CeuxLa justice à Genève –
Un policier gracié pour excès de vitesse
La fonctionnaire ayant roulé trop vite lors d’une intervention a vu sa sanction effacée par une commission du Grand Conseil. D’autres condamnés ont bénéficié de cette « grande grâce » politique.
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- Une inspectrice a échappé à sa sanction pénale pour excès de vitesse.
- La commission des grâces a annulé sa peine de travaux d’intérêt général.
- Chaque année, des demandes de ce type parviennent aux députés.
Il y a deux ans, une inspectrice aguerrie a été condamnée pour excès de vitesse à 52 km/h à l’entrée de Troinex en janvier 2017. La fonctionnaire, qui conduisait dans le cadre de son travail, a été condamnée, après un marathon judiciaire de plusieurs années, à une amende de 280 heures de travaux d’intérêt général (TIJ) suspendues. La Tribune de Genève a appris que la commission des grâces du Grand Conseil a effacé cette sanction dans une décision rendue le 19 novembre.
Cette instance était probablement sensible au contexte particulier de cet excès de vitesse. “L’engagement sans faille de ma proviseure au service de la communauté doit être salué”, réagit son avocat, Me Jordanie romaine. La décision du Grand Conseil le reconnaît, en reconnaissant les contraintes et les particularités du métier de policier.
Fin 2016, la police recherchait des Gens du voyage impliqués dans un vol de voiture. Un gang avait déjà volé 48 véhicules dans le canton. Selon un rapport de police, ses membres n’hésitaient pas « à prendre de gros risques en agissant à bord de véhicules de grosse cylindrée et en forçant des barrages de police. L’un des suspects est connu des services français pour une affaire de meurtre en 1998. »
Clignoté à 102 km/h
Alerté par un collègue de la présence d’un suspect à Troinex, l’inspecteur se lance à sa recherche. Un radar l’a alors flashé sur la route de Marsillon à 102 km/h (marge de sécurité de 6 km/h déduite) sur un tronçon limité à 50 km/h.
Dans la nuit du 3 au 4 février, les suspects ont été repérés à La Croix-de-Rozon. La police, dont le prévenu, intervient en force. Les malfrats ont percuté la voiture d’un usager et l’ont blessé. Ils se sont précipités vers les policiers et ont frôlé l’inspecteur à moins d’un mètre avant de prendre la fuite.
La même nuit, une autre patrouille engagée dans la même intervention a été flashée sur la route d’Annecy à 126 km/h, alors que la vitesse était limitée à 50 km/h. Le conducteur a été condamné en 2020 à 360 heures de TIJ avec sursis.
Fabrice A. rejeté
Comme cet inspecteur, des dizaines de condamnés tentent chaque année d’obtenir leur grâce partielle ou totale. Fabrice A., l’assassin d’Adeline M., avait franchi le pas en se disant « brisé et fatigué » par la détention. Sa demande examinée par le Grand Conseil en 2011 a été rejetée. À l’unanimité.
Quels sont les critères examinés par les députés ? « Il n’y en a pas de précisément défini », constate Laurent Koelliker, le président du Grand Conseil. Il s’agit d’une évaluation au cas par cas des membres de la commission.
À la fin des années 1990, « Le Matin » faisait écho à un boom historique des recours en grâce en 1998. Ce sont alors 121 condamnés qui ont fait appel au Grand Conseil. Près de la moitié d’entre eux avaient obtenu une réduction partielle ou totale de leur sanction.
La décision d’accorder la grâce n’est généralement pas fondée sur des motifs juridiques, mais sur des motifs d’équité, de politique pénale, d’économie ou de pure indulgence. Exemple de subvention par pure indulgence : un forçat qui sauve un enfant de la noyade.
En 2017, une Bolivienne sans papiers reconnue coupable de séjour illégal après avoir porté plainte suite à une agression a vu sa condamnation annulée. Gagnant sa vie en travaillant comme femme de ménage, elle a été condamnée à 60 jours d’amende avec sursis, la même peine que la compatriote qui s’était « fracassée » le nez dans un bar.
Le pardon après avoir reconstruit sa vie
La même année, les députés réduisent la peine de prison d’un homme condamné en 2001, notamment pour vol et banditisme aggravé. Il avait été libéré par erreur avant son procès et avait mené une vie sans incident jusqu’à son arrestation en 2017. Le Grand Conseil avait estimé que le prévenu, défendu par Me Jordan n’était plus un délinquant.
En 2015, les députés ont réduit de 5 ans à 20 mois la peine de prison d’un restaurateur indien des Pâquis qui avait voulu faire tuer l’amant de sa femme. Les députés estimaient que son expulsion de Suisse aurait été préjudiciable à ses enfants.
L’année dernière, la commission des grâces a débouté un jeune chômeur d’Annemasse qui souhaitait faire disparaître deux lignes de son casier judiciaire. Un pour vol. L’autre concernait une amende pour conduite clandestine dans les transports publics. Faute de paiement, le journal avait été converti en jours de prison. La même année, un détenu de Champ-Dollon adresse au Grand Conseil une lettre sommaire sans argument. L’homme condamné notamment pour trafic de drogue n’a rien obtenu…
Pas plus tard qu’en 2023, une septuagénaire toxicomane invoquait avec succès sa situation financière précaire. Le nombre de ses jours de prison pour vols a été réduit au profit d’une mesure thérapeutique en institution.
Ces appels politiques permettent parfois de mettre en lumière des procédures qui n’ont pas été jugées à Genève. A la suite de vacances en Sicile en 1997 avec la famille de son épouse, le requérant fut accusé d’avoir commis des actes sexuels sur sa fille, âgée d’à peine 3 ans. L’homme est rentré en Suisse au lendemain des événements tandis que son épouse a porté plainte contre lui en Italie. Le prévenu a été condamné par contumace à huit ans de prison.
L’homme s’est ensuite remarié et a eu deux autres enfants. En 2018, il s’est rendu au Maroc pour des vacances. Faisant l’objet d’un mandat d’arrêt international, il a été arrêté à son arrivée puis extradé vers l’Italie, d’où il a commencé à purger sa peine, avant de demander son transfert vers la Suisse pour y purger le reste de sa détention. .
En 2022, il demande en vain au Grand Conseil de lui accorder sa grâce pour le reste de sa peine.
L’année précédente, un videur violent avait demandé la clémence du Grand Conseil, qui n’en voulait pas. Il faut dire que l’homme avait été condamné à trois reprises pour coups et blessures en boîte de nuit et même pour avoir tiré sur une voiture devant une discothèque… Selon le rapport de la commission, l’homme a été jugé par contumace par le tribunal correctionnel, puisqu’il n’avait ni Il n’a comparu ni présenté ses excuses, et il n’a pas non plus comparu devant la Cour de justice en appel. Pour l’ensemble de ces faits, il a été condamné à une peine privative de quatre ans.
L’année précédente, le banquier qui avait commandité l’assassinat de son épouse à Chêne-Bougeries en 2012 avait également fait face à un refus devant le Grand Conseil. Le Parlement, qui a suivi comme souvent la commission, a refusé de réduire la peine de prison prononcée par la justice, soit onze ans et six mois de prison. Sa femme a survécu à cette tentative d’assassinat.
A noter que la commission est compétente pour trancher seule les cas « mineurs ». A savoir pour une peine pécuniaire n’excédant pas 180 jours-amende, TIJ, des peines n’excédant pas 6 mois de prison et des amendes égales ou inférieures à 10 000 francs. Pour le reste, le dernier mot appartient au Grand Conseil après avis préalable de la commission.
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