Ils sont au cœur de la chanson québécoise et créent des œuvres qui marquent à jamais les générations et les moments de la vie ; Cependant, en plus de vivre dans l’ombre, les paroliers québécois sont incapables de vivre de leur passion. « Personne ne peut vivre de sa plume en chanson au Québec en ce moment, affirme la parolière Ève Déziel.
Un exemple suffit. Pour avoir écrit je ne suis qu’une chanson en 1979, qui deviendra un classique du répertoire de Ginette Reno (et de la chanson québécoise), Diane Juster ne recevait que deux cents par exemplaire. L’album étant un succès et se vendant à 400 000 exemplaires, elle gagne environ 8 000 $ ; une somme modeste, mais pourtant très enviable pour la majorité des paroliers.
“C’est la chanson qui m’a ouvert les yeux sur le métier”, explique le parolier de 78 ans, qui La Revue rencontré au cours du 19e édition de la remise des prix de la Fondation SPACQ.
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L’auteure-compositrice-interprète, pianiste et parolière Diane Juster fonde, avec Luc Plamondon, la Société professionnelle des auteurs et compositeurs du Québec (SPACQ) en mai 1981. Leur objectif ? Accroître la reconnaissance des paroliers et défendre les droits (moraux, économiques et professionnels) des créateurs de chansons et de musiques canadiennes françaises.
Désormais appelé « SPACQ-AE », l’organisme représente aujourd’hui des paroliers, des compositeurs et, plus récemment, des artistes entrepreneurs (AE). Les deux tiers des 700 membres travaillent dans le chant et un tiers dans la musique de commande. Parmi eux, plus de 78 % sont des paroliers.
En ce moment, la musique québécoise traverse une crise et les auteurs en paient le prix.
Les causes sont connues. « La détérioration des conditions de travail des créateurs et la baisse soutenue et constante de leur rémunération, le manque de moyens, des législations et réglementations obsolètes qui ne parviennent pas à protéger nos artistes des nouveaux modèles et pratiques des géants du web contribuent à entretenir une crise sans précédent. dans le secteur culturel et mettent en danger les artistes, et par extension, la culture québécoise », a déclaré Ariane Charbonneau, directrice générale de la SPACQ-AE.
Plus les choses changent…
On pourrait croire que les choses ont évolué depuis la sortie de je ne suis qu’une chanson. Aujourd’hui, une chanson sur disque physique rapporte huit cents et demi par chanson et par disque vendu. Comme ce montant inclut les parts des auteurs-compositeurs et des éditeurs de la chanson, le parolier reçoit toujours un maigre 2 centimes par composition. Et la baisse des ventes d’albums n’arrange pas les choses. En effet, si Luc Plamondon gagne très bien sa vie avec ses chansons et ses comédies musicales, la grande majorité des auteurs s’en sortent plutôt mal dans le contexte médiatique actuel.
C’est pourquoi le volet Fondation SPACQ a été créé : pour reconnaître les artistes en honorant chaque année des auteurs, compositeurs et interprètes qui ont travaillé et collaboré à l’écriture de chansons, de bandes sonores de films et de musique instrumentale. Et remettez un chèque de 10 000 $ à chaque gagnant pour l’aider un peu dans sa situation (souvent précaire) d’artiste. Ce fut le cas cette année notamment du jeune rappeur Fredz, Jean-Michel Blais, Yves Lambert et Jean Millaire ainsi que Mathieu Lafontaine, François Lessard, Mathieu Collette et Pierre-David Girard, du groupe Bleu Jeans Bleu.
Photo Agence QMI, MARIO BEAUREGARD
Photo Agence QMI, MARIO BEAUREGARD
Pour Diane Juster, écrire des chansons reste essentiel. « Écrire pour les autres demande beaucoup de finesse et de sensibilité. En me mettant à la place de Ginette [Reno]qui est authentique, c’était facile de voir à travers son cœur”, poursuit la créatrice qui, 50 ans plus tard, se dit toujours particulièrement fière de deux de ses créations : À ma manière, la première chanson qu’elle a écrite pour elle-même, et Ce matin, ce qui l’a établie en tant qu’auteur-compositeur. «C’est ma signature», murmure-t-elle.
À l’occasion du Gala de l’ADISQ qui aura lieu dimanche, les auteurs et compositeurs en nomination sont Alexandre Poulin et Aliocha Schneider; Stéphane Bergeron, Louis-Jean Cormier, François Lafontaine, Martin Lamontagne et Julien Sagot pour Karkwa; Kevin Saint-Laurent, Christophe Martin et Maxime Gabriel pour le rappeur Souldia ; et Jean-François Pauzé – nominé pour la première fois de sa carrière – pour l’album Pub Royal, Cowboys Fringants.
Les quatre grands défis des paroliers
Les paroliers gagnent moins d’argent. Lorsque des enregistrements sont écoutés et diffusés, ou interprétés ou repris, les titulaires de droits d’une chanson reçoivent des redevances. Selon l’analyse des redevances de droits d’exécution de la SOCAN et réalisée entre 2012 et 2022, les redevances annuelles des auteurs québécois ont globalement diminué de 15 % depuis 2016. Les paroliers souhaitent inverser cette tendance.
Les paroliers ne peuvent pas se limiter à écrire des chansons. Ils doivent trouver d’autres sources de revenus. « Dans un contexte où les redevances baissent et les sources de revenus diminuent, plusieurs artistes diversifient leur pratique. Les créateurs doivent désormais porter plus d’une casquette. Les revenus étant difficiles à gagner, une autre tendance que l’on observe chez nos membres est celle de la diversification de leur pratique créative», ajoute Ariane Charbonneau, directrice générale de la SPACQ-AE.
« Il existe désormais un marché mondial de la musique sur lequel nous avons peu de contrôle. La population québécoise est de moins en moins exposée à sa propre musique. On assiste à une véritable explosion des barrières à la consommation musicale, où la musique francophone, notamment, voit sa part de marché diminuer constamment», soulève Ariane Charbonneau, directrice générale de la SPACQ-AE. L’organisme travaille actuellement sur une plateforme de découvrabilité de la musique francophone qui sera dévoilée cet hiver.
Les paroliers s’inquiètent de l’essor de l’intelligence artificielle. Ils veulent notamment s’assurer que le droit d’auteur de leurs œuvres soit protégé. Pour eux, les applications d’IA doivent respecter le consentement des créateurs. En ce sens, les paroliers craignent un manque de transparence, notamment en ce qui concerne la manière dont les développeurs de systèmes d’IA sourcent et utilisent leurs œuvres.