Top 14 – Portrait de Temo Matiu, la nouvelle bombe de l’Union Bordeaux-Bègles : « Rebond ovale »

Top 14 – Portrait de Temo Matiu, la nouvelle bombe de l’Union Bordeaux-Bègles : « Rebond ovale »
Top 14 – Portrait de Temo Matiu, la nouvelle bombe de l’Union Bordeaux-Bègles : « Rebond ovale »

Pendant longtemps, Temo Matiu, le fils de l’international Legi Matiu, a choisi de suivre une autre voie que celle de son père, privilégiant le basket au . Chassez le naturel, il revient au galop. Depuis 2022, c’est sur les terrains de Pro D2 et, depuis peu, de Top 14, que cet athlète de 23 ans impressionne.

Le jour vient à peine de se lever en ce matin d’octobre. Dehors, le soleil est masqué par d’épais nuages ​​sombres, le vent balaie l’avenue du Maréchal Juin et la pluie s’écrase contre les vitres du restaurant Gochoki. A l’intérieur, une chaîne d’information continue empêche le silence de s’installer. Les murs sont recouverts de drapeaux de différentes équipes de rugby, le lieu est tenu par Jean-Philippe Versailles, qui a fait la joie de Montferrand et de Biarritz, une vingtaine d’années plus tôt. Derrière le comptoir, « Coco » Versailles salue son ancien coéquipier Legi Matiu, lui sert un café puis l’imposante silhouette du Franco-Néo-Zélandais s’assoit devant nous.

Champion de avec le BO en 2002, Legi Matiu (55 ans) est le père de Temo Matiu, dernière pépite formée par l’Olympique de Biarritz, qui a cédé aux sirènes du Top 14 en rejoignant, l’été dernier, l’Union Bordeaux Bègles. « Temo, quand il était petit, était très facile à gérer du moment qu’il avait un ballon en main, attaque le père. Vingt ans plus tard, rien n’a changé. Temo est content quand il s’amuse avec lui, mais c’est vrai que ces dernières années, tout est allé très vite pour lui.

L’histoire de Temo Matiu est belle, car elle ne ressemble à aucune autre. Rugby? Il l’a connu aux Pennes-Mirabeau, lorsque son papa défendait les couleurs d’Aix-en-Provence, mais c’est sur le terrain de basket qu’il a grandi et passé une bonne partie de son adolescence. « Quand Temo avait 6 ans, nous avons initié sa sœur au basket-ball. Il voulait l’imiter, mais il voulait aussi continuer le rugby, donc jusqu’à l’âge de 12 ou 13 ans, il a pratiqué les deux sports »dit Legi Matiu. Son fils est talentueux, c’est évident. Il s’impose comme un leader, avant de glisser sur l’aile et d’avoir l’opportunité de rejoindre le centre régional espoirs de basket de Mont-de-Marsan. La famille n’est pas vraiment emballée à l’idée de voir le gamin quitter le cocon si tôt. « Quand Temo a reçu la lettre lui annonçant qu’il était accepté au pôle, on a vu toute l’émotion dans son regard. Sa mère se dit alors “putain, on ne peut pas lui dire non”se souvient de son père. Careen et Legi Matiu signent cependant un pacte avec leur fils. « Si les notes n’étaient pas bonnes, on le sortait du pôle et les parents de ses amis tenaient le même discours. Dès lors, Temo et ses amis sont compétitifs sur le terrain et à l’école. Ils voulaient voir qui obtiendrait la meilleure note.

Pendant le Covid, salles fermées et terrains ouverts

Un baccalauréat obtenu sans encombre et quelques années plus tard, Matiu, tout juste adulte, ne sait pas trop quoi faire de son avenir. Il part pour la Nouvelle-Zélande, sur les traces de son père, né cinquante ans plus tôt à Auckland. Il rencontre son oncle, ses cousins, et continue de jouer au basket avec eux, si bien que les équipes de Nouvelle-Zélande et des Samoa commencent à s’intéresser au profil de ce jeune homme arrivé de France. L’aventure ne va pas plus loin. Matiu rentre chez lui et s’inscrit en classe préparatoire au lycée René-Cassin, pour ensuite intégrer une école d’ingénieurs. « A côté de ça, Temo continue de jouer au basket, mais cette fois à Labenne, dit le papa. Le niveau est inférieur à Mont-de-Marsan, mais il ne pouvait plus s’y rendre alors qu’il était en prépa. C’est complètement amateur. Il joue juste pour bouger le temps de terminer ses études avant d’envisager éventuellement autre chose.

