A bord du Venice Simplon-Orient Express, le chef étoilé a dévoilé une édition limitée de cafés et accessoires raffinés, inspirés de l’univers du voyage. L’occasion d’une conversation à la volée.
Lui seul incarne un histoire de réussite Un style à la française, avec un impact mondial et une saveur glamour qui s’inscrit parfaitement dans une époque où les réseaux sociaux règnent en maître. A à peine 43 ans, Jean Imbert a conquis un empire qu’il dirige avec une douceur soulignée par tous. Révélé par Top Chef en 2012, travailleur acharné, chef inventif mais respectueux du patrimoine, curieux de tout, représentant idéal d’une nouvelle garde gastronomique, idole du star system – sans jamais être snob -, il est aussi resté un homme de terre, attaché à sa famille et à ses racines bretonnes – la Côte d’Émeraude.
A la tête de plusieurs établissements – dont le prestigieux Plaza Athénée – déjà première étoile -, il préside également aux destinées du Venise Simplon-Orient-Express. C’est à bord de ce train mythique qu’il vient de dévoiler sa nouvelle collaboration avec Nespresso : une collection de trois cafés, trois saveurs, inspirées de l’univers du voyage, star des fêtes de fin d’année, et des accessoires, autant d’invitations à la gourmandise. Entretien.
Lire aussi
En photos : toutes les fois où des célébrités s’invitaient dans les cuisines du chef Jean Imbert (sans faire la vaisselle)
Madame Figaro. – Qu’est-ce qui fait courir Jean Imbert ?
Jean Imbert.- Le rêve. Magie. Cela peut paraître un peu cliché mais c’est proche de la réalité. J’ai eu la chance de réaliser beaucoup de mes rêves : le Plaza Athénée, le Brando en Polynésie, la maison Dior ou encore le Venise Simplon-Orient-Express. J’ai encore d’autres rêves mais je n’ai pas de projet de carrière. Et puis, il ne faut pas s’endormir sur nos acquis, je continue de me battre pour préserver les rêves que j’ai réalisés, pour les faire perdurer. Parce que la restauration est un métier terre-à-terre : si vous manquez un dîner, puis deux, puis trois, c’est fini. Vous devez rester concentré sur votre travail.
Certains acteurs rêvent d’un Oscar. Quel est le Saint Graal pour un chef ?
Je ne suis pas pour un Graal de récompense. Bien sûr, l’étoile reçue pour la table du Plaza Athénée m’a fait plaisir et a fait le bonheur des équipes, mais mon ambition n’est pas là. Mon ambition est avant tout au quotidien : faire passer les cartes, faire en sorte qu’on mange bien. Et travaillez dur. Si vous travaillez bien, alors les choses se produisent et les choses peuvent vous rendre fier. Personne dans ma famille n’était dans la restauration et j’ai succédé à Alain Ducasse au Plaza Athénée. Je suis content de tout ça et, en même temps, il faut avoir l’humilité de savoir qu’on passe par ces endroits, c’est aussi ce qui rend la chose si belle et si grande. Je suis passeur : on marque un temps, et puis on passe le flambeau. Ces lieux, le Plaza Athénée, le Simplon Venise-Orient-Express, sont emblématiques, légendaires, ils continueront de briller après moi. Donc. Tout cela fait que je suis dans un mouvement perpétuel : tout doit changer pour que rien ne change.
Paris, Polynésie, Cannes, Saint-Barth… Comment conciliez-vous ces multiples activités ?
Bien sûr, je suis à fond ! Le lien entre tous ces lieux est la cuisine. Et je ne suis pas seul : il y a les équipes. Chaque lieu est habité par une équipe que j’ai sélectionnée et sur qui je peux compter. Le défi, c’est aussi de connaître les prénoms des 600 ou 700 personnes qui travaillent avec moi. Nous sommes tous liés par une énergie positive et une sorte de fraternité. Dans la restauration, on ne fait rien seul. C’est un travail d’équipe, pur et dur, à l’ancienne, fraternel. J’ai besoin d’amitié, de gens unis, sinon j’explose en fuite. Je dois m’occuper de tout le monde, sinon ça ne marche pas.
J’ai besoin d’amitié, de gens unis, sinon j’explose en fuite
Jean Imbert
Vos parents étaient relieurs…
Mon père était relieur. Nous n’avions aucun lien avec le secteur de la restauration. Ma mère faisait cependant attention à n’acheter que des produits frais ou transformés, que nous soyons à L’Hay-les-Roses, où j’ai grandi, ou en Bretagne certains week-ends. Mes parents ne m’emmenaient pas au restaurant : j’étais trop bruyant, ils ne pouvaient pas me retenir. J’ai vécu mon premier 3 étoiles à 28 ans, chez Pierre Gagnaire, un déjeuner en tête-à-tête avec mon père pour mon anniversaire…
D’où vous vient votre passion précoce pour la cuisine ?
