Marcel Poinen, artiste et inventeur.
Installé à Rodrigues depuis dix ans, Marcel Poinen est à Maurice pour suivre un traitement médical en attendant de se faire opérer à l’étranger. A 68 ans, l’auteur, chanteur et agriculteur est aussi l’inventeur d’une machine à «grener mai», non pas industrielle mais domestique. Toutes ces activités ne l’empêchent pas de porter un regard critique sur la situation politique, notamment le positionnement des élus rodrigues à l’Assemblée nationale. Pour lui, le 10 novembre, les sondages ne donnaient pas un 60-0 mais plutôt un 64-0.
Des problèmes de santé ?
C’est le 14 octobre qu’on m’a diagnostiqué un problème de santé. Depuis deux mois, je suis suivie par des médecins de l’hôpital Victoria de Candos. J’attends une intervention chirurgicale à l’étranger.
A 68 ans, vous avez passé les dix dernières années à Rodrigues entre les champs, les inventions et la collection du patrimoine immatériel. Que veux-tu transmettre ?
J’étais à Maurice pour le grand événement, le 60-0. Malheureusement, je n’ai pas pu voter dans mon pays, Rodrigues. J’ai observé et écouté ce que disaient les gens à l’hôpital. J’avais vraiment l’impression que les gens étaient rassasiés. C’est quelque chose auquel je ne m’attendais pas. En réalité, ce n’est pas 60-0 mais 64-0.
Parce que les élus de Rodrigues ont décidé de siéger avec la majorité gouvernementale au Parlement alors que leur parti est dans l’opposition à Rodrigues ?
C’est la République qui a décidé. C’est du jamais vu. C’est une leçon des Rodrigues sur la manière d’être républicain. Cela nous montre que le peuple peut faire des choses au-delà de ce que pensait le politicien.
Je suis né en 1956 (NDLR, il avait 12 ans en 1968). Depuis l’Indépendance, on a vu que l’arrogance et la corruption ont poussé vers le 60-0 de 1982. Ce fut la naissance du Mauritianisme. Certains parlent de racines variées. Je ne suis pas d’accord. Il y a diverses graines qui sont tombées. Le Mauricien est enraciné dans cette terre. En 1982, on croyait que les hommes politiques avaient des baguettes magiques comme les fées. Rassembler 100 000 personnes lors de la réunion de remerciement au Champ-de-Mars, c’est extraordinaire. Mais des intérêts cachés ont bloqué le développement du mauritianisme.
Croire au changement en 2024 signifie-t-il prendre les politiques pour des fées ?
Le Mauricien a tiré des leçons. Mais c’est aussi le politicien qui est une caste. Ils nous rassemblent avec des slogans : « La nation arc-en-ciel », “l’unité dans la diversité”le « des gens admirables ». Mais parmi les politiques, il y a des démolisseurs, qui ont des motivations ethniques et socioculturelles. Sauf que les gens n’y croient pas. Il l’a montré lors des dernières élections. Lors de la réunion de remerciement (NDLR, à la Place d’Armes), on a vu le quadricolor flotter haut, la foule chanter l’hymne national.
Avez-vous retrouvé un espoir renouvelé en tant que citoyen rodriguais ?
Exactement.
Vous reconnaissez-vous comme citoyen rodriguais maintenant ?
Et j’en suis fier. Je fais partie de la République. À la fin du mois, cela fera dix ans que je me suis installé à Rodrigues. En tant que poète, écrivain, citoyen passionné de son pays, de l’océan Indien, j’ai le sentiment qu’avec les élections du 10 novembre, un homme politique va s’égarer. Le Premier ministre a dit qu’il avait reçu le message (NDLR, celui du peuple). Ce qu’il a compris, on lui a fait comprendre que. Il y a une expression qui “L’espoir est déçu”. Je préfère dire que l’espoir est tombé dans l’art. L’art de se diriger soi-même. C’est à ces 64 personnes qui siègent au Parlement de nous conduire au bon endroit.
C’est une répétition, mais 42 ans après le premier 60-0 de 1982, ne prend-on pas encore les politiques pour des fées ?
