Le statut S accordé aux réfugiés ukrainiens est devenu une question très sensible dans le canton de Saint-Gall. Il faut remonter au lendemain du lancement de l’offensive russe contre l’Ukraine, le 24 février 2022. Le Département fédéral de justice et police était alors dirigé par la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter, élue PLR du canton de Saint-Gall, qui a défendu l’instauration du statut S, facilitant l’asile aux ressortissants ukrainiens.
Après son élection au Conseil fédéral début 2019, elle a été remplacée par une élue de l’UDC, Esther Friedli (UDC/SG). Ce dernier a voté lundi dernier une motion visant à restreindre l’accès au statut S aux seules personnes originaires de régions en conflit ou proches des combats.
Le Conseil des Etats a également accepté lundi une proposition de l’autre député saint-gallois de la Chambre des cantons, élu du Centre, Benedikt Wüurth (C/SG). Elle demande à la Suisse de retirer ou de ne pas renouveler le statut S si la personne concernée quitte la Suisse pendant une certaine période (15 jours), si elle a bénéficié d’une aide au retour ou d’une aide similaire ou si elle a obtenu le statut S de manière irrégulière.
Supprimer le statut S ?
Mais ce n’est pas fini. Le Conseil des Etats devra se prononcer lundi 16 décembre sur une initiative du canton de Saint-Gall, votée en grande partie par son Grand Conseil, qui réclame la suppression pure et simple du statut S pour les réfugiés ukrainiens. Pourquoi y a-t-il tant de problèmes dans ce canton avec ces réfugiés ?
La raison : la proportion de Roms parmi eux. Au printemps, cette question a défrayé la chronique en Suisse alémanique. Même s’il n’existe pas de chiffres officiels, une information relayée par les médias et reprise à l’initiative du canton «indique que la moitié des personnes ayant obtenu le statut de protection S dans le canton de Saint-Gall depuis novembre 2023 sont des Roms.» Beaucoup d’entre eux ne parlent ni ukrainien ni russe et n’ont pas vécu en Ukraine de manière permanente.
Le canton reproche également à certaines familles roms des allées et venues répétées entre la Suisse et l’étranger “bénéficiant même parfois d’une aide au retour”. Les Saint-Gallois ont plus que l’impression «qu’un nombre croissant de Roms bénéficient d’un statut de protection S, que l’on peut considérer comme généreux».
Réaction de la Commission fédérale contre le racisme
Face à l’effusion médiatique, la Commission fédérale contre le racisme a analysé les accusations portées contre les Roms d’Ukraine, originaires en grande majorité de Transcarpatie, où ils sont déjà fortement discriminés. En mai, elle a rendu ses conclusions : « Rien ne prouve que les Roms aient acheté des passeports ukrainiens pour obtenir illégalement le statut S et se réfugier en Suisse. De toute évidence, les débats actuels sont teintés de stéréotypes et de préjugés racistes et discriminatoires à l’égard des Roms. C’est inquiétant, car les Roms, déjà stigmatisés en Ukraine, continuent de l’être en Suisse.»
La commission conclut : « Les Roms ukrainiens ont droit à la même protection que tous les autres Ukrainiens. Le SEM doit naturellement évaluer au cas par cas que les conditions d’obtention du statut S sont remplies et qu’il n’y a pas d’abus, qu’il s’agisse des Ukrainiens issus des communautés roms ou de la population majoritaire.
La Commission calme le jeu
En octobre dernier, la Commission des institutions politiques de l’État a pris position à l’initiative du canton de Saint-Gall : « La commission a entendu et partage les préoccupations exprimées par le canton de Saint-Gall. Elle est particulièrement sensible aux difficultés auxquelles sont confrontées les communes en raison de la forte rotation des bénéficiaires du statut S, avec des départs et retours fréquents qui créent des problèmes en termes de logement et de scolarisation des enfants.
Sa majorité recommande cependant de ne pas le soutenir. Elle estime que la portée du texte saint-gallois n’est pas claire : « On ne sait pas ce qui est censé arriver aux personnes ayant déjà obtenu le statut S. Une suppression de ce statut pour les personnes se trouvant déjà en Suisse créerait une grande insécurité juridique et donnerait lieu à un travail administratif très important.
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