« Je suis le contraire du progrès : je suis le mur contre lequel il se brise. » C’est tout le programme de Pierre jaune que son personnage principal, John Dutton (interprété par Kevin Costner), résume en quelques mots dans la quatrième saison de la série, alors qu’il fait campagne pour le poste de gouverneur du Montana avec un slogan concis : « Pour la terre » (« pour la terre »). Très populaire dans survoler les états (les États que nous survolons, entre New York et Los Angeles, sans jamais s’y arrêter), la série créée en 2018 par Taylor Sheridan pour Paramount a longtemps été soupçonnée d’attirer un public républicain, celui qui regarde Fox News plutôt que HBO. Six ans plus tard, Sheridan devient le showrunner « maison » de Paramount et de sa plateforme de streaming, sur laquelle pullulent les spin-offs. Pierre jaune et d’autres séries dont le fond et la forme s’alignent particulièrement bien avec le trumpisme.
Pierre jaunec’est un peu Succession dans le Far West. On y retrouve la figure centrale du patriarche sans état d’âme et les mêmes questions qui tourmentent tout chef de clan : à qui passer les rênes du ranch à sa mort et, d’ici là, comment défendre ses terres contre l’adversité. Ses ennemis sont principalement des promoteurs immobiliers et des investisseurs de la Silicon Valley, prompts à aligner des millions de dollars pour construire une station de ski, un barrage, voire un aéroport sur un terrain privé de la taille d’un petit pays. Dans les codes du western – chevaux, bétail, grands espaces autogérés, patriarcat, rivalité avec les indiens… –, Pierre jaune s’ajoute ceux du feuilleton et de la tragédie familiale. Une grande partie de l’intrigue est consacrée à la relation entre John, veuf depuis des années, et ses quatre enfants, dont aucun ne lui donne entière satisfaction.
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