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Le Far West à Montréal (prise 2)

Il reste encore une tonne de questions sans réponse suite à l’incendie criminel qui a coûté la vie à deux personnes dans une auberge du Vieux-Montréal, vendredi.


Publié à 00h57

Mis à jour à 5h00

Mais ce qui ressort du dossier à ce stade-ci ne rassure en rien les Montréalais.

L’incendie aurait été déclenché vers 2h40 du matin par un cocktail Molotov. L’engin aurait été lancé par un individu masqué en direction du restaurant Loam, situé au rez-de-chaussée de l’immeuble. Ce crime pourrait être lié à une vague d’extorsion visant les restaurateurs et commerçants de la métropole.

Je parle d’une vague, mais cela ressemble plus à une vague déferlante. Au moins trois autres attaques au cocktail Molotov ont eu lieu Depuis celui de vendredi.

Trois !

Un dépanneur à Verdun, un bar à Pointe-Saint-Charles et une pâtisserie à Saint-Léonard ont été visés durant la fin de semaine. Un garçon de 15 ans a été arrêté dans cette dernière affaire.

Les journalistes de La presse un toi Journal de Montréal a révélé samedi le mode opératoire de l’inquiétante opération terroriste qui dure maintenant depuis des mois1.

En gros : nous assistons à une guerre de paiement de protectioncette « taxe » traditionnellement exigée des commerçants par la mafia italienne pour protéger leurs établissements.

Ce stratagème d’extorsion n’a rien de nouveau, sauf qu’il y a maintenant trois groupes criminels qui se battent entre eux pour saigner les locataires de Montréal. Les anciennes règles du jeu, si l’on peut utiliser cette expression, ne tiennent plus la route.

C’est « au plus fort de la poche ».

Une attaque particulièrement brutale a eu lieu le 12 septembre, au restaurant MAÜ, en centre-ville. Un individu cagoulé, armé d’un marteau, s’est présenté alors que plusieurs clients se trouvaient à l’intérieur. Il a tout cassé en criant au gérant qu’il devait payer 100 000 $.

Difficile de formuler une menace plus explicite.

Si la thèse de l’extorsion se confirme, l’attaque perpétrée vendredi au restaurant Loam représenterait le comble de l’horreur dans la vague actuelle. Deux touristes françaises, Léonor Geraudie, 43 ans, et sa fille Vérane Reynaud Geraudie, 7 ans, sont mortes dans l’incendie.

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IMAGE FOURNIE PAR UNE Source DE PRESSE

Une image du suspect cagoulé, juste avant l’apparition des flammes

A quand le prochain drame ?

J’ai longuement parlé lundi avec Fady Dagher, directeur du Service de police de la ville de Montréal (SPVM).

Concernant l’incendie criminel du Vieux-Montréal, il appelle à une extrême prudence avant de tirer des conclusions hâtives. L’« hypothèse » de l’extorsion en est une parmi d’autres à ce stade de l’enquête.

Mais oui : Fady Dagher confirme qu’il existe actuellement une vague de ce type de criminalité, similaire à celle observée en 2022 et 2023, lorsque des cocktails Molotov ont été lancés en peu de temps sur plusieurs commerces.

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PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE ARCHIVES

Le directeur du SPVM, Fady Dagher, en juin dernier

Nous avions remarqué un moment de calme assez long, et là ça a recommencé. Nous n’avons jamais fermé ces dossiers. Au contraire, nous les avons gardés ouverts, car nous pouvons établir de nombreux liens entre ce qui s’est passé en 2022-2023 et ce qui se passe actuellement.

Le directeur du SPVM, Fady Dagher

Plusieurs unités du SPVM, dont l’unité des incendies criminels et l’escouade antigang, travaillent ensemble à ces enquêtes. Jusqu’à présent, il y a eu « un bon taux de résolution » et plusieurs arrestations, affirme le chef de la police.

Les suspects arrêtés se situent pour la plupart au bas de la chaîne alimentaire. On parle ici de jeunes criminels en herbe, souvent adolescents, payés quelques centaines ou quelques milliers de dollars pour lancer des engins incendiaires.

