Pour votre soeur, je prends un forfait à 15 euros, vous en pensez quoi ? Il n’en pense rien, le mari. D’ailleurs, toute cette escapade amiénoise entre seniors semble l’agacer au plus haut point. Comme près de 800 000 touristes chaque année, le groupe vient d’arpenter le dallage noir et blanc de la plus grande cathédrale médiévale du monde.
Puis, du parvis, le guide indiqua la prochaine étape, le magasin – ou plutôt le « bar à chocolats » – de la maison Trogneux. Depuis que Jean-Alexandre Trogneux a mis la main sur ce lieu béni de Dieu en 2009, quitter la capitale picarde sans provision de macarons est aussi improbable que de quitter Montélimar sans nougat.
En 2019, un autre magasin, le huitième, a ouvert au Touquet, élargissant ainsi un réseau 100% Hauts-de-France : Arras, Lille, Saint-Quentin et quatre adresses à Amiens, la ville de Jules Verne, Michou et François Ruffin. C’était alors la deuxième année du quinquennat d’Emmanuel Macron, une période d’insouciance où la famille par alliance du président n’avait pas encore peur des crachats de gilets jaunes à ses fenêtres, ni des menaces d’incendie proférées sur Twitter, ni des attentats de ce genre. dont a été victime, le 15 mai au soir, son directeur général, Jean-Baptiste Trogneux, plus connu en sa qualité de « petit-neveu de Brigitte Macron ».
« Mon fils a reçu des coups de poing, des coups de pied, il a dû se recroqueviller pour se protéger, a détaillé Jean-Alexandre Trogneux à la presse locale. Il a des blessures à la tête, au visage, aux genoux et aux doigts. L’agression lui a valu, selon des sources policières, quatre jours d’incapacité totale de travail.
Confiseurs de père en fils (de gauche à droite) : le fondateur, Jean-Baptiste, né en 1852, Jean, né en 1881, Jean, père de Brigitte, né en 1909, Jean-Claude, né en 1933, et Jean- Alexandre, né en 1961 et père de Jean-Baptiste, actuel directeur
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Sixième et cadette de sa fratrie, Brigitte jouait encore à la poupée quand son frère aîné, Jean-Claude, promenait un vrai bébé, Jean-Alexandre. Tous les amis de la famille se souviennent de l’amusant faire-part reçu à l’occasion de la naissance du fils de ce dernier, une assiette de chocolat sur laquelle était inscrit ce message : « Je suis à manger. Signé : Jean-Baptiste, le 28 juillet 1993 ».
Quelle est la prochaine après cette annonce
« Jean Trogneux, la maison des baptêmes » : raison sociale officielle
Interrogé (déjà) par le “Courrier Picard”, l’heureux papa a alors expliqué que le bébé allait “très vite se rendre compte de sa chance d’être tombé dans la bassine de chocolat” et – il n’en doutait pas une seconde – qu’il prendrait sa suite le jour venu. Ainsi en va-t-il à Amiens : tout événement qui touche le clan Trogneux est relaté dans la presse régionale, et ce bien avant qu’un beau-frère fringant et prometteur nommé Emmanuel ne soit élu, en 2017.
Il faut dire que l’histoire de « Jean Trogneux, la maison du baptême » – raison sociale officielle de l’entreprise – est une success story mode d’antan. Le modeste atelier dans lequel l’ancêtre Jean-Baptiste fabriquait, à la fin du XIXe siècle, soufflés et desserts est devenu une entreprise qui emploie aujourd’hui une soixantaine de salariés et vend des chocolats pour près de 5 millions d’euros. et confiserie par an. Depuis 1872, la gestion s’est transmise de père en fils, et la caisse de mère en fille… Chacune des six générations a contribué à asseoir un peu plus la prospérité de cette institution picarde.
Brigitte Macron, 1 an et demi, entre ses parents Jean et Simone, à l’automne 1954. Derrière, le reste de la fratrie (de gauche à droite) : Jean-Michel, Maryvonne, Jean-Claude, Anne-Marie et Monica.
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Ainsi Jean, fils du fondateur et grand-père de Brigitte, ne s’est pas contenté d’ouvrir la première boutique du centre-ville. Il a également inventé une gourmandise ronde et moelleuse que même les visiteurs de passage ne peuvent ignorer puisqu’un panneau l’annonce à l’entrée de la ville : le macaron d’Amiens. Si votre dessin du macaron a les couleurs pastel de ceux que l’on trouve chez Ladurée ou Pierre Hermé, vous n’en êtes pas du tout là. La version amiénoise doit tout à une ancienne première dame, Catherine de Médicis, épouse d’Henri II.
Catherine de Médicis, reine des macarons
Arrivée de sa Florence natale avec une armée de cuisiniers pour préparer son banquet de mariage, elle aurait introduit le sabayon, les sorbets et le « maccarone ». L’histoire est jolie, mais impossible à vérifier. Il fait partie du storytelling déployé par le site Trogneux.fr. La composition actuelle contient, dans des proportions évidemment gardées secrètes, du miel, de la poudre d’amandes, du sucre et des œufs : bref, un concentré de calories qui laisse penser que Brigitte n’abuse pas des produits familiaux. A cet égard, la rumeur selon laquelle elle et son mari président seraient actionnaires de la maison Trogneux est tout aussi fausse que bien d’autres les concernant ; le capital est entièrement détenu par ses neveux.
A la table de Brigitte, son frère aîné Jean-Claude (à droite) et ses proches. Lors de l’investiture d’Emmanuel Macron à l’Élysée, le 14 mai 2017.
