« Oui, j’ai des fissures, sinon je n’aurais pas pu jouer à Monte Cristo »

Paris Match. Imaginiez-vous, lorsque vous avez débuté dans le cinéma en 2009, jouer un jour « Le Comte de Monte-Cristo » ?

Pierre Niney. Pas du tout, même si Monte Cristo est aux Français ce qu’Hamlet est aux Anglais : un rendez-vous incontournable pour les acteurs. Cependant, je n’ai pas été gêné par les interprétations précédentes. Nous voulions moderniser, créer un nouvel objet artistique. Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, les scénaristes-réalisateurs, ont fusionné les personnages et ancré l’histoire dans le réalisme. Par exemple, on joue vraiment à la transformation Monte Cristo. A son retour après quinze ans d’absence, et même si tout le monde le croit mort, il pourrait être reconnu. Il a donc été obligé de se maquiller et de porter un masque. En une séquence, je suis totalement transformé. Mes parents, qui ont vu la scène, m’ont fait, ainsi qu’à la maquilleuse, le plus grand compliment en me demandant qui était cet acteur qu’ils trouvaient merveilleux…

Un shooting d’apnée

Vous avez pris des kilos de muscles pour « Save or Perish », porté des chaussures trop petites pour faire une promenade timide dans « Black Box »… Et pour « Le Comte de Monte Cristo » ?

J’ai monté à cheval, fait de l’escrime et pratiqué le roumain… et beaucoup de souffle pour la scène d’évasion du Château d’If. C’était super! Effrayant aussi. Je me suis retrouvé dans une piscine, à 15 mètres de profondeur, pour un long plan séquence : jeté dans un sac au fond de l’eau, j’ai dû en sortir et remonter à la surface. C’était long ! Le champion du monde Stéphane Mifsud, avec qui je m’entraînais, m’a transmis son secret pour tenir le plus longtemps possible. Au début, je mesurais 1′ 40”. Grâce à Stéphane, j’ai atteint 3′ 40”.

Avec Natasha Andrews, sa compagne, à Cannes, le 20 mai 2023.

Paris Match / © Vincent Capman

Et vous n’allez évidemment pas nous révéler ce secret…

Le reste après cette annonce

Évidemment, puisque c’est un secret ! Mais il y a différentes choses à faire au préalable et si vous les faites dans l’ordre, vous gagnez entre une et deux minutes. J’étais fasciné par les Américains qui parviennent, dans les blockbusters, à tenir près de six minutes, mais Stéphane m’a appris qu’ils trichaient : avant de plonger, ils respirent de l’oxygène pur, ce qui double leur performance. Nous nous en sommes passés – je ne crois pas que respirer de l’oxygène pur soit autorisé en France !

Je voulais embrasser le plus possible l’aspect sombre du personnage.

Pierre Niney

Avez-vous lu le roman d’Alexandre Dumas ?

Au lycée, ce fut une révélation ! J’ai découvert qu’un roman était capable de m’emmener en voyage, de m’exciter au point de le terminer à la lampe de poche sous la couette. Je l’ai relu avant le tournage, puis je l’ai mis de côté pour me consacrer au scénario. J’ai aussi suggéré des choses. Je voulais embrasser au maximum l’aspect sombre du personnage, le fait qu’il déraille et passe du statut de justicier à quelqu’un finalement monstrueux.

De la lumière à l’ombre. Comme Edmond Dantès avec Bastien Bouillon, qui incarne Fernand de Morcerf, et Anaïs Demoustier dans le rôle de Mercédès.

© Jérôme Prébois

Pour le film « Yves Saint Laurent », vous avez remporté à 25 ans le César du meilleur acteur mais aussi le prix Patrick-Dewaere, un acteur que vous admirez car il a su utiliser ses défauts personnels. Lequel est le vôtre ?