Nous sommes maintenant au début de l’année 2020 et un mystérieux virus commence à se propager. Cela va paralyser la planète pendant de nombreuses semaines et, par la même occasion, lancer la carrière de rugbyman du petit Matiu. « Avec la pandémie, les sports en salle s’arrêtent. Temo était en contact avec des amis qui jouaient au rugby. Lorsqu’il a appris qu’ils avaient le droit de poursuivre leur formation, il a souhaité les rejoindre. Il “J’en avais marre de faire des pompes et des redressements assis seul dans ma chambre.”justifie Legi.

Direction Biarritz donc, où Joe Jonas, qu’il connaît grâce à un ami qu’ils ont en commun, commence à faire des merveilles. “Je me souviens que lors des premières séances, Temo ne savait pas trop comment passer, remarquez l’arrière du Stade français. Alors pour compenser cela, pendant son temps libre, entre les cours, il allait jouer aux passes avec un de ses amis. Le jardin de la maison est également transformé en terrain d’entraînement. « Chaque soir, pendant trois ou quatre mois, nous faisions 600 passes, glisse Legi. Au pôle basket, il a appris qu’on progresse, sur ce genre de choses, en répétant le mouvement.

Directeur sportif de l’Olympique de Biarritz, à cette époque, Matthew Clarkin propose au futur troisième ligne de s’entraîner rapidement avec le premier. « C’est sa mère qui m’a appelé pour me dire que Temo ne savait pas trop quoi faire. Lui? Il n’a pas osé franchir les étapes, sourit l’ancien capitaine de l’UBB. Quand je l’ai vu, j’ai vite compris. Temo est un athlète, cela se voit dans sa façon de bouger. Il a des qualités extraordinaires. Je n’avais pas besoin de le regarder jouer pour réaliser qu’il avait quelque chose qui méritait d’être exploré. Nous avons fait les démarches pour qu’il ait une place au centre de formation et le jour de son retour pour la préparation estivale, il est arrivé plus vite et plus fort que tout le monde. Le ballon n’est plus rond. Elle est désormais ovale, mais la détermination est la même. “Quand Matthew Clarkin l’a appelé pour lui dire qu’il venait s’entraîner avec l’équipe première, j’ai vu dans ses yeux la même émotion que lorsqu’il a reçu la lettre lui annonçant qu’il avait été attrapé au poteau de basket, quelques années auparavant”souligne son papa.

La valeur ne dépend pas du nombre d’années et Temo Matiu n’attend pas grand chose pour se faire une place dans le groupe professionnel. Un an après son premier match avec les espoirs, il est lancé en Pro D2, un soir de novembre 2022, lors d’une réception à Aurillac. Derrière, il a disputé quatorze matches avec une facilité déconcertante. Comme s’il n’avait connu que ce sport. « Le basket est une discipline où il faut une certaine agilité, il faut s’orienter à 360 degrés. Au rugby aussi, on s’adapte constamment. Quand on a des qualités physiques et intellectuelles, le passage d’un sport à l’autre n’est pas difficile »analyse l’ancien deuxième ligne international Jérôme Thion, qui a quitté les courts pour le rugby à 21 ans.

Les qualités de Matiu sont telles qu’en interne, le staff n’hésite pas, un jour où l’infirmerie est « pleine » à aligner son troisième ligne sur l’aile. C’est contre Massy, ​​en mars 2023. Seuls 21 Biarrots sont inscrits sur la feuille de match et le numéro onze Matiu inscrit le premier essai du match. “Personne n’a bronché pendant la semaine quand nous avons dit que Temo attaquerait sur l’aile, se souvient de Clarkin. Il va vite, est bon sous les balles hautes. C’est tout ce qu’on demande à un ailier, non ? Je me souviens qu’il avait d’ailleurs assez réussi à ce poste, mais je pense que son avenir, à haut niveau, est en troisième ligne.

Rêve bleu

C’est en tout cas à ce poste qu’il fait ses premiers pas avec l’UBB, en Top 14, où Yannick Bru le met rapidement dans le bain. Le patron du secteur sportif l’a utilisé comme flanker et numéro 8. « Au final, Temo sera fixé au centre de la troisième ligne, car sur les contre-attaques ou les ballons hauts, il a une aisance incroyable. C’est un athlète en termes de puissance et de dextérité. je l’utilise occasionnellement dans les couloirs, car ça passe très vite, mais je pense que Temo peut avoir un avenir incroyable”prédit le technicien. Il n’aura fallu que deux ans au troisième ligne pour passer de la deuxième division au Top 14. Combien de temps lui faudra-t-il pour frapper à la porte du XV de France ? “Il doit encore acquérir certains automatismes et gestes propres au poste”pense Yannick Bru.