Bestimage / © Dominique Jacovides / Sébastien Valiela
Passons à la troisième génération, celle de Jean, le père de Brigitte, appelons-le Jean Junior pour s’y retrouver, né en 1909. A peine avait-il pris la relève que la France connaissait plus de problèmes graves que de catastrophes.
Le magasin, endommagé pendant la Première Guerre mondiale, est entièrement détruit en 1944 par les bombardements alliés en prélude au jour J. Jean Jr et son épouse Simone construisent donc un tout nouveau magasin, rue Delambre, qu’ils inaugurent en 1952, quelques mois avant la naissance de Brigitte. As du packaging bien avant que le terme n’existe, le patron a eu l’idée d’emballer chaque macaron dans un joli papier doré, ce qui en fait ensuite, une fois emballé, un cadeau très présentable, n’en déplaise à Jacques Brel.
Jean multiplie les établissements dans la région
Parallèlement, il développe la vente de dragées qui, dans un contexte de baby-boom et de pratique religieuse encore forte (du baptême au mariage en passant par la première communion), s’avère très judicieuse. Enfin, Jean multiplie les établissements dans la région avec une tactique astucieuse comme tout : il imagine pour chaque ville une confiserie locale, supposée née au Moyen-Âge. Pour Arras, il crée les cœurs d’Arras, à base de chocolat noir et d’orange confite, qui seraient le fruit de la créativité d’une certaine dame Emma Crespin qui se serait amusée à reproduire les cœurs de son blason dans sa cuisine. .

Jean-Alexandre et son fils Jean-Baptiste, le tandem est à la tête des huit boutiques de la maison.
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Décédé en 1994 à l’âge de 84 ans, le père de Brigitte a non seulement enrichi la famille, il lui a fait franchir le pas, plus haut qu’il n’y paraît, qui va de la petite à la moyenne bourgeoisie. Très actif au sein de la Chambre de commerce d’Amiens, l’arrière-petit-fils d’une fille-mère fileuse côtoie les grandes familles de commerçants locaux comme les Lafarge, maroquiniers depuis six générations, ou les Gueudet, mécaniciens de père en fils depuis 1880. , l’un des plus importants groupes français de distribution automobile.
Les Trogneux changent de statut social
Passionné de sport, Jean Jr est également engagé dans la fédération de tennis, ce qui lui permet d’intégrer le Rotary, club qui, à l’époque, ouvrait plus facilement ses portes aux médecins ou avocats qu’aux pâtissiers. Mais la preuve indiscutable que les Trogneux ont changé de statut social s’appelle Monéjan. Ce nom, contraction de Simone et Jean, ils le donnent à la maison qu’ils achètent au Touquet en 1950. Mais “la villa au Touquet”, et bien sûr la cabine de plage qui va avec, sont des accessoires indispensables pour tout Amiens ou Lille “établie”.

La boutique historique, rue Delambre, à Amiens.
AFP / © AFP
Dans la station balnéaire aussi, Jean participe à la vie locale, comme le rappellera le maire Léonce Deprez en épousant Brigitte, un beau jour de juin 1974, avec le cadre parisien André-Louis Auzière. « Je salue dans la jeune épouse la fille du président du Tennis Club et vice-président du Syndicat des propriétaires, riverains et amis du Touquet. A noter que Léonce aura une seconde opportunité d’épouser Brigitte en 2007, avec Emmanuel, un Amiens cette fois.
Tout est inspirant
Conséquence logique de cette ascension familiale dans l’échelle sociale, le petit-fils de Jean, Jean-Alexandre, 62 ans aujourd’hui, a été le premier de la descendance à passer par une école de commerce où, évidemment, il n’a pas séché les cours de marketing : les vitrines des magasins Trogneux changent aussi souvent que celles des grandes marques de prêt-à-porter. On voit des œufs à Pâques mais aussi des sorcières à Halloween, des vélos en chocolat lors du Tour de France, des balles de golf en chocolat blanc lors des Internationaux de France et du tennis pour Roland-Garros. Tout est Source d’inspiration : les iPhones en chocolat noir appelés iChoc, les plaques à message personnalisées, par exemple « Veux-tu m’épouser ? », Tronions absolument adorables quand sort un nouveau film de la série « Les Minions », une série à feuilleter qui s’appelle Trognalla… On aurait presque une indigestion !
En avril 2021, Jean-Baptiste et sa femme, Sasha, ont eu un petit garçon.
Jean-Alexandre est désormais secondé par son fils Jean-Baptiste. C’est aussi la tradition de la maison : une transition qui allie expérience et modernité. Jean-Baptiste a bien tenté d’échapper au sort prédit par le « Courrier Picard » en entamant une carrière d’ingénieur au sein du groupe de luxe suisse Richemont. Expatrié à Hong Kong, il a finalement rejoint Amiens il y a quatre ans. Sa mission : développer les ventes sur Internet.
En avril 2021, Jean-Baptiste et sa femme, Sasha, ont eu un petit garçon : 4,6 kilos, annonce le « Courrier picard »… Son prénom ? On te le donne en mille… Jean ! Mais aussi, puisque la mère est chinoise, Sin Yin. Du haut de ses 2 ans, Jean Sin Yin, arrière-petit-neveu de Brigitte Macron, ferait bien de se préparer : c’est sans doute à lui, titulaire de la septième génération, que reviendra la responsabilité et l’honneur d’ouvrir le fleuron des Trogneux. boutique à Nanjing Lu, la célèbre rue commerçante de Shanghai !