Quelque part oui. C’est notre modèle du vivre ensemble qui veut ça. L’espoir viendra du Rezistans ek Alternativ (ReA). Le vice-Premier ministre l’a dit. Elle a bon espoir pour eux.
Ce ne sont que trois élus.
Mais il y a une fête derrière eux. Si les propositions de ReA ont été incluses dans le programme électoral, elles doivent être respectées.
Entre le manifeste électoral et le discours d’ouverture à venir, il existe parfois des disparités.
Très souvent, oui. Mais je crois qu’il sera respecté. C’est aussi une question d’âge. A mon âge, quand les jeunes font des choses, j’ai besoin de me taire, regarde-les. J’ai mon mot à dire mais ce sont eux qui ont tout le - de continuer.
Avez-vous le sentiment qu’on laisse la place aux jeunes alors que des postes clés ont été confiés à des personnalités qui, il y a plus de dix ans, avaient déjà côtoyé les dirigeants actuels ?
Sans être politologue (sourires), je dirais que le Mauricien connaît forcément quelqu’un qui a une affiliation.
Il n’y a pas de Mauricien neutre ?
Nous sommes encore en train de devenir.
Même après 56 ans d’indépendance ?
Les humains sont éternellement insatisfaits. Mais nous sommes condamnés à vivre ensemble. Ce n’est pas seulement après une catastrophe que nous devons faire un don. Le mauritianisme reconnaît les différences qui nous apprennent à vivre ensemble.
Le poète, l’acteur, celui qui a valorisé comme vous le patrimoine de Fanfan a dû regarder les propositions de ce gouvernement pour la culture. Qu’en penses-tu?
J’ai apprécié l’approche du ministre Mahen Gondeea dans une récente interview. Sans prétendre être un connaisseur d’art, il répond aux questions. C’est pourquoi il a proposé les assises. J’espère qu’avec le document qui en résultera, le ministère et le gouvernement comprendront ce que les artistes attendent réellement.
Un des défauts des Assises, c’est que l’action passe en mode pause, non ?
Avec le 64-0, on ne peut rien faire de moins. Il faudra rendre public le document, qui sortira des assises. Avec un échéancier. J’aimerais savoir comment nous allons célébrer le 12 mars 2025 pour voir le changement. Très souvent, le ministère des Arts et de la Culture est considéré comme peu prestigieux. Mais rappelons que pour la cérémonie officielle de lever du drapeau, le Ministre des Arts drapeau, côte. Ce sont les artistes qui donnent des couleurs et du goût à la célébration du 12 mars et non le protocole et le côté militaire.
Faut-il abolir le défilé de chars des forces mobiles spéciales ?
Soit dit en riant. Nous ne sommes pas dans un régime de Bachar al-Assad. Bien sûr, le protocole est de mise, tout respect dû au drapeau. Mais le côté militaire ne devrait représenter que 10 % du programme de la journée. Le répertoire de l’orchestre de la police ce jour-là, tu sais toujours ce que c’estalors qu’il y a des chansons patrimoniales. Il existe également un pot-pourri de langues à Maurice.
Imaginons. Nous sommes au Champ-de-Mars le 12 mars. Qui aimeriez-vous voir sur scène ?
Nous devrions entendre notre héritage : le mélanger typique et le chercher le téléphone. C’est la base. Ensuite, il faut montrer toutes les cultures qui ont germé à Maurice, mais sans tracer de ligne de démarcation entre elles. Il faut qu’il y ait une communion entre eux. Alors qu’en tant que spectateur, je me dis : ‘Ah, c’est une alchimie. Il y a un zafer pour le déployer ». Et que le lendemain des festivités, je suis galvanisé pour reprendre la perche et continuer à sauter.
Le 12 mars est un symbole. Mais concrètement, quelles sont les priorités à aborder dans le secteur culturel ?
Ce sont tous les blocages, les tabous, les interdits, les « ne fais pas ça ».
Au début du mois, deux DJ israéliens, d’abord autorisés par la police, se sont vu interdire de se produire à Maurice. Votre commentaire.
Personne ne s’est fait remarquer pour affirmer que notre pays est une question de tolérance. Nous devons nous ouvrir davantage. C’est aussi un rôle pédagogique que doit jouer la presse, pour ne pas tomber dans les pièges des démolisseurs venus d’ailleurs. Nous avons besoin de débats d’idées pour dissiper les malentendus et mieux comprendre l’histoire du monde.
