News Day FR

Les citoyens tenus dans le flou

La maison de Paul Dumoulin à Vaudreuil-Dorion n’a jamais été inondée, même lors des crues historiques du lac des Deux Montagnes en 2017 et 2019.

Mais elle est désormais considérée comme située dans une zone à risque « modéré » d’inondation. Résultat : il sera soumis à d’importantes restrictions de la part du gouvernement du Québec.

«Par exemple, si ma maison brûlait, je ne sais pas si je pourrais la reconstruire ici», souligne M. Dumoulin, qui est aussi conseiller municipal depuis plus de 30 ans. “La rue derrière chez moi est encore pire, ils sont en zone rouge [à risque élevé] », constate-t-il.

>

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Conseiller municipal Paul Dumoulin

À Vaudreuil-Dorion, près de 2 000 bâtiments sont désormais situés en zone inondable, selon la nouvelle cartographie imposée par le ministère de l’Environnement. Il s’agit d’une augmentation de 700 %, déplore le maire, Guy Pilon, qui souligne que le changement concerne notamment les écoles, les résidences pour personnes âgées et l’usine de traitement des eaux usées.

« Les personnes touchées sont paniquées », a-t-il déclaré. S’ils ne peuvent plus avoir d’assurance, s’ils ne peuvent plus avoir de prêt hypothécaire, s’il n’est pas possible de rénover, leurs maisons ne vaudront plus rien car elles seront impossibles à vendre. »

Sa ville, comme d’autres dans la même situation, sait quoi faire pour protéger les secteurs vulnérables, assure-t-il, mais Québec refuse d’autoriser ces mesures.

>

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE ARCHIVES

The flooding of Lac des Deux Montagnes in 2019 flooded the golf course of the Club de Voile Deux-Montagnes, in Vaudreuil-sur-le-Lac.

Propriétaires dans le néant

Le problème est que la majorité des nouveaux arrivants dans la zone inondable ne sont pas conscients du changement.

Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, a dévoilé en juin dernier les changements réglementaires qui encadreront ce qui sera permis dans les secteurs susceptibles d’être touchés par les crues des rivières.

L’objectif affiché du gouvernement : cesser de dépenser des millions de dollars pour indemniser les victimes des inondations, qui pourraient augmenter en raison du changement climatique.

Le ministre n’a toutefois pas dévoilé ses nouvelles cartes des zones inondables au moment de lancer sa consultation sur la nouvelle réglementation, qui se termine le 17 octobre. Les citoyens désormais concernés ne savent pas qu’une épée de Damoclès plane au-dessus de leurs têtes.

La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), qui regroupe 82 villes de la grande région de Montréal, a décidé, il y a deux semaines, de distribuer ses propres cartes, conçues selon des critères imposés par le ministère de l’Environnement, pour informer ses citoyens.

  • >

    IMAGE PRISE DE LA CARTE DES ZONES INONDABLES DE LA COMMUNAUTÉ MÉTROPOLITAINE DE MONTRÉAL

    Pierrefonds-Roxboro sur la carte des zones inondables, avec les différents niveaux de risque : faible (jaune), modéré (orange), élevé (rouge) et très élevé (rouge foncé)

  • >

    IMAGE PRISE DE LA CARTE DES ZONES INONDABLES DE LA COMMUNAUTÉ MÉTROPOLITAINE DE MONTRÉAL

    Vaudreuil-Dorion sur la carte des zones inondables, avec les différents niveaux de risque : faible (jaune), modéré (orange), élevé (rouge) et très élevé (rouge foncé)

1/2

Voir la carte du CMM

Mais ailleurs au Québec, rien n’a été diffusé, la majorité des municipalités n’ayant pas l’expertise nécessaire.

Préoccupations

“Nous avons essayé de convaincre le gouvernement que, pour consulter la population sur les textes réglementaires, il fallait que les gens sachent s’ils se trouvent en zone inondable, en ayant accès aux cartes”, a expliqué Nicolas Milot, directeur de la transition écologique. et de l’innovation au CMM jeudi soir dernier, lors d’une séance d’information réunissant plus de 200 personnes à Pierrefonds.

Plusieurs citoyens inquiets ont posé des questions sur les conséquences des nouvelles règles.

>

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Les citoyens se sont interrogés sur les conséquences de la nouvelle cartographie.

« Ma maison est désormais dans un secteur jaune, même si je n’ai jamais été inondée. Peut-on contester ? », a demandé Robert Sanche.

« Notre maison est notre fonds de pension. Y aura-t-il une aide financière du gouvernement pour compenser la perte de valeur ? », a demandé Christian Métivier.

« Pourquoi le gouvernement n’accorde-t-il pas d’aide financière aux villes pour qu’elles investissent dans la prévention ? », a soulevé René Leblanc.

