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« Une taxe de 9,50 euros ne déstabilise pas le secteur aérien » (François Durovray, ministre des Transports)

LA TRIBUNE – Le renforcement de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA, dite « taxe Chirac »), a suscité de vives réactions de la part du secteur aérien. Existe-t-il, comme l’affirme ce dernier, un risque de limiter la croissance du trafic, voire de réduire le nombre de passagers ?

FRANCIS DUROVRAY – Cette taxe s’explique dans un contexte où il faut lutter, comme l’a dit le Premier ministre, à la fois contre la dette budgétaire et la dette climatique. Nous avons abandonné l’idée d’une TVA, qui n’aurait touché que les compagnies aériennes françaises et aurait pénalisé nos destinations touristiques, pour nous concentrer sur la taxe de solidarité sur les billets d’avion en distinguant les différents types de vols selon les destinations et les catégories de prestations.

Je ne pense pas que, pour les vols en Europe, une taxe de 9,50 euros remette en cause la balance. Ainsi que 120 euros sur un Paris-New York en classe affaires, tarifé à plusieurs milliers d’euros. Et je fais toujours la comparaison entre le prix du billet de train et le prix de certains billets d’avion : beaucoup de Français ne comprennent pas pourquoi le premier est plus cher que le second dans le cas d’un certain nombre de compagnies aériennes low-cost. frais. Ce surcoût de 9,50 euros restera résorbable par rapport au prix du billet.

Taxe sur le transport aérien : la bataille des chiffres est lancée

Est-ce la même chose pour les jets d’affaires, où les montants peuvent aller jusqu’à 3 000 euros par passager ?

J’ai encore les dernières discussions sur l’aviation d’affaires afin de consolider le modèle.

Existe-t-il encore des possibilités de développement ou l’objectif du milliard d’euros généré par le renforcement de cet impôt est-il gravé dans le marbre ?

Une proposition est sur la table et je fais confiance au Parlement pour éventuellement la modifier dans le cadre que nous avons défini. Le Premier ministre a demandé à chacun de faire des efforts et de respecter le cadre budgétaire. Nous avons ensuite pu faire évoluer le cadre sur les modalités d’application. Tous mes collègues et moi avons discuté avec nos secteurs respectifs pour tenter de trouver le format le plus adapté.

La taxe de solidarité sur les billets d’avion a été créée pour financer le Fonds de solidarité pour le développement (FSD) et aider les pays les moins favorisés. Ce signe disparaît avec le PLF 2025. A quoi va servir le produit de cet impôt renforcé ? Et la part dite « éco-contribution », destinée à financer la régénération du réseau ferroviaire, est-elle préservée ?

Le secteur des transports contribue au budget de l’État, comme les autres. Il est normal qu’il finance l’éducation, la défense et d’autres services publics qui n’ont aucun revenu. Mais le soutien budgétaire au FSD et aux pays les moins favorisés sera maintenu – il se trouve que notre loi organique ne nous permet plus d’orienter les recettes vers des objets qui n’ont aucun lien avec eux.

Ce que je veux, c’est faire en sorte que l’on maintienne un équilibre entre les ressources générées par les transports et la mobilisation de l’État pour financer les infrastructures, accompagner le secteur et sa décarbonation. Au cours des dernières années, l’écart s’est creusé entre les recettes et les dépenses assurées par l’État et il faut à terme revenir à une trajectoire assumée par l’ensemble du secteur.

La part de l’éco-contribution reste orientée vers l’Agence française de financement des infrastructures de transport.

Taxes sur les billets d’avion : quel impact pour les compagnies aériennes ?

Avez-vous déjà pris position concernant la prochaine révision de la directive européenne sur la fiscalité de l’énergie, qui pourrait potentiellement conduire à une taxation du kérosène ?

La est favorable depuis plusieurs années à une taxation du kérosène au niveau européen dans le cadre de cette directive. Si cette taxation est adoptée, il faudra bien entendu réexaminer le reste de la fiscalité pesant sur le transport aérien.

La privatisation du groupe ADP a été suspendue pour cause de Covid. Dans ce contexte budgétaire, le sujet pourrait-il être remis sur la table ? Notamment avec le changement de gouvernance.

Le sujet était clos à l’époque du Covid. Je trouve légitime que l’on pose la question de la participation de l’État dans certaines entreprises, mais à ce stade ce sujet n’est pas sur la table.

Aéroports de Paris se prépare à ouvrir une nouvelle page de son histoire avec un changement de PDG au début de l’année prochaine. Nous sommes dans la phase de collecte des candidatures. Je veux ici saluer le travail d’Augustin de Romanet qui a transformé le groupe en l’espace de dix ans, et qui l’a fait de façon remarquable. Il a su surmonter une crise sans précédent avec le Covid, préserver les emplois et rebondir. ADP a amélioré la qualité des services aux utilisateurs en France et s’est imposé comme une référence internationale.

