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« Le président a de fortes chances d’obtenir la majorité »

Au Sénégal, c’est la dernière ligne droite avant les élections législatives cruciales convoquées dimanche 17 novembre par le président Bassirou Diomaye Faye, qui a dissous l’Assemblée nationale en septembre pour demander aux Sénégalais de lui donner la majorité et les moyens d’agir. Babacar Ndiaye, analyste politique et directeur de recherche au think tank Wathi est notre invité. Répond aux questions d’Esdras Ndikumana.

RFI : Babacar Ndiaye, pensez-vous que Pastef et son Premier ministre Ousmane Sonko, qui mène cette campagne, ont de bonnes chances d’être suivis par les électeurs sénégalais et d’obtenir la majorité qu’il leur demande ?

Babacar Ndiaye: Dans l’histoire politique du Sénégal, le président élu a toujours obtenu la majorité à l’Assemblée nationale. Et, le 24 En mars, comme vous le savez, le Président Diomaye Faye, après avoir été acclamé par les Sénégalais avec son 54%, oui, il y a de fortes chances qu’il obtienne la majorité absolue sept mois après cette élection présidentielle. D’autant plus que, comme vous le savez, il a décidé il y a deux mois de dissoudre l’Assemblée nationale, au sein de laquelle il ne disposait pas de majorité. Il y a donc, j’allais dire, une forme de cohérence dans tout cela. Il y a donc évidemment de fortes chances qu’il parvienne à obtenir cette majorité.

Quels sont les arguments du camp présidentiel pour convaincre les Sénégalais de voter pour eux ?

Je crois que la campagne du camp présidentiel est entrée dans une forme de continuité avec celle des élections présidentielles, avec un débat toujours centré sur la bonne gouvernance, dans la gestion des biens publics, sur la nécessité de rendre des comptes. Mais au fond ce qui est intéressant à observer dans ces élections législatives, c’est le Premier ministre Osmo Sonko, qui est également tête de liste du parti présidentiel, donc Pastef. Dans les zones ciblées où il s’est rendu, il a élaboré le programme prévu par zone en fonction du nouveau cadre de politique publique, donc le nouveau programme, l’agenda national de transformation. 2050, « Sénégal 2050 « . Et dans ces domaines il a pu parler d’infrastructures, d’économie, d’éducation, de création d’emplois… Bref, ce que fera le gouvernement dans ces différents domaines. Bien évidemment, les questions économiques, politiques ou encore de souveraineté alimentaire ont également été au centre de son discours. Alors peut-être que ce sont des sujets, des éléments qui peuvent intéresser les populations et qui peuvent aussi être une forme d’écoute. Et puis, cela peut aussi lui permettre, pourquoi ne pas voter pour ce côté-là.

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Face à Pastef, nous avons donc une opposition divisée avec au moins trois grandes coalitions, dont une dirigée de loin par l’ancien président Macky Sall. Quels thèmes proposent-ils pour tenter de convaincre la population de les choisir ?

La campagne n’est pas encore terminée, il reste encore quelques jours. Mais force est de constater que l’on a assisté à une opposition frontale, notamment contre Ousmane Sonko, qui est la tête de liste du pouvoir. Et personnellement je m’attendais à de vrais débats de fond, des débats de fond sur le nouveau cadre, sur les politiques publiques lancées par le gouvernement. Je m’attendais donc à des analyses approfondies, des débats sur les choix économiques, l’éducation, la santé ou encore l’emploi des jeunes. Bref, de vrais débats sur le programme présidentiel. Mais surtout nous avons eu beaucoup de polémiques, et je dois dire que nous n’avons pas eu de débats de fond, qui de toute façon étaient annoncés, qui devraient avoir lieu. Surtout, nous avons reçu beaucoup de critiques, notamment envers un pays qui se trouve dans une impasse après la présence de Diomaye Faye et Ousmane Sonko au pouvoir. Alors voilà, je pense que nous aurions pu avoir un débat beaucoup plus ciblé sur ce qui intéresse réellement les Sénégalais, notamment l’économie, l’éducation, la santé et surtout l’emploi des jeunes, et pourquoi pas, aussi l’immigration. Alors là, ces enjeux qui n’ont pas lieu, pourraient vraiment intéresser les populations.

