En vivant une autre vie que la leur, ils ont besoin d’écrire pour se retrouver. Sept personnalités évoquent ce nouvel espace de liberté et de création. Pour l’actrice, c’est avant tout un refuge.
« Depuis mon premier journal, à l’âge de 11 ans, jusqu’aux scénarios de films et de pièces de théâtre, je n’ai jamais arrêté d’écrire. Mais après le départ de Jean-Pierre Bacri (décédé en janvier 2021, NDLR), avec qui j’ai toujours partagé ma plume, j’étais désemparé. Je ne savais pas encore si j’allais y arriver… Et puis le projet de ce premier livre évoquant mon enfance, La taille de nos seins*accompagné d’illustrations de Cécile Partouche, peintre que j’admire et surtout mon amie depuis plus de cinquante ans, m’a semblé une évidence. Une sorte d’intermède doux et agréable, qui m’a permis de me consoler un moment. J’aimais me souvenir, penser à ce qui avait changé, compté, surpris, traumatisé, trahi.
Au-delà d’être vital, l’écriture me semble être le meilleur moyen de prendre du recul sur la vie. Poser quelque part ce qui nous arrive, et y revenir si nécessaire au fil du temps ou des émotions. Parce que les souvenirs transforment tout, nous donnant la bonne part en général, et nous faisant ainsi oublier les détails des moments les plus difficiles. Tant mieux, car c’est grâce à cette omission que nous survivons. Mais tout mettre sur papier, le bon comme le mauvais, a sans aucun doute des vertus thérapeutiques. J’aime tout dans l’écriture, surtout le fait que cela prend du temps.
Dans notre nouvelle société de l’immédiateté, l’idée de prendre son temps a en partie disparu, entraînant avec elle celle de la réflexion. J’aime prendre mon stylo, mes petits cahiers, mon ordinateur, et me plonger dans cette bulle silencieuse. C’est un refuge, un espace infini de liberté, dans lequel je suis « je », et non dans le « jeu » comme à l’écran ou sur scène. Nous faisons appel à notre propre vie, à notre autonomie, à nos pensées, sans penser aux idées ou aux désirs des autres. Un moment de calme, ou du moins d’éloignement de la tourmente. Je ne sais pas encore si je me lancerai dans l’écriture d’un deuxième roman, mais je sais que je prendrai plaisir à me retrouver dans cet espace de liberté.
Agnès Jaoui est également réalisatrice, scénariste et chanteuse.
* La taille de nos seins, Éditions Grasset, 2024.