Le commandant en chef de l’armée libanaise, Joseph Aoun, élu président de la République jeudi, n’a aucune expérience politique mais bénéficie de sa position à la tête d’une des institutions les plus respectées du pays, miné par les crises politiques et financier.
Le général, qui a fêté vendredi son 61e anniversaire, bénéficie également du soutien de plusieurs puissances étrangères comme les États-Unis et l’Arabie saoudite.
Joseph Aoun a été élu jeudi par les députés au second tour alors que le Liban était privé de chef d’Etat depuis plus de deux ans en raison de profondes divergences entre blocs politiques.
Il a été élu jeudi par les députés au second tour alors que le Liban était privé de chef d’Etat depuis plus de deux ans en raison de profondes divergences entre blocs politiques.
Le général Aoun, qui n’a aucun lien familial avec le président sortant Michel Aoun, dirige depuis mars 2017 une institution qui a su se tenir à l’écart des dissensions sectaires et politiques qui déchirent le pays.
Au sein de l’armée, il a su manœuvrer pour surmonter les crises, notamment un effondrement économique qui a durement touché la solde de ses 80 000 soldats, l’obligeant à accepter l’aide internationale pour préserver son institution.
Depuis un accord de cessez-le-feu fin novembre mettant fin à la guerre entre le puissant mouvement Hezbollah et Israël, l’armée a la délicate tâche de faire respecter la trêve.
Il se déploie progressivement dans les zones frontalières du sud à mesure que l’armée israélienne se retire, un processus qui doit être achevé d’ici le 26 janvier.
Aux termes de l’accord, seules l’armée libanaise et les forces de maintien de la paix de l’ONU doivent être déployées dans le sud. Les combattants du Hezbollah doivent se retirer vers les zones plus au nord et abandonner leurs armes lourdes.
Intervenant dans le fief du Hezbollah, qui a promis une « coopération totale », le chef de l’armée doit veiller à préserver l’équilibre social et confessionnel précaire du jeu politique libanais : ne pas irriter le mouvement pro-iranien sans s’attirer les foudres de ses détracteurs.
Le militaire aux propos laconiques, chauve et au bâti solide, peut compter sur son réseau tissé à travers toute la classe politique libanaise, mais aussi ses contacts avec les capitales occidentales, Paris et Washington en tête.
“Il a la réputation d’être un homme intègre”, a déclaré à l’AFP le politologue Karim Bitar.
“Au sein de l’armée libanaise, il est vu comme quelqu’un de dévoué, qui défend l’intérêt national, et qui tente de consolider l’institution, la seule encore épargnée par le confessionnalisme et qui est encore debout”, ajoute-t-il.
Mohanad Hage Ali, du groupe de réflexion Carnegie pour le Moyen-Orient, souligne ses « liens avec les Etats-Unis », l’armée libanaise étant soutenue financièrement par Washington.
« Il entretenait des relations avec tout le monde, mais il était souvent critiqué par les médias affiliés au Hezbollah » justement pour cette connexion américaine, précise-t-il.
Outre l’allié américain, l’institution a reçu l’aide du Qatar et de la France.
Une conférence internationale organisée à Paris en octobre a permis de récolter 200 millions de dollars pour l’armée, un soutien vital : au plus fort de la crise économique en 2020, l’armée a même dû supprimer la viande des repas servis à ses soldats.
“Tout le monde reconnaît son parcours sans faute à la tête de l’armée”, a déclaré à l’AFP un diplomate occidental. « Mais peut-il devenir homme politique ? C’est la question.
Parlant couramment le français et l’anglais, le général Aoun est père de deux enfants. Il est issu de la communauté chrétienne maronite, à laquelle la présidence est réservée, en vertu du partage confessionnel du pouvoir qui accorde aux musulmans sunnites le poste de Premier ministre et aux musulmans chiites celui de président du Parlement.
Pour M. Bitar, “même parmi ceux qui le respectent, il y en a beaucoup” qui se sont opposés à son élection, “principalement parce qu’il est issu de l’armée”.
Car certains ex-présidents au profil similaire ont laissé aux Libanais « un arrière-goût amer », constate-t-il. Sans compter que cela pourrait cautionner l’idée selon laquelle le chef de l’armée peut « devenir systématiquement président ».
Michel Aoun était également un ancien commandant des forces armées libanaises, et ses trois prédécesseurs étaient également issus des rangs de l’institution militaire.
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