Catherine Vautrin n’est pas une femme à perdre son temps. Ses phrases sont fabriquées. Percutant ! Son débit de parole rapide. Reconnaissable à son carré blond platine et ses grandes lunettes rondes, cette élue des « territoires », comme elle le prétend, n’a jamais oublié ce conseil que Jean-Louis Borloo lui a glissé à l’oreille lors de sa première nomination dans un gouvernement – celui de Jean-Louis Borloo. -Pierre Raffarin, en mars 2004, comme secrétaire d’État chargé de l’intégration et de l’égalité des chances.
“Rejoindre le gouvernement, c’est comme jouer un match de football : on ne sait jamais quand l’arbitre sifflera la fin de son temps de jeu, alors donne le meilleur de toi-même, pour ne pas avoir de regrets”, a-t-il déclaré. avait affirmé son ministre de tutelle, alors en charge de l’Emploi. Depuis, elle en a fait une de ses devises – presque un art de vivre –, n’hésitant pas à la ressortir régulièrement. François Durovray, l’un de ses vice-ministres chargé des Transports, en sait quelque chose. Ce fut la première chose qu’elle lui dit à son arrivée au début de l’automne. Ses conseillers en rient.
Elle a élu domicile at the Hôtel de Roquelaure
Chargée de la décentralisation et du partenariat avec les territoires, Catherine Vautrin a élu domicile en septembre dernier à l’Hôtel de Roquelaure – l’un des plus beaux de la République – reléguant dans les bâtiments annexes la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher avec qui elle entretient « les meilleures relations au monde », s’empresse-t-elle de souligner. La ministre prend soin d’épargner la sensibilité de ses collègues. « Ce n’est pas un trait de personnalité », aime-t-elle dire. En politique, cela s’apprend ! » Propulsée à la troisième place dans l’ordre protocolaire du gouvernement Barnier, derrière ce dernier et Didier Migaud, son homologue à la Justice, elle a vécu un temps avec cet espoir déçu de ne pas avoir été nommée Premier ministre.
Le temps apaise les chagrins
Suite à sa réélection, en mai 2022, Emmanuel Macron envisageait sérieusement de la placer à Matignon, afin de faire une ouverture à droite – à la tête du Grand Reims, l’élu a été longtemps membre de l’UMP, puis de LR , avant de rendre sa carte en juin 2019 car il ne se sentait plus « en phase avec la ligne du parti ». Une rencontre a même été organisée rue de Varenne avec Jean Castex, toujours animateur des lieux. Mais, sous la pression de son aile gauche – réticente à l’idée d’être gouverné par un élu autrefois opposé au mariage pour tous – le président a débranché à la dernière minute, et nommé Élisabeth Borne.
Heureusement, le temps adoucit la douleur. Des promotions aussi ! En janvier dernier, Catherine Vautrin a été nommée, dans le gouvernement Attal, à la tête d’un « super ministère », regroupant Travail, Santé et Solidarité. Reconnaissante, elle affiche aujourd’hui une « loyauté sans faille » envers le chef de l’Etat. « SPF » – sans parti politique fixe – comme elle aime à le dire, la ministre a depuis retiré sa carte à Renaissance, le parti présidentiel. « Je suis une militante comme les autres », nous explique-t-elle. Pudeur affichée. Réclamé jusque dans le choix du mobilier de son nouveau bureau à Roquelaure. Rien n’a changé depuis le départ de Christophe Béchu, l’ancien locataire des lieux.
Deux cartes en relief
Elle avait à peine placé de chaque côté de la salle deux plans-relief de l’Institut national de l’information géographique et forestière – l’un de la France, l’autre de la Corse. « Elle avait fait de même dans l’ancien ministère qu’elle occupait rue de Varenne », nous raconte son entourage. Les fauteuils, bien que trop bas pour elle, n’ont pas été changés. Le ministre n’a jamais pu s’asseoir là. Rien qui puisse la déranger. « Il ne faut pas oublier que ce ne sont que des parenthèses dans nos vies », nous explique-t-elle. Catherine Vautrin en sait quelque chose. Lorsqu’elle apprend, le 9 juin, « quelques minutes avant la prise de parole d’Emmanuel Macron », que ce dernier allait dissoudre l’Assemblée nationale, la fatigue se lit sur son visage. Depuis trois semaines, elle a passé nuit et jour à défendre le texte de fin de vie légalisant l’aide active à mourir, en commission, puis dans l’hémicycle. « Lorsque j’ai quitté le palais Bourbon deux jours auparavant, raconte-t-elle, j’étais à des années lumières de penser qu’on n’irait pas au bout des débats. »
A la tête d’un ministère tentaculaire
Présent ce soir-là pour commenter les résultats des élections européennes sur le plateau d’une des chaînes d’information en continu, un invité lui a dit entre deux interventions : « En termes de fin de vie. MERCI ! » Bien que contesté, la ministre continue néanmoins de défendre – sans en faire trop – ce choix du président de la République : « On ne se trompe jamais quand on remet en question le pays », a-t-elle déclaré à Paris Match. Dépossédée, aujourd’hui, du texte sur lequel elle a travaillé de longs mois, elle nous avoue, un peu amèrement, que « la vie gouvernementale est comme ça. Geneviève Darrieussecq, la ministre de la Santé et de l’Accès aux soins, connaît parfaitement le projet de loi. Nous avons travaillé ensemble. Et maintenant, j’ai évolué. » Catherine Vautrin a, dans son portefeuille, les collectivités – jusqu’ici partagées avec le ministère de l’Intérieur –, le commerce, l’artisanat, mais aussi la mer, la pêche, et surtout les transports. Un ministère tentaculaire, une sorte de « Beauvau de la rive gauche ».