À cet égard, qui les Sénégalais tiennent-ils pour responsable de l’inertie constatée après les élections présidentielles d’avril ? Diomaye Faye et Pastef ou l’opposition qui contrôlait jusqu’ici l’Assemblée nationale ?

Je ne sais pas si on peut parler d’immobilité. Nous sommes encore dans les premiers mois du mandat. Bien sûr, cela pourrait être l’argument de l’opposition. Mais au cours de ces premiers mois, nous avons dû faire face à des phases de nomination du nouveau gouvernement, des conseillers et des présidents des conseils d’administration. Il y avait donc cette phase de transmission dans la gestion des dossiers. Évidemment, nous avons également assisté à un conflit entre le parti au pouvoir et les différents partis d’opposition, notamment à l’Assemblée. Rappelons-nous, en juin, ce refus de discuter justement de l’orientation budgétaire parce qu’il y a eu une discussion que nous avons eue à l’Assemblée nationale. Il y a eu aussi cet épisode lié à la déclaration de politique générale. Voilà, ce sont ces éléments, finalement, qui ont poussé le président… Sans oublier, j’allais presque oublier, la volonté du président de supprimer au niveau de la Constitution deux institutions qu’il jugeait coûteuses en budget. Et voilà, je crois toujours qu’au cours de ces sept mois, il y a eu de très nombreux éléments. Maintenant, je crois qu’aujourd’hui, avec détermination, les Sénégalais se dirigeront vers les élections législatives et indiqueront désormais de quel côté se tenir et sur la base de tout ce que nous avons eu ces derniers mois.

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Macky Sall, resté prudemment à l’abri au Maroc, l’ancien chef de l’Etat ne joue-t-il pas la carte du sang-froid en prenant la tête de la campagne électorale d’une coalition divisée en deux par les élections présidentielles d’avril ?

Le choix de l’actuel Macky Sall, qui a décidé de se lancer dans une carrière internationale, comme chef de sa coalition est, à mon sens, un peu surprenant. Il est revenu à la politique au bout de six mois, même s’il faut le dire, il est resté à la tête de son parti. Et puis, à mon sens, c’est l’éternelle question des partis qui ne peuvent guère exister en dehors de la figure tutélaire du fondateur, surtout après la perte du pouvoir. Le président Macky Sall se lance donc dans une nouvelle bataille en faisant avancer cette liste, et nous verrons, au soir du 17 novembre, si ce choix de conduire cette liste sera un choix rentable. Et nous voilà au dernier jour de la campagne électorale, il n’est pas sur place, au Sénégal, comme les autres dirigeants et coalitions. Et donc, ce sont des choix encore surprenants dans cette campagne. D’autant plus qu’il gère cette campagne à distance.

L’ancien premier ministre de Macky Sall, Amadou Ba, a dressé sa liste pour les législatives. Pensez-vous qu’il puisse s’en sortir face à cette opposition divisée ?

Amadou Ba est arrivé deuxième aux élections présidentielles avec 35%, faut-il le rappeler. Et depuis ces élections, lui aussi a fait des choix, il a choisi de suivre sa propre voie en quittant l’ancienne coalition gouvernementale, donc en quittant l’APR. Il a créé son propre mouvement politique qui s’est également allié au Parti socialiste, qui l’a rejoint dans sa coalition, mais aussi à d’anciens dirigeants et ministres de l’APR qui ont rejoint sa coalition. Et ce sera pour moi l’occasion de voir combien Amadou Ba pèse en terme de poids électoral avec ces législatives. Même si nous ne sommes pas aux élections présidentielles, nous sommes aux élections législatives et le mode de vote est différent.

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La politique diviser pour régner, tentée par Ousmane Sonko en choisissant de discuter uniquement avec Amadou Ba, peut-elle fonctionner ?

