Paul-Henri Arni est historien, lauréat de « La Course autour du monde » à la télévision francophone (1981), ancien délégué du CICR (1990-2013) et diplomate des Nations Unies (2013-2023).
Je l’avoue d’emblée, je n’aime pas le personnage : un génie de la tech arrogant, qui pense pouvoir se lancer en politique sans grand chose en la matière. Les affaires et la politique sont deux mondes très différents. Cela dit, nous passons à côté de l’essentiel lorsqu’il s’agit d’Elon Musk. Au cours des dix derniers jours, plusieurs chefs d’État et de gouvernement, Macron, Starmer, Sánchez et d’autres, ont accusé Musk de se plier à l’extrême droite et de soutenir « une nouvelle internationale réactionnaire ».
Même si l’homme aux 210 millions de followers est devenu l’influenceur le plus puissant de la planète et détient un pouvoir sur les esprits que Goebbels aurait rêvé d’avoir, le ministre de la propagande d’Hitler, Musk n’est en aucun cas responsable du succès fulgurant de la droite nationaliste en Europe et Amérique du Nord. Il ne fait que surfer sur cette vague qui a atteint la Hongrie, la Slovaquie, l’Italie, les Etats-Unis, les Pays-Bas et demain le Canada, l’Autriche et probablement la France.
Lorsqu’Obama a manifesté son soutien à Macron par la presse et que Scholz a envoyé des conseillers à Kamala Harris, personne n’a vu d’objections. Quand Musk manifeste son soutien à Giorgia Meloni ou à Alice Weidel, on s’offusque. Deux poids, deux mesures. Musk est le bouc émissaire.
La vraie question est de savoir pourquoi les peuples occidentaux rejettent leurs élites libérales et avec elles la mondialisation qu’elles ont apportée ? Nous connaissons la réponse : d’Obama à Biden, de Merkel à Scholz, de Sarkozy à Macron, les gouvernements occidentaux ont laissé une partie importante de leur société sombrer dans la pauvreté, ont perdu le contrôle de l’immigration et ont été incapables de redresser l’économie. Il en résulte une baisse du pouvoir d’achat et un sentiment d’exclusion sociale tandis que les élites de la surface s’enrichissent et s’occupent des questions « sociétales ».
En fait, ce que l’échec des politiques révèle également, c’est que nous assistons à un changement de pouvoir. En termes d’influence réelle, les hommes politiques ne sont plus à la hauteur des nouveaux maîtres du monde, dont Musk est le fer de lance. Lorsque Musk attaque les gouvernements européens, ce n’est pas par idéologie. Il s’agit avant tout de provoquer des fissures au sein de l’Union européenne, cette puissante bureaucratie qui veut contrôler les géants de la tech. Inutile de s’indigner. Le monde a profondément changé et il faut s’adapter sans se tromper d’objectif. Notre problème est-il Elon Musk ou le déclassement social qui alimente l’extrême droite ?