La privatisation d’ADP fait des ravages : adieu au jackpot ?

Lors du dernier salon du Bourget, le président de la République a promis 300 millions d’euros par an au Conseil de la recherche aéronautique civile (Corac) jusqu’en 2027, afin de travailler sur des avions décarbonés. Or, ce budget a été réduit de 17 millions d’euros en 2024 et potentiellement de 70 millions en 2025…

La contribution de l’État à la Corac, qui représente un effort important dans la situation budgétaire actuelle, doit à la fois donner de la stabilité à l’action publique et de la visibilité au secteur engagé dans la recherche de solutions. décarboné. Ce qui est en jeu, c’est la capacité de la France à continuer à être un leader mondial dans le domaine de l’aéronautique. Nous finalisons actuellement les derniers arbitrages.

Les programmes de recherche sont nombreux et imprègnent l’ensemble du secteur et pas seulement les quatre grands clients (Airbus, Dassault Aviation, Safran et Thales). Le maintien du soutien de l’État est nécessaire pour que tous ces programmes puissent aller jusqu’à leur terme et pour parvenir à des avions décarbonés.

Comment la France peut-elle accélérer cette décarbonation du secteur ? Se pose notamment la question des carburants durables, SAF, dont les volumes sont actuellement trop faibles et les prix jugés trop chers. Cela passera-t-il par un soutien accru à la production, voire aux achats ?

C’est évidemment un sujet qui me préoccupe et sur lequel j’échange avec Éric Trappier (PDG de Dassault Aviation), Guillaume Faury (président exécutif d’Airbus) et de nombreux acteurs du secteur. Le Premier ministre a évoqué la nécessité d’accélérer sur les biocarburants dans sa déclaration de politique générale. Et ce n’est pas seulement un sujet français, les autres pays de l’Union européenne sont dans une situation assez comparable.

C’est clairement une problématique que je souhaite aborder afin de trouver le bon vecteur pour développer la production de SAF. Les subventions à l’achat font partie de l’éventail des solutions, en tout cas c’est ce qui se fait aux Etats-Unis, qui voient leur production se développer à grande vitesse, mais ce n’est pas la seule. Ce sujet s’inscrit dans un contexte budgétaire contraint, mais il faudra trouver des solutions dans l’année à venir.

Carburants durables : Air France salue les annonces de Macron mais souhaite une aide à l’achat

Il y a aussi des problèmes de souveraineté sous-jacents…

L’objectif est que l’aviation européenne puisse se procurer des carburants durables produits en Europe. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. A l’inverse, les États-Unis ont une longueur d’avance grâce à une mobilisation budgétaire publique, sans commune mesure avec ce qui se fait en Europe.

Il ne faut pas envisager la décarbonisation de l’aviation, et d’autres secteurs, uniquement sous l’angle des contraintes ou des coûts supplémentaires. Aujourd’hui, nous sommes très dépendants de la production d’énergie des pays étrangers. Ce qui a un impact sur notre balance commerciale, sur le pouvoir d’achat des Français avec les crises quand les prix s’envolent, et sur notre souveraineté. La difficulté est de mobiliser le capital au début. Mais une fois cette étape passée, il faut pouvoir produire à des coûts maîtrisés. C’est bon pour la planète, pour le pouvoir d’achat et pour la souveraineté.

Aura Aero obtient 95 millions de l’Europe pour son avion électrique

Vous étiez la semaine dernière à Toulouse pour annoncer l’obtention d’une subvention européenne de 95 millions par la start-up Aura Aéro pour son projet d’avion régional hybride électrique. L’émergence de tels projets pourrait-elle constituer un tournant pour la décarbonation de l’aviation ?

Nous savons bien que l’aviation, comme les autres secteurs industriels, doit opérer un virage pour réussir la transition écologique. Le transport aérien représente 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Avec la production de la moitié des avions dans le monde, la France dispose d’une capacité d’action particulière dans ce secteur. Si nous parvenons à le décarboner, nous réduirons les émissions de gaz à effet de serre davantage que ce que la France émet, qui représente 1 % des émissions mondiales.

Nous avons la chance d’avoir des entreprises très engagées comme Airbus, Thales ou Safran évidemment, mais l’enjeu est global à l’échelle de la filière. C’est pourquoi Aura Aero est très intéressant, avec d’abord un biplace électrique puis, dans quelques années, un avion régional hybride de 19 places. Cela montre qu’il y a des acteurs, des entrepreneurs qui entrent dans ce créneau pour développer des technologies qui joueront un rôle pour l’ensemble du secteur aéronautique et qui, en plus, apporteront des solutions d’aménagement du territoire. Se rendre du Puy à Rennes ou de La Roche-sur-Yon à Dijon sera toujours compliqué en voiture ou en train. Si l’on veut que ces territoires continuent à trouver leur place dans l’espace national, il est important de trouver des solutions adaptées.

 
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