Il me semble que l’intérêt d’un débat avec Amadou Ba était dicté par deux choses. Et c’est dommage que ce débat n’ait pas eu lieu. D’abord parce qu’Amadou Ba est arrivé deuxième aux élections présidentielles avec 35% et surtout parce qu’il a été le dernier Premier ministre de Macky Sall. Rappelons qu’il fut également ministre de l’Économie et des Finances. C’est donc le fait que ce soit lui qui ait matérialisé d’une certaine manière la primauté du président Macky Sall, qui a peut-être poussé le Premier ministre Ousmane Sonko à vouloir débattre avec un interlocuteur comme Amadou Ba.

Selon vous, ces élections législatives pourraient-elles se résumer à un match retour entre le camp Diomaye Faye-Ousmane Sonko et celui de Macky Sall ? Ou Amadou Ba et le maire de Dakar, par exemple Barthélémy Dias, peuvent-ils créer la surprise ?

En tout cas, nous avons quatre pôles principaux, cela semble se dégager. Nous avons évidemment Pastef, nous avons la coalition de Macky Sall avec un allié extraordinaire qui est le PDS, nous avons Amadou Ba, comme vous l’avez indiqué, et enfin nous avons aussi cette coalition dirigée par le maire de Dakar, Barthélémy Dias. Nous pensons donc que ces quatre grandes coalitions sont les plus importantes. Mais il ne faut pas oublier que lors de cette élection, nous avons 40 listes, comme dans le cas des élections présidentielles, avec des candidats qui ont obtenu des scores très faibles, qui ne correspondent pas à leur statut. Alors là, je crois que le 17 novembre nous montrera le choix des Sénégalais et nous aurons une lecture beaucoup plus claire de la tendance et, évidemment, du positionnement de chacun par rapport au vote sénégalais.

Au-delà de la majorité que tente de conquérir leur camp présidentiel, quel est selon vous l’enjeu de ces élections législatives ?

Comme vous l’avez souligné, l’enjeu est évidemment d’obtenir la majorité absolue. Une majorité, j’allais le dire, pour initier les réformes promises dans le domaine de la justice, dans le domaine de la bonne gouvernance, avec la création de cette Haute Cour de Justice à l’Assemblée nationale pour les prétendus scandales financiers qui auraient touché les anciens ministres et autres. Mais plus généralement, j’allais dire que l’enjeu est d’avoir une Assemblée qui ait aussi à cœur les intérêts des Sénégalais avec des débats de qualité. Et aujourd’hui, au Sénégal, certains veulent une Assemblée nationale qui rompt avec ses différents compartiments, avec des députés qui sont là pour s’intéresser aux préoccupations des Sénégalais, qui sont aussi capables de présenter des propositions législatives dans le sens de l’intérêt des Sénégalais. les Sénégalais, mais aussi de manière plus fondamentale en suivant l’action du gouvernement par rapport aux réformes engagées. Voici donc les problèmes. Mais évidemment l’enjeu principal reste la volonté du pouvoir de disposer de cette majorité absolue pour engager les réformes promises aux Sénégalais. Et c’est aussi cela qui, d’une certaine manière, a fait pencher la balance lors des élections présidentielles avec cette victoire au premier tour du président Diomaye Faye.

Mais on peut aussi dire qu’il y a une reconfiguration du champ politique qui va s’opérer lors de ces élections législatives.

Oui, évidemment je crois qu’en fonction des résultats, il y aura forcément une nouvelle configuration. Car, après les élections présidentielles, il y a eu un renouveau. Il y en a qui, par la force des choses, sont plus en retard sur le terrain politique. On a l’impression qu’une nouvelle génération est également en train d’émerger et donc, à ce niveau, les résultats permettront aussi de voir si on est dans une nouvelle dynamique en termes de positionnement et de posture. Même si lors de ces élections législatives, nous avions encore des coalitions qui posaient des questions. Nous avons vu d’anciens partis qui s’affrontaient directement sur des positions totalement opposées former des coalitions. Les Sénégalais ont donc aussi été parfois spectateurs de ces coalitions que nous avions du mal à imaginer il y a encore quelques années. Alors, évidemment, cette reconfiguration dont vous parlez commencera peut-être après ces élections législatives. Mais de nombreux candidats et partis mettent évidemment leur avenir politique en jeu également à travers ces élections législatives.

 
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