« Comment le gouvernement a-t-il pu présenter un projet aussi important en juin, à la veille des vacances ? a demandé Michèle Boisclair. C’est tellement complexe, c’est impossible de tout comprendre avant le 17 octobre. »

>

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Michele Boisclair

Zones inondables élargies

Un plus grand nombre de bâtiments seront désormais considérés comme situés dans des zones inondables, car les nouvelles cartes tiennent compte des impacts futurs du changement climatique et des effets attendus si les systèmes de gestion de l’eau, comme les barrages hydroélectriques du Québec, ne sont pas utilisés de manière optimale, a expliqué Brent. Edwards, chef d’équipe du bureau de projet de gestion des risques d’inondation de CMM.

Le gouvernement exige également que les risques d’inondation soient pris en compte sur une période pouvant aller jusqu’à 350 ans, au lieu de 100 ans comme c’était le cas auparavant.

>

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Un secteur de Pierrefonds inondé en 2019

Il est donc normal que les zones considérées comme inondables soient plus grandes.

À Pierrefonds-Roxboro, 1 800 immeubles sont touchés, soit une augmentation de 260 %. Parmi ces bâtiments, 70 % n’ont jamais été inondés ou menacés d’inondation, dont une caserne de pompiers, un commissariat de police, le garage des travaux publics et des écoles, note le maire de l’arrondissement, Jim Beis.

« Allons-nous devoir déclarer toute cette zone zone sinistrée ? », demande-t-il.

>

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Jim Beis, maire de l’arrondissement de Pierrefonds-Roxboro

En dévoilant ses modifications réglementaires en juin, Québec estimait que près de 77 000 foyers de la province, où vit 2 % de la population, seraient situés en zone inondable selon les nouvelles cartes, soit trois fois plus qu’actuellement. Pour la CMM, cela représente 15 500 bâtiments.

Restrictions importantes

Selon la nouvelle réglementation prévue par Québec, la construction et la rénovation de résidences sont balisées selon le niveau de risque. Par exemple, un propriétaire situé dans une zone à risque « très élevé » ne serait pas autorisé à construire une nouvelle résidence ou à reconstruire une maison qui a été détruite. Il pourrait cependant procéder à certaines rénovations, comme changer l’endroit où se situe l’entrée électrique ou encore aménager des pièces à l’étage pour rendre sa résidence mieux résistante aux inondations.

Dans la zone à risque « élevé », les nouvelles constructions seraient interdites, sauf exceptions accompagnées d’un plan de gestion des risques. Même dans les zones à « faible » risque, la construction serait interdite dans certaines circonstances et les rénovations seraient soumises à des règles strictes tenant compte d’éventuelles inondations.

Aux citoyens qui s’inquiètent de voir leur propriété perdre de la valeur à cause des nouvelles règles et des nouvelles cartes, Nicolas Milot répond que les conséquences financières proviennent principalement des décisions d’affaires des institutions financières et des assureurs, qui font leurs propres études. et arrivent aux mêmes conclusions concernant les risques accrus d’inondations. Ils refusent déjà d’accorder des hypothèques et d’assurer les propriétés situées dans les zones à haut risque.

>

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Nicolas Milot, directeur de la transition écologique et de l’innovation à la CMM

Québec estime la perte de valeur des propriétés à 4 %, mais les élus soutiennent qu’elle sera beaucoup plus importante.

Alors que devons-nous faire pour ces personnes ? Selon M. Milot, certaines zones très exposées devront être condamnées et leurs habitants relogés.

Mais il souligne que le gouvernement a réduit le maximum accordé par son programme d’aide aux sinistrés à 100 000 $ par propriété, ce qui ne prévoit que 75 millions de dollars pour l’ensemble du Québec, « alors que cette somme ne serait même pas suffisante pour Pierrefonds ». », déplore-t-il.

«Je me sens prise dans une souricière», a déclaré Véronique Viens, lors de l’assemblée publique de Pierrefonds, soulignant qu’elle avait vérifié les risques d’inondation avant d’acheter sa propriété il y a quatre ans.

Protection par les villes

Le secteur municipal souhaite prendre des mesures pour protéger certains secteurs. Selon Nicolas Milot, construire des digues coûterait moins cher que d’indemniser les propriétaires pour quitter les zones à risque.

« Nous sommes capables de protéger 95 % de nos résidents », souligne Jim Beis. Sur 30 kilomètres de berges, nous disposons de 10 lieux vulnérables. En 2019, nous avons investi 1 million pour des mesures de protection temporaires et depuis, nous demandons des solutions permanentes. »

À Vaudreuil-Dorion, le maire Guy Pilon rappelle que, pour éviter une répétition des inondations de 2017, la municipalité a installé deux kilomètres de digues temporaires en 2019, en plus d’envoyer des plongeurs bloquer les égouts pluviaux pour éviter les refoulements.

“Je comprends que le gouvernement ne veuille pas investir davantage d’argent, mais nous laisse nous en occuper”, a-t-il déclaré.

Lisez Qu’est-ce qui attend les propriétaires?

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

Related News :