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Chasser les déracinés avec humanité

Déplacer de force les demandeurs d’asile qui ont placé leurs espoirs au Québec peut se faire avec humanité, estime François Legault.


Publié à 00h57

Mis à jour à 6h00

J’ai relu deux fois l’entretien que le Premier ministre a accordé à mon collègue Tommy Chouinard à la fin de sa mission à Paris avec l’impression d’être confus.

Hélas, non. Même après le tollé quasi unanime provoqué par sa proposition insensée de relocaliser de force la moitié des demandeurs d’asile du Québec vers d’autres provinces, le premier ministre persiste et signe.

«Je pense que cela peut se faire humainement», a déclaré François Legault1.

Si on veut parler d’humanité dans le traitement des demandeurs d’asile, il faudrait peut-être commencer par rappeler qu’on parle ici d’êtres humains qui cherchent protection et non de marchandises qui peuvent être expédiées à Saskatoon ou à Winnipeg comme bon nous semble.

Nous parlons d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont le plus souvent été contraints de quitter leur foyer, fuyant la guerre ou les persécutions.

Un discours populiste qui se développe en Occident tend à les diaboliser. Lundi encore, Donald Trump a parlé d’une « invasion » de migrants qui importent de « mauvais gènes » aux Etats-Unis.2. Chez nous, des commentateurs influents qui semblent avoir l’oreille du Premier ministre importent plutôt de France le spectre de la « submersion » migratoire – une expression chère à l’extrême droite française qui, de manière moins grotesque, mais tout aussi erronée que Trump. , suggère aussi que les sociétés occidentales seraient prises d’assaut par une horde d’étrangers venant profiter de leurs largesses et engloutir leur civilisation. Tout en critiquant la méthode brouillonne de François Legault, certains estiment que le premier ministre a néanmoins le mérite de démontrer que le droit d’asile mène les sociétés occidentales tout droit vers l’autodestruction (sic).

S’il est vrai que le monde connaît le 12e année consécutive un nombre record de déplacements forcés qui apporte son lot de défis aux sociétés d’accueil, dont la nôtre, il manque cruellement de recul pour faire croire que l’Occident est envahi par les demandeurs d’asile. Le fait est que 75 % des personnes déracinées de force dans le monde sont hébergées dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. La majorité tente de survivre dans les pays voisins.

Et aucun pays occidental n’est dans le top 5 les endroits qui, par habitant, accueillent le plus grand nombre de réfugiés ou de personnes en quête de protection.

Sur l’île d’Aruba, en tête de liste des lieux d’accueil les plus importants (par rapport à leur population nationale), selon un récent rapport du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, c’est une personne sur cinq qui a été déracinée contre sa volonté. En tête de cette liste de personnes déplacées, on trouve également le Liban, en raison du grand nombre de réfugiés syriens et palestiniens qui y vivent. Avant les récentes frappes aériennes israéliennes qui ont forcé un grand nombre de personnes à fuir le Liban vers la Syrie, une personne sur six était déplacée de force.3.

Il est également trompeur de suggérer que la majorité des demandeurs d’asile au Canada sont de « faux » réfugiés ou de simples « touristes » qui viennent ici par choix afin de bénéficier de la générosité de l’État. En 2023, près de trois demandeurs sur quatre entendus par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) ont pu démontrer qu’ils répondaient à la définition de réfugié au sens de la Convention des Nations Unies ou de personne à protéger (voir encadré ci-dessous).

Comme vous et moi, ces personnes auraient préféré rester chez elles. Le statut de réfugié est une cicatrice qu’ils n’ont pas choisie. Le but de personne dans la vie n’est de devoir pleurer la perte de son pays et de tout ce qu’il a aimé et de recommencer à zéro dans un pays étranger.

Malgré tout, la majorité d’entre eux finissent par relever le défi et montrer qu’ils sont un bon pari pour la société d’accueil. Au fil du temps, ils contribuent de manière significative à l’économie, rapportant plus d’impôts qu’ils n’en reçoivent en prestations et services sociaux.4.

Je reviens donc aux déclarations de François Legault, selon qui il y aurait une manière « humaine » de chasser vers d’autres provinces des personnes qui, dans leur grande majorité, ont déjà été chassées de leur pays d’origine, fuyant la guerre ou les persécutions. .

Nous convenons que, pour accueillir au mieux les demandeurs d’asile au Canada, dont le nombre augmente dans un contexte de crise des services publics et du logement, il serait dans notre intérêt que chaque province fasse sa part. Mais pour y parvenir de manière humaine, il faudrait idéalement une meilleure répartition à l’arrivée de ces personnes. Si ces personnes sont bien établies au Québec, ont décroché un emploi et établi des liens dans leur communauté d’accueil, les déplacer de force une seconde fois vers un territoire que François Legault considérait jusqu’à récemment comme étranger est tout simplement inhumain.

1. Lire « Se déplacer par la force peut se faire « humainement », dit Legault »

2. Lire « Trump accuse les migrants d’importer des « mauvais gènes » dans le pays »

3. Vérifiez les statistiques du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés

4. Consultez l’étude Réfugiés : un bon pari pour le Canada ?

Qui peut obtenir l’asile au Canada?

L’asile peut être accordé au Canada s’il est établi que le demandeur répond à la définition de réfugié au sens de la Convention des Nations Unies ou s’il est une personne à protéger.

Les réfugiés au sens de la Convention sont des personnes qui craignent avec raison d’être persécutées en raison de la couleur de leur peau, de leur religion, de leur nationalité, de leurs opinions politiques ou de leur appartenance à un groupe social (ce qui inclut l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou le fait d’être une femme). ).

Les personnes ayant besoin de protection doivent démontrer que, si elles retournaient dans leur pays de nationalité, elles seraient exposées à un risque de torture, à une menace pour leur vie ou à un risque de peines ou de traitements cruels et inusités.

Source : Commission de l’immigration et du statut de réfugié

 
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