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“Je connais des gens qui partent camper trois mois pour financer leur logement”, assure Iñaki Echaniz

Jeudi 7 novembre, l’Assemblée nationale a définitivement adopté le projet de loi « renforçant les outils de régulation des meublés de tourisme au niveau local ». Le texte, porté par la députée Renaissance du Finistère Annaïg Le Meur et sa collègue socialiste des Pyrénées-Atlantiques Iñaki Echaniz, a voyagé pendant deux ans, croisé quatre ministres du Logement et a survécu à une dissolution. Il réduit l’avantage fiscal des meublés de tourisme et étend le pouvoir des maires pour préserver les résidences principales (lire par ailleurs).

Nouveau Front populaire, macronistes et républicains : comment une telle majorité a-t-elle été possible sur ce texte ?

Parce que c’était un combat profondément ancré dans les territoires, où l’on mesure la crise du logement. J’ai initié une première question sur ce sujet des meublés de tourisme dès juillet 2022, car c’était le sujet que je voyais monter au Pays Basque. Avec le groupe socialiste nous avons déposé un premier texte en janvier 2023. Début février, la présidente du groupe Renaissance Aurore Bergé s’est déclarée favorable à une réforme de l’avantage fiscal pour « Airbnbs » (1). C’était lors d’une conférence de la Fondation Abbé Pierre. Nous l’avons prise au mot. Renaissance était réticente à introduire une loi mais s’est dite prête à ce que nous travaillions ensemble. J’ai eu 24 heures d’hésitation à travailler avec ceux auxquels je m’opposais au sein de Nupes, mais cela en valait la peine.

Il ne manque plus que le Rassemblement national. Sur les 54 députés qui ont voté contre le projet de loi, 51 sont issus du RN…

C’est révélateur de l’arnaque sociale qu’est l’extrême droite. Il est intéressant de constater que le discours d’Alexis Jolly, qui s’est exprimé au nom du RN sur le texte, ressemble presque mot pour mot à la note blanche distribuée par Airbnb au moment de la discussion du texte en commission paritaire paritaire. Mais je sais aussi que certains dans le groupe RN remettent en question cette position.

Parleriez-vous d’une victoire politique, voire idéologique, la contrainte du marché n’étant pas une inclination de la Renaissance ou des Républicains ?

C’est vrai que nous sommes ancrés dans un noyau d’idées de gauche, de lutte contre la financiarisation et la spéculation sur le logement, pas vraiment dans les conceptions naturelles de la droite libérale ou du macronisme. Mais ce texte était motivé par la réalité de la crise du logement.

Elle maintient une réduction d’impôt de 50 % sur les revenus des hébergements touristiques classés, tandis que les locations à l’année doivent encore se contenter de 30 %. Le sujet est-il clos ?

C’est une première victoire. L’essentiel était les progrès réglementaires. Mais oui, j’aurais préféré maintenir la réduction à 71 % pour les gîtes ruraux et chambres d’hôtes, mais aligner les meublés classés sur la location longue durée. Nous espérons encore avancer sur la fiscalité des loyers nus avec la loi de finances.

Pourquoi ne pas envisager des incitations fiscales pour les locations à l’année ?

Bien sûr. Je suis pour un choc budgétaire dans ce sens. Sauf que nous sommes dans de grandes contraintes budgétaires avec le déficit que nous a laissé Bruno Lemaire.

Les maires pourront réduire à 90 jours la possibilité de louer sa résidence principale en meublé de tourisme. Mais qui peut se passer de son logement pendant trois mois ?

Cela paraît beaucoup, mais certains ont obtenu des prêts et ont pu devenir propriétaires de leur résidence principale en s’engageant auprès de leur banque à en tirer des revenus locatifs. Je connais des gens qui font du camping trois mois par an pour financer leur logement.

Ce mode de financement spéculatif est donc approuvé ?

Il s’est implanté dans des zones de tensions immobilières mais il est illégal. Il faut arrêter ça à l’avenir, sinon c’est une embolie spéculative. Les 90 jours au lieu de 120 vont dans ce sens.

Votre projet de loi pousse à la décentralisation de la politique du logement. Faut-il renforcer les intercommunalités en tant qu’autorités organisatrices de l’habitat (AOH) ?

