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des hauteurs de la théologie aux sommets

Théologien, philosophe, historien, longtemps impliqué dans les plus hautes structures de l’Église réformée, le pasteur atypique de Crans-Montana n’a jamais perdu de vue la passion qui l’animait pour Dieu et pour l’humanité.

On doit la plus belle citation sur le protestantisme aux légendaires frères Edmond et Jules de Goncourt : “Il me semble voir le protestantisme de la médecine dans une pharmacie homéopathique.” Un mot d’esprit qui va comme un gant au citoyen de… Gand (Belgique), devenu aujourd’hui, à 67 ans, doyen des curés du Valais et chef de la paroisse de Crans-Montana. L’homme est en effet détenteur d’un savoir et d’une expérience qui lui permettent de mesurer chacune de ses interventions avec la précision scientifique du chercheur. Ni tout-terrain, ni élans révolutionnaires pour ce théologien habitué aux chaires ecclésiales ou universitaires, et à la finesse diplomatique propre aux plus hautes structures confessionnelles.

Mais pas question d’enfermer Guy Liagre dans le costume du savant ! Il n’est jamais aussi heureux qu’au cœur de sa paroisse, lors de ses visites aux malades ou en partageant un verre amical après le culte dominical.

Enfant des Flandres

«Je suis né gantois, donc flamand, de parents catholiques», raconte le curé. Mais mon père s’est converti au protestantisme pendant la Seconde Guerre. Il n’y a jamais eu de pasteur dans ma famille, pourtant très tôt j’ai voulu étudier pour le devenir. En fait, je ne me suis jamais considéré comme autre chose qu’un pasteur. Et souriez : « Tout le monde a ses défauts, n’est-ce pas ?

La formation pour devenir pasteur prévoit une licence en théologie et des stages en paroisse. « Tout cela a duré huit ans, poursuit Guy. J’ai obtenu mon diplôme à l’Université de Bruxelles et je suis allé en Californie pour étudier la philosophie d’Alfred North Whitehead. Un philosophe magistral qui tente d’exprimer l’infinité de l’univers dans les termes finis du langage. Insatiable de savoir, Guy Liagre a ensuite complété une formation pastorale (« Clinical Pastoral Training ») à l’Université d’Amsterdam et un doctorat en histoire des religions au XIXe siècle.

Le temps des responsabilités

Sa carrière connaîtra alors une progression quasi exponentielle. Après avoir été pasteur et donné des cours à l’université, le synode lui confie la présidence de l’Église protestante unie de Belgique pendant huit ans. Il présidera également le conseil œcuménique au niveau national.

Sensibilisé par les émeutes qui ont embrasé les banlieues de son pays sur fond de questions sociétales et religieuses, il a fondé et présidé le Conseil belge des chefs religieux, dont le but est de faciliter la coexistence des communautés. « Tout le monde a joué le jeu du mieux vivre ensemble. Il y avait le cardinal Danneels, le grand mufti, le grand rabbin, le métropolite orthodoxe, le représentant des communautés anglicane, bouddhiste, hindoue et jaïne. Une expérience vraiment riche.

Mais le temps de la responsabilité n’est pas révolu. « Vers 55 ans, j’ai été nommé secrétaire général de la CEE, de la Conférence des Églises européennes, plateforme de dialogue avec l’Église catholique, mais aussi lobby auprès du Parlement européen, de la Commission européenne et du Conseil de l’Europe, notamment sur les questions liées aux droits de l’homme. Guy Liagre hésite une seconde : « Même si je le suis évidemment un peu, par la force des choses, je ne voudrais pas donner l’impression de n’être qu’un homme de structures. Je suis avant tout, et c’est la raison même de mon engagement, un homme de foi et de terrain. Je pratique l’œcuménisme au quotidien, par exemple ici avec le prêtre Alexandre Barras…»

Du Pays-d’Enhaut au Haut-Plateau

À l’approche de l’heure de la retraite, Guy et sa femme – «

un phare, une inspiration, mon premier conseiller, je le dis d’autant plus volontiers après 50 ans de vie commune» – a décidé de s’installer en Suisse. Elle est professeur de religion, il sera curé du Pays-d’Enhaut, voyageant régulièrement entre Château-d’Oex, Rossinière, Rougemont et L’Etivaz.

Imaginant pouvoir enfin profiter du calme et de la tranquillité, le couple achète une propriété en Valais, dans le beau village haut perché d’Isérables. « Ils sont venus me chercher parce qu’il fallait pourvoir le poste de curé à Crans-Montana. J’ai posé la question de la confiance à mon épouse, à qui j’avais promis une douce retraite. Elle n’a pas hésité une seconde et m’a dit : “Poursuivre! Arrête, ce n’est pas toi ! Alors, me voilà ! Et je ne regrette rien. J’aime les visites pastorales, la visite aux malades dans les cliniques ou à l’EMS Christ-Roi. Le contact avec les gens est important pour moi : il nourrit ma foi et mon humanisme.

“Je veux être sage-femme de la grâce”

« J’ai découvert avec plaisir l’esprit d’une gare très animée, dit Guy Liagre. Et une paroisse dans une situation différente de celle que j’avais connue, puisque les protestants sont ici minoritaires. Cela incite les personnes impliquées à être très actives et à privilégier une bonne cohésion. Nous accueillons également de nombreux croyants des quatre coins de la Suisse et de différents pays d’Europe. C’est pour cette raison que nous avons créé un autre culte anglophone, voire néerlandophone.»

S’il doit promouvoir Crans-Montana en quelques mots, le pasteur se concentre sur la nature. « Notre environnement est extraordinaire, de la plaine au sommet des alpages et des montagnes, en passant par les forêts, les lacs et les bisses. Je ne skie pas ; de l’autre la marche, qui a le mérite de toujours me détendre et de me déconnecter de mes activités les plus chronophages.

Les derniers mots pour Guy Liagre ? « Après tant d’années dans les structures ecclésiales, c’est une vraie joie de retrouver ma mission première, même si j’ai toujours veillé à ne pas l’oublier. J’aime le définir avec une formule qui m’accompagne depuis le début de ma carrière : pasteur, je dois être, et je suis, une sage-femme de grâce. Je dois donc rechercher inlassablement ces moments intenses de foi que nous vivons ensemble, en communauté, dans la grâce de Dieu.

By Jean-François Fournier

 
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