Je suis très différent de Dewaere, que j’ai découvert assez tard, à 21 ans, avec « Série noire » et on m’a giflé. Il était donc possible d’incarner un personnage de bout en bout, au-delà du scénario ! En ce qui me concerne, les gens ne s’en doutent pas, mais oui, j’ai vécu des périodes où j’allais plus ou moins bien. C’est seulement poli de garder ça pour moi. Les soucis et les drames font partie du voyage. Des surprises aussi. Je m’estime très chanceuse d’avoir connu une forme de réussite et de popularité, mais il y a aussi la pression qu’on vous met, la pression qu’on se met, l’attente, le désir des autres… Cela peut résulter d’une certaine violence. , ce qui s’avère plus ou moins facile à gérer selon les périodes de vie. Il est arrivé que ça déborde. Mais j’ai réussi à me relever et à en faire quelque chose de créatif. Oui, j’ai des fissures sinon je n’aurais pas pu incarner Monte Cristo, faire appel à la vraie vie pour trouver la profondeur nécessaire. Il y a cinq ou six ans, je n’aurais pas pu y jouer.

Le Comte de Monte Cristo, figure de la vengeance.

© Jérôme Prébois

Qu’est-ce qui peut déborder et être violent dans votre travail ?

A partir du moment où on fait un travail public et que ça marche, c’est une bénédiction. Mais en retour, votre vie privée est envahie.

La fois où vous alliez dîner incognito avec votre femme vous manque ?

Je serais effronté de regretter quoi que ce soit ou de me plaindre. J’essaie juste d’expliquer les pièges de cette situation d’être connu, reconnu, attendu, mais bien sûr je n’échangerais pas ma place ! Je vis de ma passion. Pour moi, j’évolue dans la meilleure industrie cinématographique du monde. Nous sommes plus forts qu’Hollywood. Nous avons certains des scénaristes, réalisateurs et producteurs les meilleurs et les plus passionnants.

La maturité de notre couple n’a pas été immédiate, elle s’est forgée au fil des épreuves

Pierre Niney

A 35 ans, vous êtes en couple avec Natasha Andrews depuis seize ans. Sans entrer dans votre intimité, pouvez-vous encore nous révéler le secret de cette longévité ?

Nous ne sommes pas les seuls à être en couple depuis longtemps et à faire en sorte que ça marche ! J’ai juste eu la chance de rencontrer très tôt une personne que j’aimais à la folie. Mais comme tout le monde, nous avons des hauts et des bas. La maturité de notre relation n’a pas été immédiate, elle s’est forgée au fil des épreuves.

A 25 ans, avec Natasha, après la cérémonie des Césars, le 20 février 2015

A 25 ans, avec Natasha, après la cérémonie des Césars, le 20 février 2015

AGENCE / © Olivier BORDE/Dominique JACOVIDES/BESTIMAGE

Pourtant, si on faisait un film sur vous deux, ce serait ennuyeux : l’amour, les enfants, la vie à la ferme avec plein d’animaux… Que de bonheur !

Vous remarquerez que les films que vous souhaitez voir ne correspondent pas à la vie que vous souhaitez mener. Être Monte-Cristo, je ne le souhaite à personne ; Yves Saint Laurent était maniaco-dépressif à 21 ans ; dans « Un homme idéal », je vole le roman d’un mec et j’efface tous les témoins… C’est surprenant à quel point les personnes qu’on essaie d’être dans la vie sont finalement les plus ennuyeuses. Mais encore une fois, j’ai un jardin secret, et l’élégance est de ne pas exposer ma souffrance.

Sur Instagram, où Pierre Niney compte 1,8 million d'abonnés, tout le monde poste des photos et des selfies... en bonne compagnie.

Sur Instagram, où Pierre Niney compte 1,8 million d’abonnés, tout le monde poste des photos et des selfies… en bonne compagnie.

©Instagram

Vous avez confié à Paris Match : « J’ai l’impression qu’on est toujours déçu quand on découvre l’intimité des acteurs. N’avez-vous pas peur de décevoir lorsque vous vous présentez avec un âne sur les réseaux sociaux ?

