Vendredi 15 novembre, deux proches conseillers de Marine Le Pen ont été reçus à Matignon pour un petit-déjeuner. Il y avait Renaud Labaye, secrétaire général incontournable du groupe Rassemblement national à l’Assemblée, flanqué d’Ambroise de Rancourt, directeur de cabinet du leader frontiste. C’est lui qui a initié la réunion par l’intermédiaire de François Bolard, chef du service budgétaire de Michel Barnier. L’énarque souverainiste le connaît depuis plusieurs années. Quant à Renaud Labaye, ses relations sont fluides avec le conseiller aux affaires parlementaires du Premier ministre, Matthieu Labbé, que le Saint-Cyrien fréquentait lorsqu’il travaillait à Bercy.
L’échange fut donc courtois mais franc. Les émissaires lépénistes relayèrent l’irritation qui montait dans leurs rangs. L’examen des lois de finances pour 2025 est entré dans sa dernière ligne droite et le RN s’estime abandonné par ce gouvernement. Marine Le Pen n’est, à ce jour, toujours pas contactée par les équipes de Michel Barnier. Que ce soit le « lignes rouges » édictées le 1er octobre par l’élu du Pas-de-Calais ou des propositions inscrites dans le « contre-budget » du parti à la flamme, l’exécutif n’y a prêté que peu d’attention jusqu’à présent. “Ils suivent une logique très infantilisante” se plaint un stratège nationaliste. La rencontre du 15 novembre a débloqué celle prévue demain entre le Savoyard et son premier adversaire – posté, pour l’instant, et c’est là tout le dilemme.
Censure gouvernementale : Marine Le Pen accentue la pression sur Michel Barnier
Their tête-à-tête (to which Jean-Philippe Tanguy, the « Monsieur Economie » du parti populiste), cela va-t-il changer l’air ? Depuis deux semaines, le Rassemblement national menace de plus en plus fort de renverser le gouvernement Barnier. Elle aura au moins trois opportunités d’ici l’hiver : les votes définitifs du projet de loi de finances, du projet de loi de financement de la Sécurité sociale et de la loi de fin de gestion pour 2024. A chaque fois, la gauche déposera définitivement une motion de censure. S’il vote au complet, l’apport de 125 voix du RN suffira à atteindre la majorité.
Cette musique s’est amplifiée depuis les réquisitions accablantes du parquet de Paris dans le procès des assistants parlementaires européens du FN. Le mouvement d’extrême droite est accusé d’avoir détourné près de 5 millions d’euros auprès des contribuables pour rémunérer son personnel permanent. Marine Le Pen saura début 2025 si elle est condamnée, en première instance, à une peine d’inéligibilité assortie d’une exécution provisoire. Autrement dit, immédiat.
Le triple candidat à la présidentielle et Jordan Bardella ne sont peut-être pas corrélés, mais ces deux échéances sont étroitement liées. « Une nouvelle doit en chasser une autre » commente un ami de Marine Le Pen. Un conseiller du chef du parti, bien que opposé à la censure, reconnaît qu’une chute du gouvernement à l’issue des débats budgétaires pourrait « reléguer le procès au second plan ». À celle, plus fondamentale, de l’électorat, s’ajoute la pression judiciaire. Dès fin octobre, plusieurs membres du groupe frontiste au Palais-Bourbon ont exprimé leur inquiétude : la stratégie de maintien du gouvernement “sous surveillance”, contraster avec La France insoumise et obtenir des gains politiques, est de moins en moins compris par la base.
Quelqu’un comme Philippe Lottiaux, député de la circonscription de Saint-Tropez (Var), a vite remarqué le phénomène. “Au départ, j’étais favorable à l’absence de censure, expliquait récemment l’élu, mais si nous avons un budget qui frappe les communautés, surtaxe l’électricité, augmente notre contribution à l’Union européenne… à un moment donné, ça ne marche pas. En désaccord sans le montrer, je ne peux plus le vendre sur le terrain. »
Les courts mémoires de Jordan Bardella
Le phénomène se vérifie dans les sondages. Selon l’enquête réalisée par Ipsos pour Dimanche à la Tribune sur le sujet, 67% des sympathisants du RN souhaitent qu’une motion de censure soit adoptée à l’Assemblée nationale. Le même institut notait, dans son baromètre du 9 novembre, une hausse significative de l’impopularité de Michel Barnier au sein de la base mariniste. Cela explique le zèle de ses représentants dans les médias ou sur les réseaux sociaux.
Il faut cependant scruter le choix des mots : de Sébastien Chenu à Laure Lavalette, tout le monde manie l’équivoque. Le locataire de Matignon prend “le chemin” ou “le chemin” censure, expliquent-ils, laissant ainsi la porte ouverte aux négociations. Lorsqu’il rencontre Arnaud Danjean, le bras droit de Michel Barnier, à bord du Thalys qui les ramène de Bruxelles il y a une dizaine de jours, Jordan Bardella fait baisser la température : “Certains en font des boîtes…”
Car l’eurodéputé, en opposant virulent qu’il est, cherche aussi à séduire une France soucieuse de la stabilité des institutions et surtout des marchés. L’entourage de Marine Le Pen brandit plusieurs cloches, entre le radicalisme antisystème de Philippe Olivier, son beau-frère, et la tempérance de François Durvye, un investisseur proche des milieux d’affaires et du milliardaire réactionnaire Pierre-Édouard Stérin – qui finance le projet Périclès, un dispositif visant à favoriser l’union des droites libérales et nationalistes et, à terme, leur accession au pouvoir.
“Il est trop tôt pour censurer, juge une huile du réseau Lepéniste. Si on se retrouve avec Lucie Castets ou son petit frère à Matignon, les Français reprocheront à Marine pour l’éternité. Il faut être législateur, négocier trois ou quatre choses avec Bercy… voire hors Bercy. » Des contacts ont lieu notamment avec le ministère de l’Intérieur, où les attentes frontistes en matière d’immigration sont d’autant plus facilement respectées qu’elles sont largement partagées par Bruno Retailleau.
Le problème est que ses premiers textes n’arriveront pas au Parlement avant janvier ou février. D’où la tentation de certains, autour de la tête des députés RN, de dégainer vite, sachant qu’Emmanuel Macron ne parviendra pas à dissoudre la chambre basse. Et aussi qu’un échec de l’expérience Barnier pourrait se répercuter sur un chef d’État affaibli. Comme Marine Le Pen risque de l’être à cause de son calendrier judiciaire…
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