Patrick Eudeline, la provocation comme on les aime

Patrick Eudeline est une sorte de Philippe Manœuvre, un peu trop délabré pour participer à une émission de télé-crochet sur le 6. Notre ami publie Perdu contre la (Séguier).


Photo de bébé Cadum sur fond rose bonbon, on pourrait confondre l’objet, de loin, avec une publicité pour des savons millésimes. Mais non, le dernier livre de Patrick Eudeline, Perdu contre la Francen’est pas la petite chose mignonne qu’il semble être à première vue. A travers les décennies, des années 60 à aujourd’hui, dans un fouillis chronologique, le clochard céleste revient sur sa naissance au monde qui coïncide avec la naissance du rock en France.

Journaliste au magazine Meilleur et chanteur et guitariste du groupe Jungle d’asphaltePatrick Eudeline est une sorte de Philippe Manœuvre, un peu trop délabré pour participer à une émission télévisée sur 6. Dans son récit, on le découvre comme une bizarrerie sociologique. Ayant grandi dans le 6e arrondissement, étudiant au Collège Stanislas, Patrick Eudeline est né dans une famille de France moyenne, avec un père peu débrouillard pour les affaires (ni pour écrire des chroniques dans le journal local RPR). L’OVNI social décrit son existence, tantôt au bras d’une femme de la haute société, tantôt dans la rue, tantôt dévalant les pentes huppées de la Suisse, tantôt escroquant les dentistes avec des chèques en bois, s’échappant du cabinet avec une dent rafistolée. .

Le royaume du linoléum

Musicalement, le père a des goûts plutôt nuls (« Seulement un vieux Marcel Amont (« ce vieux Bleu, blanc, blond » que j’ai toujours détesté) qui traîne dans la maison, un affreux François Deguelt (« Marjolaine »), un oublié d’Isabelle Aubret (« La Fanette »), le détestable « Vélo » de Montand, un Aznavour mineur et de peu d’intérêt “). Le goût familial pour le linoléum contraste avec les sublimes parquets cirés que l’on retrouve chez les camarades de classe. La relation père-fils est en tout cas loin d’être animée par une admiration mutuelle. Un peu comme si Sheila (« Alors que moi qui ne suis rien/ Une petite française moyenne/ J’apprends tous les jours, en m’amusant,/ Cette expérience vient avec le temps “) avait accouché de ce snob Boris Vian (” Je ne traîne qu’avec des baronnes / Avec des noms comme des trombones “). Napoléon se demandait s’il n’était pas plutôt le fils de Pascal Paoli, ou du gouverneur Marbeuf. Eudeline se demande aussi s’il est bien le fils de son père. Pour devenir empereur ou rockeur, il faut avoir des doutes sur la paternité de son père.

Eudeline est une enfant des années 60, assez âgée pour avoir connu la messe latine et la foi en progrès. ” L’heure est à l’optimisme absolu « . Le petit garçon rêve de mégapoles robotisées et de moutons électriques. Chez Stanislas, il fait un peu le bordel, mais la sympathie des professeurs de lettres le sauve : « Vous auriez viré Rimbaud ! je démissionne « . C’était l’époque où de Gaulle, un autre ancien élève de Stan’, refusait d’envoyer Sartre à l’ambassade, car « on n’emprisonne pas Voltaire « . Plus tard, Patoche découvre les mecs louches aux cheveux longs dans le jardin du Luxembourg. Notre protagoniste se retrouve à son tour paré, de quoi éveiller les doutes du père sur l’éventuelle homosexualité de sa progéniture. Le doute est largement dissipé lorsqu’il met en grossesse la fille d’un des clients de son père », héritière d’une grande famille ».

Blattes anglaises et rue Saint-Denis

Nous rencontrons plusieurs monstres du rock dans le livre. Il y en a qu’il est préférable d’afficher dans votre chambre plutôt que sur le canapé de votre salon. Sid Vicieux, Pistolets sexuelset Nancy Spungen, aussi impertinente que dans le film qu’Alex Cox leur a consacré, en manque d’argent et d’héroïne par exemple. La compagne du rockeur se lève brusquement et va se prostituer rue de Saint-Denis pour récupérer quelques contraventions. Mauvaise idée ! Nous ne venons pas rivaliser de parts de marché avec des proxénètes déjà implantés dans le coin. Nous devons la rattraper en taxi. Quant à Sid, il ne lui faut pas longtemps pour sortir son cran d’arrêt.

Plusieurs décennies plus tard, Eudeline se retrouve en Angleterre avec Peter Doherty, queue du mouvement rock (« L’un des chanteurs pop les plus doués de sa génération. Certes, au vu du niveau général, c’est un compliment très relatif. L’homme n’est pas un nouveau Ray Davies, mais plutôt un imitateur servile de cette lignée. “). Dans l’appartement miteux du décor spartiate » de l’ex de Kate Moss, les cafards se déchaînent. Eudeline évoque aussi l’histoire d’un jeune homme tombé par la fenêtre, chez Doherty’s, à la fin des années 2000. Il y a parfois des cadavres volumineux dans les placards des rockers. L’auteur revient d’ailleurs sur une émission de France Culture, où devant Daniel Cohn-Bendit, il a déclaré : « Vos cheveux étaient trop courts pour être crédibles. Tu as moins fait pour changer le monde et les mœurs qu’Antoine avec ses divagations « . Nous clôturons l’œuvre en gardant la même idée que nous avions du personnage : une échasse picaresque et talentueuse, dotée d’un certain sens de la provocation.

208 pages.

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