Sarah*, 34 ans, peine à quitter sa maison. Elle ne peut pas travailler. Ni étudier. Ils utilisent encore moins les toilettes publiques. Son trouble obsessionnel compulsif (TOC) l’amène à craindre de tomber malade et de contaminer son entourage. Pour tenter de vaincre ses peurs, elle participera à une thérapie de groupe intensive d’une semaine – une première dans le réseau de la santé au Québec.
Lundi, huit patients seront reçus dans une chambre de l’Institut Allan Memorial, en bordure du Mont-Royal. Ils y passeront la semaine, de 9h à 17h, sous la supervision de cinq thérapeutes. Leur programme alternera entre séances de groupe et consultations individuelles.
«Je suis à un point où j’ai besoin de quelque chose qui me poussera hors de la maison. Je suis vraiment nerveux, mais je ne veux pas laisser la peur m’envahir. Je veux le faire », dit Sarah.
Ce projet pilote du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), inspiré d’initiatives déjà mises en œuvre aux États-Unis et en Norvège, s’adresse aux patients souffrant de TOC sévères. « Ce sont des patients réfractaires aux autres traitements », explique la psychologue de la clinique des troubles de l’humeur et de l’anxiété du CUSM Catherine Ouellet-Courtois.
Le TOC est un trouble caractérisé par des pensées intrusives, appelées obsessions, et des comportements répétitifs, appelés compulsions, que la personne adopte pour soulager son anxiété.
La plupart du temps, les patients sont conscients que leurs obsessions n’ont aucun sens, mais ils ne peuvent s’empêcher d’y croire et d’y adhérer.
Catherine Ouellet-Courtois, psychologue à la Clinique des troubles de l’humeur et de l’anxiété du CUSM
Environ 1 à 2 % de la population est touchée par le TOC. «On peut estimer qu’il y a entre 80 000 et 170 000 personnes qui pourraient être touchées au Québec», illustre la psychologue.
Les participants au programme présentent différents types de TOC : certains craignent la contamination, d’autres ont des pensées superstitieuses, craignant qu’un événement grave n’arrive à un proche si le rituel n’est pas réalisé. D’autres ont un TOC de symétrie, ce qui les amène à réorganiser les objets de manière spécifique, ou à vérifier le TOC, par exemple en s’assurant à plusieurs reprises que la porte est verrouillée.
“Je me suis figé”
Sarah est hantée par la peur de causer involontairement du mal aux autres. Sa peur a commencé en 2018, alors qu’elle était assistante dans une pharmacie. « J’étais chargé de compter les comprimés et j’étais très stressé par ce travail : est-ce que je dispensais le bon produit ? Cela pourrait-il nuire à quelqu’un ? »
Puis, avec l’arrivée de la pandémie de COVID-19, son état s’est aggravé.
J’ai entendu aux informations qu’il fallait faire attention aux autres. Ne pas sortir si vous toussez légèrement. J’avais très peur de sortir et de faire quoi que ce soit qui puisse nuire à qui que ce soit.
Sarah*, patiente atteinte de TOC sévère
Elle a arrêté de sortir. Elle restait à la maison et ne quittait la maison que si son mari l’accompagnait. « S’il me laissait tranquille une seconde, je me figeais. Est-ce que je propage des germes ? Vais-je faire du mal à quelqu’un avec mes germes ? », se souvient-elle.
Depuis deux ans, elle suit une thérapie individuelle chaque semaine, ce qui a contribué à améliorer son état. Aujourd’hui, elle parvient à sortir, mais elle n’est toujours pas prête à reprendre le travail ou à fréquenter certains lieux publics.
“J’ai raté tant d’années d’expérience”
Les patients qui participeront au programme, âgés entre 20 et 50 ans, souffrent d’une maladie similaire à celle de Sarah. «Ils sont souvent en arrêt de travail ou n’ont jamais pu accéder au marché du travail», explique M.moi Ouellet-Courtois. Leur TOC peut également interférer avec leur capacité à entretenir une relation amoureuse.
Chaque participant a préparé une liste d’une vingtaine d’expositions qu’il souhaite réaliser au cours de la semaine thérapeutique. Les participants devront en réaliser quatre par jour, avec ou sans le soutien d’un thérapeute.
« Ils pourront piocher dans leur liste et choisir ce qu’ils se sentent à l’aise de faire. Ils ne seront jamais obligés de faire une exposition», précise la psychologue.
Pour Sarah, les objectifs incluent l’utilisation des toilettes publiques, faire du shopping et se rapprocher du bâtiment de chimie de l’Université McGill. « J’ai raté tant d’années d’expérience. Je veux retourner aux études et obtenir mon doctorat en chimie. »
“J’espère que nous verrons qu’il est bénéfique pour les gens d’avoir une formule thérapeutique intensifiée”, déclare M.moi Ouellet-Courtois. Cependant, la thérapie reste un projet pilote et des ajustements peuvent être nécessaires. «Peut-être réaliserons-nous que deux semaines de thérapie intensive auraient été plus utiles», estime la psychologue.
Un mois après le programme, les participants se réuniront en groupe pour évaluer si leurs progrès se sont maintenus ou s’il y a eu une rechute. Sarah est fiévreuse. « J’ai hâte de voir ce que cela va m’apporter. »
*Le prénom du patient a été modifié pour des raisons de confidentialité.
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