Je suis un profond décentralisateur, même s’il faut garder un cadre national. La loi autorise les AOH mais il faut leur en donner les moyens, sinon ils resteront des coquilles vides. Mais cela pourrait être un piège, l’État pourrait y voir un moyen de se débarrasser des logements d’urgence et de cesser de les financer.

Etes-vous favorable à une augmentation des droits de mutation sur les résidences secondaires ?

Nous devons profaner le droit à la propriété. Nous avons le droit d’avoir une résidence secondaire mais cela n’est pas sans conséquences localement. J’ai discuté avec Jean-Félix Acquaviva (conseiller à l’assemblée de Corse, NDLR) qui a instauré l’impôt sur les plus-values ​​exceptionnelles dans les zones tendues de Corse. L’amendement de Peio Dufau (député de la gauche Abertzale des Pyrénées-Atlantiques, NDLR) sur les « culbutes spéculatives » va dans ce sens (2).

Allez-vous défendre un statut de résident, qui lie le droit d’acheter un logement au fait d’y vivre ?

Sur le principe fondamental, je ne suis pas contre. Mais le principe de servitude contenu dans le projet de loi que nous avons adopté, avec des zones réservées à la création de résidences principales dans les PLU, est déjà une forme d’urbanisme maîtrisé.

Faut-il assouplir le principe du zéro artificialisation nette (ZAN) face à la crise du logement ?

Je partage l’objectif de préserver les terres, notamment agricoles, de l’artificialisation. Mais nous avons un problème de modalités. On ne peut pas mettre les territoires sururbanisés sur le même plan que d’autres territoires ruraux, plus vertueux en termes d’artificialisation. Les derniers se retrouvent avec la double peine. Quand un maire de Soule me dit qu’il n’a pas construit depuis dix ans mais qu’un jeune de son village ne pourra pas construire sa maison, ce maire a le sentiment de payer pour Bordeaux.

La réduction du loyer solidaire (RLS) par laquelle les bailleurs sociaux compensent la baisse des APL fragilise fortement l’investissement dans le logement social. Faut-il mettre un terme à cette mesure ?

C’est une véritable erreur de la politique macroniste. Il ne faut pas oublier que 70 % de la population est éligible au logement social. On sait que Bercy n’invalidera pas le RLS mais nous nous battons pour une restitution de 200 à 300 millions aux bailleurs sociaux. La ministre du Logement, Valérie Létard, est d’accord avec cela.

La considérez-vous comme une alliée ?

C’est à mes yeux l’une des rares bonnes nouvelles du gouvernement Barnier. Dans le passé, elle a défendu des positions proches des nôtres. Parviendra-t-elle à les conserver comme ministre et surtout à remporter les arbitrages de Bercy ? Dans tous les cas, nous l’accompagnerons quand cela nous semblera opportun.

(1) Du nom de la principale plateforme de location de meublés touristiques, souvent nommé pour désigner l’ensemble de ce type de location.
(2) Adopté en première lecture dans la loi de finances, il prévoit de taxer plus lourdement les plus-values ​​immobilières « élevées ».

Principales mesures

A ce jour, les locataires de meublés de tourisme non classés appliquent une réduction d’impôt de 50 % sur les revenus de cette activité, dans la limite de 77 000 euros. Ceux qui louent un logement meublé dit « classé », avec un niveau de prestation supérieur, peuvent déduire 71 % dans la limite de 188 000 euros. Le bailleur classique d’appartements « nus », qui propose un hébergement longue durée aux familles, est limité à 30 %. Le projet de loi réduit la première catégorie à 30 %, jusqu’à 15 000 euros, la seconde à 50 %, jusqu’à 77 700 euros. Les gîtes ruraux et les maisons d’hôtes entrent dans cette dernière strate.
Le texte étend également le pouvoir des maires. Les communes pourront établir des quotas de meublés de tourisme par secteur et désigner dans les plans locaux d’urbanisme (PLU) des zones réservées à la construction de résidences principales. Autre nouveauté pour les élus locaux : abaisser de 120 à 90 jours la possibilité maximale de louer sa résidence principale en hébergement touristique.

 
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