Sa priorité est aujourd’hui de lancer rapidement une réforme profonde du statut des élus pour améliorer l’attractivité du mandat et ainsi sécuriser l’engagement et susciter les vocations en vue des élections municipales. « C’est un projet très attendu. Nous allons partir du projet de loi sénatoriale de Françoise Gatel afin d’améliorer les conditions d’exercice du mandat, nous révèle-t-elle. On constate une augmentation inacceptable des violences contre les élus locaux (2 600 ont été victimes en 2023, selon le Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus). Il faut être ferme dès le premier moment du harcèlement, car cela commence souvent par de la violence verbale, avant de devenir physique. »
Réticents à changer le code électoral dans les grandes villes
Dans la perspective de 2026, elle se montre réticente à modifier le code électoral des trois grandes métropoles de Paris, Lyon et Marseille, bien que soutenue par les députés du « socle commun » – terme qu’elle préfère à celui de majorité relative. « La lecture des élus n’est pas la même partout. Seuls ceux de la capitale souhaitent réellement modifier rapidement le système existant. » Après avoir définitivement fermé la porte au retour de la taxe d’habitation – supprimée par Emmanuel Macron, au début de son deuxième quinquennat –, le ministre envisage néanmoins le retour de la fiscalité locale. « Il faut se rendre à l’évidence, à l’heure où l’argent public se raréfie, ce sont des revenus qu’on n’a plus. Il faut impliquer les citoyens dans le coût des dépenses publiques, tout en restant vigilants sur leur pouvoir d’achat, explique-t-elle laconiquement. Cela doit être fait en concertation. »
Le ministre est branché sur le secteur. Dans un contexte où pour réduire le déficit, le gouvernement recherche des économies, la ministre nous dit qu’elle entend évaluer rapidement tous les organismes dont elle a la responsabilité. « Je ne souhaite pas de duplication dans les missions réalisées. » Parallèlement, elle avance sur les « dossiers corses ». Après un déplacement sur place fin octobre, elle a confirmé la volonté du gouvernement de « présenter un texte constitutionnel prévoyant la reconnaissance du statut d’autonomie de l’île au second semestre de l’année prochaine et d’organiser un Congrès, potentiellement, avant la fin 2025 ». .» « Y a-t-il une bonne ambiance au sein du gouvernement Barnier ? » osons-nous lui demander, à la fin de notre rencontre. Catherine Vautrin réfléchit – la question est délicate – avant de nous répondre : « Il y a beaucoup de ministres – quarante et un au total. Cela prend du temps. »
Un Chiraquien
Il faut dire que depuis sa première élection en 1983, comme conseillère municipale de Reims, la Chiraquienne en a vu d’autres : siégeant, au fil des années, dans la majorité rémoise, puis dans l’opposition, devenant députée de la Marne (en 2002). , puis secrétaire d’État (en 2004), puis ministre délégué (en 2005) sous Jacques Chirac avant d’accéder au poste de vice-président de l’Assemblée nationale, sous Nicolas Sarkozy (en 2008, siège qu’elle conservera jusqu’en 2017). Elle a tout vu, tout connu. « J’aurais pu être la mère du précédent Premier ministre », plaisante-t-elle. Et me voilà désormais en mesure d’être la sœur de son successeur. » Seul bémol : ne pas avoir réussi à prendre les rênes de Reims. Sa ville natale. En 2008, elle est battue par la socialiste Adeline Hazan. Mais l’histoire n’est pas terminée. Et de nombreux chapitres restent à écrire. « Dans la vie, philosophe-t-elle, il ne faut jamais rien exclure… »
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