l’essentiel
S’il n’en a pas parlé, lorsqu’il est venu enflammer Pause Guitare en 2023, le leader du groupe Indochine, Nicola Sirkis, connaît bien le Tarn. Enfant, il y venait en vacances. Son père possédait une maison au Ségala, souvenir du maquis où il avait combattu. Nous avons suivi les traces de cette enfance tarnaise.
« Lors d’un concert à Bordeaux, Nicola Sirkis a demandé s’il y avait des Tarnais dans le public », raconte Dominique Planes, un jeune retraité de Lavaur. Pourquoi le chanteur et guitariste du groupe Indochine s’intéresserait-il à la patrie de Jaurès ? Il faut remonter à l’occupation allemande pour trouver l’explication.
« Mon père était ici dans la Résistance. Il était d’origine russe. Il arrive au début de la guerre en provenance d’une région cédée à l’Allemagne suite au pacte germano-soviétique. Il a pris la fuite et, à peine en France, il est entré dans un réseau de lutte contre l’occupant», confiait Nicola Sirkis, en 2014, dans nos colonnes, après un concert d’Indochine à Albi. Et c’est dans le Tarn qu’il combat. De quoi nouer des liens forts avec le territoire. « Il souhaite alors acheter une ferme près d’Albi, dans le maquis même où il avait exercé ses activités. Dans les années 60 et 70, nous passions toutes nos vacances d’enfance à Alban », poursuit le chanteur.
Ami de l’ancien maire
Bien camouflé dans un bosquet, à l’abri des regards, le lieu, inhabité à notre arrivée, est clôturé et bien entretenu. Elle appartiendrait désormais aux Albigeois. « Le voisin le plus proche, maire du village, connaissait bien Nicola. Il parlait souvent d’elle au conseil municipal. Ils avaient noué de bonnes relations», renseigne un ancien élu de Paulinet. Malheureusement, Damien Chamayou, l’ancien maire, est décédé en juillet 2024. Sa ferme est à un kilomètre de celle des Sirkis. «Lorsque nous avons inauguré la place du village, il a essayé de l’inviter à la cérémonie», se souvient un habitant. Elle est l’une des rares personnes à connaître la présence de cette star du showbiz dans ce village. De plus, aucun d’entre eux ne l’a rencontré personnellement. Il faut dire que le lieu de vacances est atypique pour cet enfant né en région parisienne et dont les racines familiales sont en Moselle.
-Un père résistant
En 1933, le père de Nicola, Jean Sirkis (de son vrai nom Sirchis), d’origine juive, fuit la montée de l’antisémitisme à Chișinău, capitale de la Bessarabie puis de la Moldavie, pour s’installer à Toulouse. Sous le régime de Vichy et l’occupation nazie, les Juifs furent pourchassés et déportés. Jean Sirchis échappe de peu à une rafle. Il lui est également interdit de poursuivre ses études à l’École de Chimie de Toulouse. Fin 1943, avec quelques camarades, ils décident de combattre Pétain et les occupants nazis.
Refuge à Paulinet
Ils rejoignent alors la résistance, bien implantée dans le Tarn. Dans un premier temps, ils trouvèrent refuge tout près de Paulinet, au lieu-dit Biques.
Son groupe, baptisé « Bleu-Blanc », couleurs du futur État d’Israël, rejoindra ensuite le maquis de l’Armée secrète (AS), à la jasse du Martinou à Lacaune. En août 1944, il participe à la libération de Toulouse. Cette fois, à 17-18 ans, il marquera à jamais Jean Sirchis, à tel point que, plus tard, il achètera une résidence secondaire à Paulinet, à quelques centaines de mètres seulement de son refuge pendant la guerre. Elle apportera de la joie aux vacances d’été de Nicola et de ses frères.