Judith n’est pas le père… et le CHUM l’a entendue

Judith n’est pas le père… et le CHUM l’a entendue
Judith n’est pas le père… et le CHUM l’a entendue

Parce qu’il existe plus d’un modèle familial, les cartes d’identité accrochées aux berceaux des nouveau-nés au CHUM vont changer. Un petit pas en avant, certes, mais qui représente beaucoup pour Eugénie Lépine-Blondeau et Judith Séguin, nouvelles mamans. Voici le récit, plein d’écoute et de respect.


Publié à 1h31

Mis à jour à 7h00

L’animatrice et chroniqueuse Eugénie Lépine-Blondeau et sa compagne, Judith Séguin, ont accueilli leur premier enfant, Miro, au début du mois de mai. Les infirmières qui les accompagnaient ont fait preuve d’une « suprême gentillesse » tout au long de l’accouchement, qui n’a pas été de tout repos. Le couple tient à le préciser d’emblée.

Les premiers pas d’Eugénie Lépine-Blondeau et de Judith Séguin dans le monde de la parentalité ont pourtant été semés de petits soubresauts de tristesse. Eugénie et Judith – comme bien d’autres couples issus d’horizons divers – ont réalisé à quel point les formes au Québec sont hétéronormatives, plus de 20 ans après la reconnaissance légale de la parentalité de même sexe. À la clinique de fertilité, dans un hôpital pour enfants, dans le carnet de vaccination…

Même sur la carte d’identité accrochée au berceau de leur enfant au CHUM, il était écrit « mère : Eugénie, père : Judith ».

C’était après quatre jours intenses au CHUM, nous étions un peu fatigués aussi, mais c’était notre première interaction en famille. Cela m’a fait mal au cœur, surtout pour Miro.

Judith Séguin, lors d’une vidéoconférence vendredi

Le 17 mai, lors de la Journée internationale contre la transphobie et l’homophobie, Eugénie Lépine-Blondeau s’est emparée des réseaux sociaux pour dénoncer les microagressions et les attentats majeurs qui sont encore perpétrés contre les communautés d’ici et d’ailleurs. Dans plusieurs pays, a-t-elle rappelé, sa famille n’aurait pas le droit d’exister. Tout en soulignant l’accueil exceptionnel de l’équipe du CHUM, Eugénie a évoqué l’étiquette au berceau de Miro et le commentaire d’une infirmière qui a dit à Judith qu’elle allait devoir « adopter » Miro (avant d’informer et de corriger la situation).

« Pour être honnête, je n’avais pas l’intention d’être un lanceur d’alerte ; au contraire, c’était une intention militante, comme chaque année», explique Eugénie Lépine-Blondeau, 34 ans. Elle a souhaité parler des progrès qui restent à réaliser. Ces formulaires envoient un message d’exclusion qui a créé un malaise chez les nouvelles mères. Et cela les a rendus tristes aussi.

Aller de l’avant

La publication d’Eugénie sur Instagram a fait grand bruit (plusieurs parents ont rapporté des expériences similaires dans d’autres hôpitaux)… et a fini par être portée à l’attention de Nadège Staco, jusqu’à tout récemment infirmière-chef à la maison des naissances du CHUM (elle vient d’être nommée coordonnatrice par intérim). “À l’époque, ça me faisait tellement mal de savoir qu’un de mes patients avait vécu ça”, confie M.moi Staco, présent à la visioconférence.

L’inclusion lui est chère. Son équipe tente de changer le nom donné à la maison de naissance du CHUM – l’Unité mère-enfant – qui exclut d’emblée les pères et les personnes non binaires. Récemment, l’équipe du CHUM a également rencontré une personne non binaire, avant son accouchement, pour connaître ses besoins. « Pour la box bébé, cela m’a complètement échappé », résume Nadège Staco, qui a également pris conscience des couleurs genrées des box – bleu pour les garçons, rose pour les filles.

Il y a suffisamment de stress quand on devient parent. Essayons d’atténuer ce stress du mieux que nous pouvons.

Nadège Staco, coordonnatrice par intérim à la maison de naissance du CHUM

Nadège Staco a appelé Eugénie et Judith jeudi pour leur dire qu’elles avaient été entendues et écoutées. Elle jongle entre deux options : retirer le carton (qui ne sert plus vraiment à rien en cette ère post-crèche) ou le rendre plus inclusif, en écrivant « parents » au lieu de père et mère. Eugénie propose une boîte neutre, qui pourrait être remplie à la main.

Dans le contexte actuel, où l’on assiste à une diffusion de discours haineux et ignorants envers les communautés LGBTQ+, « craignez-vous les répercussions de votre décision ? », demande Eugénie Lépine-Blondeau à Nadège Staco. «Il y aura toujours des commentaires désobligeants, mais cela ne m’empêche pas d’avancer», affirme Nadège Staco, qui souhaite également faire part de sa réflexion aux responsables d’autres maisons de naissance lors d’une prochaine réunion.

Des progrès, mais…

C’est en 2002 que les familles homoparentales ont obtenu une reconnaissance légale au Québec, et depuis, la Coalition des familles LGBT+ exige que les formulaires reflètent ces changements au Code civil. «Nous apprécions les gestes d’inclusion», affirme la codirectrice de l’organisme, Mona Greenbaum, qui souligne que d’autres hôpitaux et commissions scolaires l’ont fait dans le passé. Mais selon elle, l’ordre doit venir d’en haut. « Il faut une directive claire du gouvernement pour que chaque institution publique ait l’obligation légale d’adapter ses formulaires pour correspondre aux familles de même sexe et aussi au fait qu’on reconnaisse les personnes non binaires dans le Code civil », dit-elle. Il y a quelques années, la ministre Sonia LeBel lui disait qu’il y avait 35 000 formulaires au Québec à adapter.

Apprendre encore plus

  • 0,6%
    Selon le recensement de 2021, parmi les couples avec enfants au Québec, 5 240 sont du même sexe, transgenres ou non binaires, soit 0,6 % du total. La Coalition des familles LGBT+ estime plutôt qu’environ 50 000 enfants au Québec vivent dans une famille parentale de même sexe.
 
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