Mais attendons un moment avant de féliciter le ministre pour son intervention, motivée en grande partie par la pression du monde des affaires.
Visiblement, il sentait la soupe chaude. Ce n’est pas un hasard s’il a évoqué le « ras-le-bol » de la population pour justifier cette action radicale en termes de relations sociales.
N’oublions pas que ce conflit a fait perdre des sommes considérables aux petites et moyennes entreprises, incapables de faire livrer leurs précieux colis à leurs clients en prévision des fêtes de fin d’année.
N’oublions pas, car cela fait partie de l’équation, que cette grève de quatre semaines a privé de leur salaire 55 000 salariés syndiqués à travers le pays.
Ce conflit était devenu un frein à l’économie canadienne. Le ministre interventionniste aurait-il dû agir plus rapidement pour limiter les dégâts ?
Aurait-il mieux valu, au contraire, qu’il reste les bras croisés et attende que l’employeur et le Syndicat des postiers (STTP) vident une fois pour toutes leur sac – rempli de griefs – ? tous?
Le - nous dira s’il a fait ce qu’il devait faire en s’en remettant au Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) pour tenter de sortir de cette impasse.
Il faut toutefois rappeler qu’il a donné son feu vert à la tenue d’une commission d’enquête qui sera chargée de faire le point sur ce que pourrait devenir Postes Canada, une fois la prochaine convention collective négociée.
Cette tâche reviendra au commissaire et arbitre William Kaplan, qui doit soumettre ses recommandations d’ici le 15 mai. Nous lui souhaitons bonne chance car il en aura bien besoin. Faut-il souligner que le syndicat n’a pas une très haute estime pour la direction de Postes Canada, qu’il accuse de très mal gérer ce service essentiel et fortement déficitaire ?
Modèle économique
Disons les choses telles qu’elles sont : la poste va très mal. Les pertes financières s’accumulent année après année (plus de 3 milliards de dollars depuis 2018). Depuis le début de l’année, ils approchent le demi-milliard de dollars.
Le modèle économique, dans sa forme actuelle, ne fonctionne tout simplement pas. Les facteurs distribuent deux fois moins de lettres (5,2 milliards en 2006 contre seulement 2,2 milliards en 2023). La livraison des colis est tout autant en difficulté.
Ce marché, bien qu’en forte croissance, est monopolisé par des services privés dans une très large proportion, comme FedEx, Amazon, Intelcom et d’autres sociétés de livraison privées.
Postes Canada n’a pas réussi à s’adapter à la nouvelle réalité commerciale. Sa structure est lourde. Il a besoin d’un solide coup de pouce pour l’empêcher de se diriger vers sa perte.
C’est de tout cela, et bien d’autres choses, dont nous discuterons au cours des prochaines semaines. Nous allons nous concentrer sur la façon de faire de Postes Canada, qui ne convient clairement pas au gouvernement fédéral.
Nous demanderons aux négociateurs syndicaux de voir comment ils pourraient faire des concessions. Nous proposerons de nouveaux horaires pour livrer les colis le samedi et le dimanche. Nous chercherons en effet à développer une Poste Canada 2.0, dans la mesure où il est possible de donner un nouvel élan à cette vénérable institution vieille de 270 ans.
Sauf issue de dernière minute, ce qui paraît plus qu’improbable, il s’agira donc d’un retour (forcé) au travail pour les salariés syndiqués en grève depuis quatre semaines pour rien.
La question mérite d’être posée : se pourrait-il que Postes Canada traîne les pieds en espérant que le gouvernement d’Ottawa intervienne à sa place ?
Rappelons ici que c’est la troisième fois que le ministre MacKinnon s’immisce dans un conflit en se prévalant des pouvoirs que lui confère le Code canadien du travail. Rappelons-nous les gestes qu’il a posés cet automne en imposant un arbitrage exécutoire pour mettre fin aux conflits au CN, au CP et dans les ports maritimes de Montréal, de Québec et de la Colombie-Britannique.
Coups de klaxon
C’est clair : la grève à Postes Canada a rendu certains mécontents. Les grévistes l’ont constaté sur les piquets de grève. Si, dans l’ensemble, les automobilistes klaxonnaient en signe de soutien, d’autres, au contraire, leur criaient des bêtises et se permettaient des commentaires désobligeants.
Il faut dire qu’il y a eu beaucoup de désinformation sur les « salaires à 100 000 $ », le fonds de pension « chrome » et les conditions de travail accordées aux salariés.
En fait, le salaire médian est de plus ou moins 55 000 $ par an, soit un peu moins de 30 $ de l’heure. En effet, ils cotisent à parts égales au fonds de retraite avec l’employeur, et le régime de retraite est géré de manière exemplaire, selon une Source syndicale.
On dira ce qu’on veut, on pensera ce qu’on veut penser, le travail des facteurs n’est pas facile. Les sacs qu’ils portent sur leurs épaules pèsent jusqu’à 50 kilos et le trajet quotidien à pied varie de 10 à 30 kilomètres.
Le syndicat réclame des augmentations de salaire de 19 % sur quatre ans. Postes Canada, qui est en rouge foncé, n’est pas prête à aller aussi loin. Son offre est limitée à 11,5%, toujours sur quatre ans.
Il faudra trouver un juste équilibre entre les revendications syndicales et les offres patronales pour satisfaire les besoins et les revendications des deux.
Il faudra surtout instaurer un climat de confiance au sein même de l’entreprise étatique, une fois la nouvelle convention collective ratifiée, idéalement le 22 mai 2025.
Mais qu’attendons-nous exactement de Postes Canada dans les années à venir ? Voulons-nous le privatiser partiellement ? Vont-ils se départir de Purolator, une entreprise détenue à 91 % par l’État?
Allons-nous arrêter de livrer le courrier à la porte ou dans les cases postales ? Allons-nous nous concentrer sur le marché beaucoup plus lucratif de la livraison de colis ?
Les mois à venir seront décisifs pour l’avenir de l’entreprise postale.
D’ici là, prenez le - de saluer votre gentil facteur lorsque vous le croiserez sur votre chemin.
Car lui aussi se demande quel sera son avenir dans le nouveau business model que le PDG Doug Ettinger et son groupe de collaborateurs vont nous concocter.
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