“Aujourd’hui, la seule chose qui manque à Temo, c’est l’expérience, » estime de son côté Matthew Clarkin. Il a besoin de jouer, de voir comment on se comporte, chaque week-end, pendant dix semaines en Top 14. Je ne m’inquiète pas pour lui, il sait où il peut aller. « Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas vu un profil d’Olivier Magne chez les Bleus, notes Aldigé. Bordeaux peut l’amener, tôt ou tard, en équipe de France. Où son ami d’enfance, Lenni Nouchi, a fait ses premiers pas cet été. “Je pense qu’il a décidé de le rejoindre d’ici deux ou trois ans”confie Legi Matiu, dont la simple évocation du rêve bleu rappelle plusieurs souvenirs.

Le colosse obtient ses deux seules sélections lors du Tournoi des 6 Nations 2000, aux côtés d’Olivier Brouzet dans la cage. L’un des moments forts de sa carrière de rugbyman, arrivant après une semaine où il vient de vivre le pire. « Vous savez, entre Samantha, mon aînée, et Temo, nous avons eu une fille qui est décédée. Je l’ai enterrée dimanche et, lundi, je suis monté à Marcoussis pour préparer ma première sélection, dit-il en regardant au loin. Je devais jouer ce match pour elle. Bernard Laporte était alors entraîneur. Il avait confiance en moi et j’ai décidé de me lancer. […] Récemment, lorsque Samantha a obtenu sa première sélection au netball (un sport dérivé du basket, NDLR)au moment de la Marseillaise, toutes les émotions sont revenues.»

Entourage, silence et Rubik’s Cube…

Chez les Matiu, où la sœur et le père sont internationaux, l’esprit de compétition n’est jamais loin. « Samantha était championne de France de basket. A domicile, Temo était toujours à la recherche d’un premier titre. Lorsqu’il a remporté, avec France 7, une étape du championnat d’Europe (en juin 2024), il a placé le trophée bien en évidence pour que sa sœur le remarque.sourit Legi, dont la diction calme rappelle les rares discours de son fils, du temps où il défendait les couleurs du BO.

Car Temo Matiu est une personne bien faite et un garçon discret au quotidien, presque réservé. Deux ans plus tard, on se souvient encore de la première interview qu’il a accordée au Midi Olympique. Matthew Clarkin nous a prévenus : “Faites attention, il est timide.” “C’est bon, ai-je répondu correctement ?”» a demandé le jeune homme à la fin de l’entretien. « Son silence est une forme de respect, explains Jean-Baptiste Aldigé. Dans ce rugby moderne fait d’images, d’interviews télévisées, on ne fera pas parler Temo, mais c’est un joueur extraordinaire.

Pour « JBA », qui en fut le président pendant deux ans et qui a vu le phénomène se développer, la clé de sa réussite ne réside pas, seulement, dans ses qualités physiques. « Il est dans une famille saine, avec un père, une mère et une sœur ultra présents, souligne le nouveau patron de Nice. Temo ne parle pas, mais il a la classe, le gendre idéal ! Il est également accompagné d’un agent sain, l’un des plus bienveillants de la profession. (Didier Chouchan, Editor’s note) Les chiens ne font pas les chats et à son époque, Legi Matiu n’était pas non plus le deuxième ligne le plus bavard de la division. “Temo, comme moi, ne parle pas beaucoup, mais il entend beaucoup de choses qui le font réfléchir”il glisse. “C’est un garçon assez difficile à cerner, car il s’exprime rarement, dit Matthew Clarkin, mais il comprend tout. On voit d’ailleurs qu’il est assez brillant dans ses études ou dans le rugby.

C’est aussi le genre de garçon qui réussit dans tout ce qu’il entreprend. Quelques années plus tard, Legi Matiu n’a pas oublié le moment où, chez un ami, son fils battait tout le monde au ping-pong. « Il jouait là-bas entre les cours, à Mont-de-Marsan, murmure son père. Cet après-midi-là, je lui ai dit : « Temo, je t’envoie là-bas pour jouer au basket et quand tu reviens, tu es un joueur de ping-pong. Que se passe-t-il?” Un jour, alors que la famille Matiu se rendait dans la capitale, Temo Matiu tomba sur un Rubik’s Cube. « Il a ensuite regardé des vidéos, poursuit son père, et en un week-end, il a appris à le faire. Il est comme ça, Temo… » Calme olympien et aisance déconcertante.

 
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