[Il rit.] J’ai travaillé sur « Fiasco » pendant deux ans et demi et la bande-annonce a été vue 1,5 million de fois ; Je poste un âne nain que le parrain de ma fille m’a offert et la vidéo compte 6 millions de vues en vingt-quatre heures ! C’est déprimant ! Les réseaux sociaux sont un monde parallèle. Un miroir déformant derrière lequel se cachent beaucoup de solitude et de détresse. Cela dit, j’ai une véritable passion pour les animaux et le sport. Cela me calme. Avec ma femme et mes filles, nous prenons soin de nos ânes, poules, chats, chiens, tortues au quotidien…

L'amour d'un âne

L’amour d’un âne

©Instagram

Vous n’êtes plus citadin ?

Pas du tout, même si je suis né et ai vécu jusqu’à mes 25 ans à Paris et que mon père et mon grand-père étaient parisiens. Je suis parti chercher la tranquillité à la campagne où, avec ma famille, on peut respirer. Je ne pouvais plus vivre loin de mes animaux. En plus, je vais me procurer un autre âne…

Dans votre entourage, outre la famille et les animaux, il y a le comédien François Civil. Quand votre amitié a-t-elle commencé ?

Le réalisateur Igor Gotesman nous a présenté il y a quinze ans. Depuis, nous sommes tous les trois comme la même famille. Nous avons eu un vrai moment de bonheur en faisant « Fiasco » ensemble.

Actuellement, je coproduit le film « Gourou », de Yann Gozlan, dans lequel je jouerai

Pierre Niney

Entre la série « Casting(s) » en 2013 et « Fiasco » cette année, vous semblez adorer vous moquer de l’industrie du cinéma…

Pas faux. Surtout, nous sommes partis d’un postulat cher aux Américains : « Écrivez sur ce que vous savez. François connaît le métier encore mieux que moi : à 12 ans, il faisait déjà des castings ! Comme dans toute œuvre, il y a une hiérarchie, des egos, mais aussi tout un folklore, un fantasme… Avec François, Igor, mais aussi le comédien Benjamin Lavernhe, on rit des mêmes choses. C’est la pierre angulaire de notre amitié. La comédie est un genre difficile, mais c’est notre culture commune.

Pour attirer le public dans ses filets, l'acteur et producteur mise sur un nouveau super-héros,

Pour attirer le public dans ses filets, l’acteur et producteur mise sur un nouveau super-héros, “Leafman”, né d’un canular devenu culte.

Paris Match / © Vincent Capman

Vous avez dit : « Plus les choses sont graves, moins il faut perdre de vue les conneries. Quelles sont les choses sérieuses à venir ?

Essayer de durer, entretenir mon envie d’exercer ce métier et de produire. Actuellement, je coproduit le film « Gourou », de Yann Gozlan, dans lequel je jouerai. J’ai proposé le sujet, un thriller autour d’un coach de vie toxique, que Yann a co-écrit avec Jean-Baptiste Delafon, l’un des scénaristes de « Baron noir ». Par ailleurs, je produis « Feuilleman », avec McFly et Carlito, une comédie inspirée d’une vidéo réalisée ensemble et vue 20 millions de fois. Nous avons inventé une histoire de super-héros français pour un coup de fil téléphonique à un directeur de production. La demande du public a été telle que nous avons décidé de faire un film : c’est l’illustration parfaite des choses sérieuses et d’un brin de bêtise.

Si vous avez de la rancune même si vous réussissez, nous ne pouvons plus rien faire pour vous.

Pierre Niney

Si, comme Monte Cristo, vous deveniez l’homme le plus riche du monde. Que feriez-vous ? Avez-vous une revanche à prendre ?

Si cela m’arrive, j’espère avoir abandonné tout sentiment de vengeance car ce serait un gros gâchis ! En préparant le film, j’ai lu cette citation de Nelson Mandela : « Ne pas pardonner à quelqu’un, c’est comme boire du poison et espérer que l’autre meure. » Aujourd’hui, je peux blâmer quelqu’un, mais en souhaitant son malheur, j’ai dépassé cela. Si vous avez de la rancune lorsque vous réussissez, nous ne pouvons plus rien faire pour vous. La meilleure vengeance est peut-être d’être heureux et épanoui.

 
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