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Lubna Azabal, un talent monstre

​Dans « Rabia », elle incarne Madame Claude de Daesh, qui recrute des jeunes filles européennes. Une actrice forte dans un film choc.

« Quand j’accepte un rôle, c’est mon instinct qui parle. Sinon, ça n’en vaut pas la peine. Jouer un personnage, même indicible, c’est encore essayer de le comprendre. » Actrice depuis plus de vingt-cinq ans, allant du cinéma d’auteur français et marocain aux blockbusters hollywoodiens, Lubna Azabal ne rentre dans aucun moule et incarne des personnages héroïques ou machiavéliques qui questionnent. Comme celui de Madame dans « Rabia », inspiré de la Marocaine Fatiha Mejjati, mère madame de l’État islamique, encore aujourd’hui en fuite, qui régnait sur une mafada, les bordels où étaient enfermées les jeunes femmes venues commettre le crime. . jihad, en attendant de se marier. Ou plutôt violée. Le film, puissant et brutal, qui raconte le destin d’une de ces jeunes Françaises parties en Syrie (Megan Northam, saisissante), a récolté des prix aux festivals de rentrée alors même que Cannes ne l’avait étonnamment pas sélectionné.

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Comme la réalisatrice Mareike Engelhardt, Lubna Azabal a longuement enquêté et connaissait déjà Madame avant même qu’on lui propose le rôle. « Elle est monstrueusement fascinante. La seule femme que nous respectons au sein de Daesh. Fille de classe moyenne, elle a étudié le droit à Paris avant de partir faire un tour. Elle incarne ce que sont ces gens : des psychopathes qui prennent un grand plaisir au pouvoir et au mal absolu. C’est la perversité et le sadisme incarnés. » Azabal est souvent ramenée aux propos politiques de nombre de ses films, qu’elle préfère modérer. Un seul scénario le prend en compte. « Mais quand je fais « Le bleu du caftan », qui évoque le tabou de l’homosexualité au Maroc, je me dis que je contribue peut-être à éclairer un peu certains sujets. Une petite bougie dans une pièce sombre… »

J’ai découvert en travaillant avec Leonardo DiCaprio, Ralph Fiennes et Joaquin Phoenix ce que signifie être une star.

Lubna Azabal

Elle se voit plutôt comme une journaliste, un témoin, à l’image des reporters de guerre qu’elle admire depuis son enfance. « Je les trouve héroïques, ils donnent la parole à l’invisible. » Elle s’immerge également dans ses personnages jusqu’à s’oublier : « Quand je tournais « Le bleu du caftan » au Maroc, pendant le Covid, mon père était mourant. J’ai dû faire un choix : soit quitter le film pour aller le voir à Bruxelles, et ne plus pouvoir retourner au Maroc, soit rester et finir le film. C’est ce que j’ai fait. Mon père est décédé le dernier jour du tournage et j’ai pris l’avion le lendemain pour le voir dans un club. »

C’est une actrice insaisissable. Résultat d’un parcours atypique. Née en Belgique, d’un père marocain et d’une mère espagnole, elle étudie l’art dramatique au conservatoire pour s’affranchir d’une éducation assez stricte en milieu pauvre. En tournée entre Bruxelles, Paris et le Maghreb, se révèle aussi bien Téchiné dans « Loin » que les films de Nadir Moknèche (« Viva Laldjérie ») ou Maryam Touzani. En moins de quinze ans, elle remporte quatre Magrittes, les César belges, de la meilleure actrice, un record. Ridley Scott l’engage pour “State Lies” à Hollywood en 2008, puis Denis Villeneuve la magnifie dans “Incendies”.

«J’ai eu de la chance. Et j’ai découvert en travaillant avec Leonardo DiCaprio, Ralph Fiennes et Joaquin Phoenix ce que signifie être une star. Ils ont la simplicité et la gentillesse qui manquent à tant d’acteurs qui ont deux courts métrages à leur actif. Le secret est là : n’oubliez pas d’où vous venez et restez qui vous êtes. Quand j’ai fini le tournage, je retourne voir ma mère, qui est femme de ménage. C’est mon monde, celui d’où je viens. » On oubliera donc la femme forte qu’elle incarne souvent au cinéma. «Je suis punk», sourit-elle. Un animal social un peu fragile… »

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« Rabia » en salles maintenant

©DR

 
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