Il y a bien longtemps, un président américain, même en plaisantant, suggérait que le Canada fasse la transition pour devenir le 51e État américain.
Blague, certes, mais avec sur fond une véritable acrimonie. Depuis la menace de Donald Trump publiée sur les réseaux d’imposer des droits de douane de 25% au Canada et au Mexique, on pensait que ces mêmes droits n’étaient qu’un levier. Dont le but essentiel était d’obliger les pays voisins à endiguer les problèmes liés aux migrants et au fentanyl.
Non! On le comprend désormais : Trump estime que l’important déficit commercial des États-Unis avec le Canada confine à l’extorsion, au vol. 100 milliards de dollars américains par an (140 milliards de dollars canadiens), a-t-il déclaré, gonflant les chiffres. Trump ne semble pas pouvoir concevoir que les relations commerciales entre pays puissent être mutuellement bénéfiques.
Offensant
Blague, certes, mais avec une part de vérité historique. “Je ne sais pas s’il comprend à quel point ses commentaires sont choquants pour de nombreux Canadiens”, a-t-il déclaré. Étoile de Toronto Asa McKercher, experte des relations canado-américaines au Collège militaire royal du Canada.
Le Dominion du Canada reposait en grande partie sur le rejet du projet politique républicain des États-Unis. Rejet des deux peuples ayant été vaincus dans deux grands conflits : les Canadiens français, lors de la guerre de Sept Ans, et les Anglais souhaitant rester fidèles à la couronne après la guerre d’indépendance américaine. Les deux pays finiront par concocter une « Amérique du Nord britannique » en 1867.
Depuis le 18ème sièclee siècle, les Américains ont tenté à de nombreuses reprises d’englober le Canada. En 1775, par la force. En 1776, Benjamin Franklin tenta de persuader. En 1812, « guerre oubliée », qui aboutit à la prise de Washington et à l’incendie de la Maison Blanche (évoquée avec un étrange ressentiment par Trump en 2018, lors de son premier mandat !).
Certes, plusieurs Québécois, pour se libérer du joug britannique, rêvaient d’annexion. Papineau avant tout. Jusqu’à tout récemment, il existait même un « Parti 51 » autorisé par le Directeur général des élections.
Destin manifeste
Mais la vérité de la blague vos atoutsc’est autre chose : une vieille théorie ethnique, qui remonte au 19ee siècle, de « destinée manifeste ». Selon ce courant, les Américains auraient vocation à occuper, voire à contrôler, l’ensemble de l’espace américain.
D’ailleurs, ne fusionnent-ils pas avec le continent ? Ce sont des « Américains » et non des « Américains ». Amérique est pour eux synonyme deÉTATS-UNIS.
Voilà que ces vieilles idées moisies reviennent, sur le ton d’une plaisanterie acide, de la bouche du premier président de l’ère des « influenceurs ». Un propriétaire de réseau social, ironiquement nommé Thruth, comme celui-ci Pravda Soviétique et maintenant celui de Poutine (et qui fait de Trump, ô paradoxe, le concurrent d’Elon Musk et de son réseau X).
Une époque où il faut sans cesse provoquer (voire intimider) pour retenir et renouveler l’attention des abonnés. Un président qui estime que pour « lutter contre la bien-pensance, il faut en finir avec la bienséance » (selon les mots savants d’Alain Finkielkraut), dans le débat public comme en diplomatie. Nous avons quatre ans.
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