(Miaodao) Sous un ciel rempli de nuages menaçants sur une plage isolée des îles chinoises de Miaodao, l’artiste Fu Junsheng marche entre les tas de déchets plastiques échoués sur le rivage, en quête d’inspiration.
Publié à 7h48
Mis à jour à 8h04
Emilie WANG
Agence France-Presse
La Chine est le plus grand producteur mondial de plastique et les îles Miaodao, situées à l’intersection de plusieurs zones côtières industrialisées, font face à des vagues continues de déchets flottants qui s’échouent sur leurs plages.
Il y a huit ans, l’artiste Fu Junsheng a décidé d’en faire à la fois sa matière première artistique et son outil de sensibilisation.
“Notre génération a connu un développement fulgurant, mais nous avons souvent négligé, voire complètement oublié, la nature dans ce processus”, explique-t-il à l’AFP en se promenant dans son atelier où s’entassent des œuvres créées à partir de plastique. ramassés sur les plages.
Parmi ses œuvres les plus impressionnantes figure une installation composée de près de 900 sandales usées, entassées devant des toiles de marine.
“(Ces déchets de la mer) portent la trace de notre quotidien, de la vie de chacun de nous”, souligne-t-il.
L’objet le plus ancien qu’il a collecté était un paquet de nouilles instantanées datant de 1993, resté presque intact malgré des décennies passées dans la nature.
“Ces objets ne disparaissent pas, mais se fragmentent en microparticules qui peuvent être ingérées par la faune marine, puis se retrouver dans nos assiettes”, prévient l’artiste, ajoutant que “ce processus est invisible à l’œil nu”.
« Des défis collectifs »
Les îles Miaodao se trouvent en face de la péninsule coréenne, où les délégués de plus de 170 pays travaillent cette semaine pour conclure un traité sur la réduction de la pollution plastique.
Fu Junsheng trouve régulièrement des briquets et des bouteilles en provenance de Corée du Sud.
« La protection des écosystèmes marins nécessite une coopération internationale », dit-il, car « il ne s’agit pas d’un problème local, mais d’un problème mondial ».
À l’Université de Qingdao, Fu Junsheng s’est intéressé aux conséquences environnementales de l’urbanisation rapide de la Chine qui a débuté à la fin des années 1980.
En 2023, les usines chinoises ont produit 75 millions de tonnes de plastique, selon les chiffres officiels.
La Chine n’est pas considérée comme le plus grand pollueur de plastique au monde, mais elle a tout de même généré 63 millions de tonnes de déchets en 2022, selon les médias d’État.
Environ 90 % ont été recyclés, enfouis ou incinérés – dans des proportions similaires – mais 7 % ont été directement rejetés dans la nature.
Pour Fu Junsheng, éliminer complètement le plastique est irréaliste, mais il appelle à un usage « plus contrôlé et plus raisonné ».
Dans le monde, plus de 90 % des plastiques utilisés ne sont pas recyclés. Chaque année, 20 millions de tonnes finissent dans la nature, souvent quelques minutes seulement après utilisation.
« Les gens abordent souvent ces questions à un niveau individuel. Mais les enjeux environnementaux sont des défis collectifs pour l’ensemble de l’humanité », insiste l’artiste.
Produits quotidiens
Au fil des années, Fu Junsheng a collectionné d’innombrables objets : jouets, ballons, brosses à dents, bouteilles… Tous sont des produits du quotidien.
Son objectif est de montrer à quel point la pollution marine est directement liée à nos habitudes de consommation.
Parmi ses œuvres publiées en ligne figurent un arc-en-ciel réalisé à partir de fragments de plastique coloré, ou encore une poupée gonflable dégonflée, entourée de gants en caoutchouc multicolores.
Une autre installation représente une étagère remplie de bouteilles de cosmétiques et de produits de beauté usagés.
« Ces produits sont censés nous rendre plus propres et plus beaux », note Fu Junsheng.
« Et pourtant, ils finissent souvent dans l’océan, où ils polluent l’eau, détruisent les écosystèmes marins et finissent par défigurer notre environnement. »