« Là où ça se complique, c’est quand on veut accéder au niveau de management », reconnaît Fady Dagher. C’est un peu plus compliqué, mais nous avons des investigations à moyen et long terme qui pourraient bientôt porter leurs fruits. »

Les Montréalais espèrent ardemment une résolution le plus tôt possible.

Lorsqu’il y a des blessés, ou pire, des morts, comme ce fut le cas vendredi, le sentiment de sécurité de tous les citoyens, déjà mis à mal, est carrément ébranlé.

J’ai rendu compte de la « petite ambiance Far West » de la métropole dans une chronique récente. Les crimes contre la personne ont bondi de 51 % entre 2018 et 2023 à Montréal. Les propriétaires d’entreprises m’ont dit qu’ils n’appellent plus les policiers du SPVM lorsqu’ils sont témoins d’actes criminels, comme des vols de bouteilles d’alcool, parce que c’est devenu très courant.2.

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Fady Dagher exhorte au contraire toutes les victimes d’un crime, y compris de tentatives d’extorsion, à communiquer « rapidement » avec le 911. « Ils n’ont aucune idée de la manière dont le peu d’informations anodines qu’ils peuvent nous donner peuvent contribuer à résoudre d’autres crimes faisant actuellement l’objet d’une enquête. »

Revenant sur l’incendie mortel du Vieux-Montréal, le chef du SPVM me confirme que l’enquête policière, en plus de rechercher les coupables, se penchera sur la conformité de l’immeuble lui-même.

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CAPTURE D’ÉCRAN D’UNE VIDÉO FOURNIE PAR HATIM BENALLOUANE

L’incendie à l’auberge de jeunesse, au coin Notre-Dame et Bonsecours, vendredi dernier

Depuis vendredi, le Service de sécurité incendie (SIM) et l’administration de Valérie Plante répètent que toutes les non-conformités qui avaient été constatées en 2023 dans le bâtiment ont été corrigées en 2024. Que toutes les inspections avaient été effectuées dans les règles de l’art. l’art. Que le bâtiment patrimonial était jugé sécuritaire.

C’est difficile à croire, étant donné les nombreuses critiques négatives que cette auberge a reçues de la part de clients inquiets pour leur sécurité.3

Une enquête du coroner public, comme celle proposée samedi par le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, pourrait également contribuer à faire la lumière sur le processus d’inspection des bâtiments touristiques. Elle pourrait être jumelée à une autre enquête sur un incendie mortel survenu dans le Vieux-Montréal en mars 2023.

Quoi qu’il en soit, cela prendra du temps. Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a récemment été informé des conclusions du SPVM dans ce premier dossier, a révélé Radio-Canada lundi soir.4 La DPCP pourrait mettre plus de 18 mois pour finaliser son analyse.

Les familles endeuillées par ces deux drames devront faire preuve de patience.

1. Lire l’article « Incendie mortel dans le Vieux-Montréal : victimes d’une guerre d’extorsion ? »

2. Lire la chronique « Hausse de la criminalité à Montréal : un air de Far West »

3. Lire l’article « Immeuble incendié : une auberge de jeunesse aux chambres sans fenêtres »

4. Lire l’article de Radio-Canada « Le cas de l’incendie mortel de la Place D’Youville aux mains du DPCP »

Des « choix difficiles » pour le SPVM

Face à un manque de personnel et à des situations de plus en plus complexes, le SPVM aura « des choix difficiles à faire », m’a dit Fady Dagher. La police est en train de « revoir son offre de services » pour déterminer quels mandats elle devra mettre de côté à l’avenir, afin de se concentrer sur sa mission première. Il cite l’exemple des décisions de justice affectant les personnes souffrant de problèmes mentaux. « S’ils sont en crise ou en danger, oui, nous y irons, bien sûr. Mais si cette personne n’est pas en crise, pourquoi la police doit-elle l’escorter pour la ramener devant un juge ? Pourquoi d’autres services, déjà prévus au niveau du ministère de la Santé, ne jouent-ils pas ce rôle ? »

 
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