mieux il allait. La discrétion a toujours été pour lui un art de vivre. Ce n’est sans doute pas pour rien que lui et sa famille ont choisi de quitter le centre de Dublin. Avec Ornella, sa compagne qu’il épousera en août prochain, et Romy, leur petite-fille de quatre ans, ils ont élu domicile à Foxrock, une banlieue résidentielle organisée en lotissements. Un village sans rien d’ostentatoire mais avec une école franco-irlandaise. La petite maison attenante, elle aussi, n’a rien de somptueux. L’accueil est souriant et enthousiaste.

Encore, « Au début, rien n’était facile », explique Ornella. Nous sommes arrivés à Dublin le 20 juillet avec quelques affaires, laissant tout derrière nous. Nous avons récupéré les clés de la première maison cachées sous les poubelles car les agents immobiliers ne travaillent pas le samedi. Les clés de la voiture aussi. Et tout de suite, nous sommes allés chez Ikéa et avons surtout acheté un siège auto pour Romy. » Une première maison choisie sur photo mais rapidement abandonnée pour diverses raisons. Après les premiers écueils du déracinement, la petite famille s’est vite acclimatée. Elle profite de son - libre pour parcourir les routes escarpées d’Irlande. Galway aux portes du Connemara, Cork la ville de Munster, le festival des fruits de mer de Hoth ou encore Emrald Park pour faire plaisir à Romy ont déjà été visités. D’autres « road trips » sont prévus. « Nous avons même été invités par l’ambassadrice de France en Irlande Céline Place à une réception »sourit Rabah qui semble vivre sa meilleure vie.

Rabah Slimani aux côtés de sa fille.
RD

Slimani connaissait déjà un peu Dublin pour y avoir joué quelques matches avec le XV de France. Il connaissait également Leinster pour l’avoir rencontré à plusieurs reprises. Il avait déjà croisé la route de Leo Cullen, son manager aujourd’hui. C’était en 2013 lors d’une finale de Challenge Cup avec le Stade Français, disputée à l’UCD, le stade habituel de la province. « Je préfère ne pas trop retenir de cette rencontre, glisse l’ancien deuxième ligne irlandais. Non pas que Rabah ne m’ait pas marqué, mais parce que pour le Leinster, ce n’est pas forcément le trophée le plus prestigieux. Nous avons été renvoyés dans cette compétition cette année-là justement parce que nous avions perdu en phase de groupes à domicile contre Clermont. »

“Quel est ton plan?”

Ici, la vie du natif de Sarcelles est différente, tout comme le quotidien « rugbystique ». Un exemple ? «Dès lundi, Léo (Cullen) m’a prévenu que je serais remplaçant contre Clermont», raconte le pilier français. Ici, tout est plus simple, plus structuré. Rien n’est laissé au hasard. Chaque joueur a son plan. » Et Slimani de poursuivre : « En début de saison, un jeune joueur m’a demandé : « Quel est ton projet » ? Je l’ai regardé étrangement. Je ne savais pas de quoi il me parlait. Je me suis renseigné et j’ai compris. En effet, chaque joueur sait à peu près quels délais il est censé respecter. Léo (Cullen) et Jacques (Nienaber) planifient la composition de leur équipe sur plusieurs semaines. Sauf blessure, sauf progression exponentielle d’un joueur ou mauvaise forme d’un autre, chacun sait quels matchs il va jouer sur plusieurs semaines. » De cette façon, chaque joueur prend le - de se développer, de se préparer. « Tout est clair », explique Rabah. Il n’y a pas d’ascenseur émotionnel comme en France où jusqu’à jeudi ou vendredi on ne sait pas à quoi ressemblera son week-end. »

Evidemment, la pression est immense. Chaque année, le Leinster vise à remporter la Coupe des Champions. « Tout est fait pour que l’équipe soit prête pour ces rencontres »insiste Rabah, qui a profité d’un déplacement à Trévise en URC pour interroger son manager sur la qualité de son début de saison. “En fait, j’avais 24 anse homme pour le match. Je me suis posé des questions pour savoir ce que le personnel pensait de moi. J’ai donc demandé à Leo (Cullen) s’il avait du - à m’accorder. Il nous a proposé d’aller prendre un café en ville. Il a été très clair. Il m’a montré une photo sur son téléphone où je discute avec un jeune deuxième ligne de son positionnement en mêlée fermée et il m’a dit : « C’est ce que j’attends de toi. Alors tout va bien. Et concernant ma prestation, il m’a dit qu’il était très satisfait. J’étais rassuré. » « Depuis, je le trouve plus serein, plus confiant »ajoute Ornella.