Probablement de ma grand-mère et aussi, de manière plus égoïste, du fait que j’aimais cuisiner moi-même. Avant d’aller à l’école, puis quand je rentrais à la maison, je cuisinais, je devais avoir 12 ans. Pour Noël, j’ai commandé des livres de cuisine et des casseroles en cuivre. J’ai essayé toutes les recettes, je pouvais me lever la nuit pour faire un rouget. Jusqu’à mes 16 ans, je ne me couchais jamais après 20h30, mais je me levais à 4 ou 5 heures du matin en train de cuisiner. A 17 heures, en rentrant de l’école, je n’ai pas regardé « Club Dorothée » mais j’ai mangé un carré de veau. Cela rendait fous mes parents, surtout mon père. Même quelque chose de basique, tomate-mozzarella par exemple, j’ai essayé 200 vinaigrettes différentes. J’étais passionné, voire possédé. Je faisais et refaisais une recette à l’extrême, jusqu’à réussir. Et le mercredi, jour de congé des écoliers, je cuisinais pour la famille.
A 17h, en rentrant de l’école, je n’ai pas regardé “Club Dorothée” mais j’ai jeté un carré de veau
Jean Imbert
Vos parents ont-ils fini par vous soutenir ?
Ma mère oui, mon père un peu moins. Il se moquait de moi. Il a dit : « « Petit Jean » (son surnom, NDLR)il va faire de la mayonnaise dans la vie ! Il a débuté à 13 ans dans une usine, son rêve de réussite pour ses enfants était un peu stéréotypé : avocat ou médecin. Mon père était un travailleur acharné, il partait à 5 heures du matin et on ne le revoyait qu’à 21 heures. Vouloir devenir chef, il y a 25 ans, n’était ni aussi populaire ni aussi prestigieux qu’aujourd’hui. Mais cette adversité a sans doute forgé ma détermination. Cela m’a encore plus mis au défi. Ce qui est sûr, c’est que mon père m’a transmis la valeur du travail intense et de la volonté. Il y avait un côté très américain dans notre famille, il fallait être compétitif, ne pas perdre. Mais je l’ai adoré et je l’aime toujours.
Est-ce la raison de votre succès international ? Dans votre entourage, il y a Madonna, Beyoncé, Pharrell Williams ou encore JR…
Chaque lien d’amitié avec ces personnalités d’exception raconte une histoire particulière, mais il est vrai qu’il y a une convergence. Je n’ai aucune explication à cela. Je suis simple, je reste à ma place, je ne demande rien. Il m’est arrivé de coucher avec des stars américaines, j’ai noué des amitiés fortes avec certaines mais le cuisinier ne doit jamais se prendre pour le client. Je reste à ma place. Lors du lancement du Plaza Athénée, il y avait Beyoncé et Jay-Z, j’ai terminé la soirée avec eux mais je n’étais pas malin non plus : je n’oublie pas qui je suis. De plus, au-delà de leur notoriété, ces artistes que j’ai la chance de rencontrer sont éminemment inspirants. Leur implication dans leur art est extraordinaire. Leur engagement, leur puissance, leur talent, leur souci du détail. C’est extrêmement difficile. Je me nourris aussi de tout ça. Et ce que je voudrais ajouter, c’est que la cuisine brise véritablement les frontières et les castes : elle rapproche les gens.
Comment gérez-vous votre propre renommée ?
Je ne me sens pas du tout célèbre. Je n’ai pas fait ce métier pour le devenir : cuisinier, c’est un métier de l’ombre. Par contre, ce que j’aime, c’est la gentillesse et la bienveillance des gens dans la rue. Quand je suis dans mon petit marché en Bretagne et que les gens m’approchent, je trouve ça très touchant. Il y a un réel attachement aux cuisiniers car ils respectent ce métier. Ils savent qu’il n’y a pas de chichi, que c’est manuel, que ça demande beaucoup de travail.
Un leader à admirer ?
Ma grand-mère. Elle cuisinait légèrement, avec difficulté, avec des poêles cabossées et des torchons pas très propres. Rien n’allait et pourtant c’était merveilleux. J’ai ensuite fréquenté l’école Paul Bocuse à Lyon. Pour moi, il était comme une rock star. Il était en couverture de Tempsil avait un coq tatoué sur son épaule. J’avais 15 ans, il me faisait rêver autant que Marlon Brando. Aujourd’hui, certains dirigeants sont vénérés, mais à l’époque c’était très inhabituel.
Votre actualité immédiate est cette collaboration avec Nespresso. La création d’une collection de cafés exclusifs et d’exception…
C’est une collection unique en son genre avec des saveurs subtiles, croissant aux amandes, cacahuète et sésame grillé, et un expresso plus classique aussi. Dans le monde de la cuisine, le café n’est pas sous-estimé mais on en parle peu. Nous avons imaginé ces trois cafés pour trois moments de la journée, matin, déjeuner et goûter. J’adore celui du matin, saveur croissant aux amandes, j’adore les croissants aux amandes : c’est un peu gras, un peu frangipané, c’est un peu une galette des rois dans un croissant. Travailler avec des professionnels du café a été une magnifique aventure. Nous sommes allés en Colombie et au Pérou, nous avons rencontré des agriculteurs dans des endroits extraordinaires, testé les cafés, découvert des mélanges. Ce fut une expérience inoubliable.