Est-ce un message adressé au nouveau directeur de la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC) ?
Pourquoi pas un set avec des journalistes qui sait vraiment de quoi ils parlent. Et il y en a beaucoup. Ils sauront inviter le public à participer aux débats, cultiver ce côté intellectuel qui nous aide à mieux nous comprendre et comprendre le monde. Trop souvent dans les activités qui se déroulent à Maurice, on oublie Rodrigues. Cela aurait été un grand plaisir si nous avions eu un vice-président de la République rodriguais. Quand il s’agit de Rodrig, comme on dit on en a pitié. Rodrigues est considérée comme un endroit qui a besoin d’aide. Rodrigues désolé pour Al Ede. Rodrigues fait partie de la République, avec son autonomie bien sûr.
Prends-le Fête Créole à Rodrigues. Combien MBC a-t-il montré à Maurice ? Souvent ce qui se passe à Rodrigues reste à Rodrigues alors qu’il devrait y avoir une synergie, tout en respectant, une fois de plus, l’autonomie. Il y a des spécialistes pour ça. Il faut un directeur artistique à la télévision nationale.
Vous postulez ?
(Rires) Je suis très artistique mais non. C’est une grande faiblesse. Nous avons besoin d’un directeur artistique qui connaît vraiment les mauriciens et les rodriguais.
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Innovation : faciliter le décorticage du maïs
Marcel Poinen travaille sur un projet financé par le Conseil mauricien de la recherche et de l’innovation (MRIC). « Nous avons parcouru 75 % d’un projet qui sera breveté dans le futur » et qui concerne l’invention d’une machine à décortiquer mécaniquement les épis de maïs. « C’est pour faciliter la tâche des petits planteurs. La méthode traditionnelle de décorticage manuel des épis de maïs est fastidieuse. Cela provoque des douleurs dans les mains et le dos. C’est un métier qui n’attire pas les jeunes. Zot pa perdi letan ar sa.
Marcel Poinen espère que son invention relancera la culture et la transformation du maïs à Rodrigues. Par exemple, « pour faire de la farine utilisée pour les gâteaux, pour faire du riz au maïs, pour nourrir les poulets ».
Son invention se démarque des machines industrielles existantes. “Mon concept permettra à une seule personne d’installer et de faire fonctionner la machine chez elle.” Il espère que des investisseurs potentiels seront attirés par la fabrication de cette machine. C’est pendant la pandémie de Covid-19 que Marcel Poinen a eu l’idée de cette machine, alors que le spectre d’une pénurie de riz surgissait après que les pays producteurs, dont l’Inde, aient suspendu leurs exportations mondiales. . “Nous avions peur d’être rationnés comme en - de guerre alors que Rodrigues produit du maïs, un aliment sain.” Marcel Poinen est également planteur de maïs à Rodrigues. « Si je récolte environ 200 livres de maïs dan mo lakour, je suis heureux. »
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Mauritius Society of Authors (MASA) : réparations d’autonomie
Marcel Poinen est un ancien président du Société mauricienne des auteurs (MASA). Durant son mandat, l’autonomie de la société de droit d’auteur a été votée en assemblée générale. Mais cela n’a jamais été mis en œuvre. Depuis lors, MASA est confrontée à de nombreux problèmes, notamment une situation financière désastreuse.
« Pourquoi ne pas accorder l’autonomie au MASA ? Pour que ce soit géré par les artistes”demande Marcel Poinen. La tension constante au sein du milieu artistique est-elle un obstacle à une éventuelle autogestion ? « Oui, mais souvent les choses commencent mal avant de s’améliorer. Si une équipe, dans laquelle l’État et les artistes ont confiance, prend en charge le MASA, nous pourrions voir des résultats. Il faut doter cette entreprise de managers modernes. La loi est là. Mais le problème, c’est le paiement des royalties qui représente des cacahuètes. Quelle part des revenus du secteur hôtelier est utilisée pour payer les redevances des auteurs-compositeurs ? On oublie que les artistes possèdent cette entreprise. Il tient une assemblée générale. Nous avons un seigneur pour moi.