Rabah Slimani devant la salle des trophées du Leinster.
RD

A Dublin, Rabah Slimani est une curiosité. Le premier Français de l’histoire du Leinster. « Il s’agit peut-être de la recrue la plus improbable ». Ce commentaire lu sur un réseau social aurait pu l’irriter ou le vexer. Rabah Slimani préfère s’amuser avec. « J’adore, il a souri. C’est comme ça sur les réseaux sociaux : plutôt que de se réjouir, les gens choisissent la méchanceté. » Sur le marché des transferts, les provinces irlandaises n’ont pas pour habitude de défrayer la chronique. Au contraire. Le recrutement est plus ciblé que quantitatif. Seules trois recrues ont rejoint la province irlandaise cette année : RG Snyman, deuxième ligne sud-africain, double champion du monde en titre ; les All Black Jordie Barrett et Rabah Slimani. Cela montre la confiance accordée à l’ancien joueur du Stade Français. «Nous recherchions un joueur expérimenté pour encadrer nos jeunes piliers», explique le manager Léo Cullen. Rabah compte 57 sélections avec le XV de France et sa réputation en mêlée n’est plus à faire. »

Vendredi matin, Dublin UCD. L’entraînement du capitaine est à 10 heures. A la veille de retrouver son ancien club où il a passé sept ans, Slimani, tout sourire, est l’un des premiers à parcourir les 200 mètres entre le centre de performance où Caelan Doris a fait son « brief » et le pitch plutôt vintage qui contraste avec la modernité des autres installations. Plusieurs médias français ont fait le déplacement. Slimani est hébergé par ses partenaires. Le préparateur physique crie : “donne le ballon à Rabah”. Ambiance bon enfant dans laquelle l’international français semble avoir trouvé sa place. “ Il a pu rapidement se faire accepter. »jure Cullen. Évidemment, il a également été mesuré. « À l’entraînement jeudi, j’ai travaillé la mêlée contre Porter », raconte Rabah. Ce n’était pas amusant. Et lors de mon deuxième ou troisième entraînement, je suis allé me ​​faire recoudre le cuir chevelu après un bon coup de genou. Involontaire, mais je sentais que ça passait. » Aujourd’hui, Slimani est fait chevalier. Lorsqu’il croise l’un des jeunes piliers Michaël Milne (25 ans) dans sa voiture, ce dernier s’arrête, ouvre sa fenêtre et entame une discussion. Alors que Slimani cherchait deux places pour assister au match entre les Noirs et l’Irlande, le demi de mêlée Gibson-Park l’a trouvé. « C’est vrai que je me sens bien. Je vis un rêve éveillé. Si quelqu’un m’avait dit qu’un jour je porterais les couleurs du Leinster, je ne l’aurais pas cru. Pour moi, ce n’est qu’un bonus. »

A 35 ans, Rabah Slimani est enivré par sa nouvelle vie. Il espère même faire durer, croisant les doigts pour que sa deuxième année de contrat optionnelle soit validée par les dirigeants du Leinster. Une probabilité qui prend peu à peu du poids. Et ce n’est pas sa prestation XXL lors de son entrée en jeu face à Clermont où il a torturé la mêlée auvergnate, qui devrait inverser la tendance. « Jouer à l’étranger était un rêve. Pas un projet. Avec Ornella, nous avions déjà évoqué l’idée d’aller aux Etats-Unis ou au Japon. Plus pour découvrir une nouvelle culture que pour un défi sportif. Cependant, le choix du Leinster est tout le contraire. Ici, je sais que l’objectif est de remporter la Champions Cup. » Une opportunité qu’il ne pouvait pas laisser passer.

 
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