« Les gens n’ont jamais vu ça »
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« Les gens n’ont jamais vu ça »

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Des décombres sont recherchés à la recherche de personnes disparues dans une zone dévastée par les inondations à Tamanart, dans la province marocaine de Tata, le 9 septembre 2024. M'HAND OUBARKA / AFP

Un phénomène rare et meurtrier. Selon un dernier décompte publié lundi 9 septembre au soir par le ministère marocain de l'Intérieur, dix-huit personnes sont mortes à cause des pluies torrentielles qui se sont abattues vendredi et samedi dans plusieurs régions du royaume. Un ressortissant espagnol, un autre canadien et un troisième péruvien figurent parmi les victimes. Le bilan est particulièrement lourd dans la province de Tata, au sud-est d'Agadir, où dix décès ont été enregistrés dans les seuls douars inondés d'Igmir et d'Aoukerda, à proximité immédiate de l'oued Tamanart.

Perchés à 1.000 mètres d'altitude dans l'Anti-Atlas, les deux villages, englués dans les profondes gorges de Smouguen, ont été ravagés par une avalanche d'eaux boueuses qui a provoqué l'effondrement de plusieurs bâtiments. Les opérations de secours ont commencé dimanche à l'arrivée de l'armée, mais des habitants seraient toujours sous les décombres. Au moins quatre personnes sont portées disparues.

Signe de l'extrême violence de la crue, des corps ont été emportés par la rivière sur plus de 30 kilomètres, selon des témoins. « Il y a des gens de 90 ans qui disent n’avoir jamais rien vu de pareil. Personnellement, je ne me souviens pas d’avoir jamais été témoin d’une telle inondation. »explique Ahmed Bouzihay, le maire de la commune de Fam El-Hisn, plus au sud.

L'eau a tout emporté

Aucune victime dans les autres douars, mais des oasis partiellement détruites. A Anamer, 90 % des palmiers sont au sol, alerte Moussa Oumoussi, membre d'une association de développement local. « Certains étaient centenaires, ce qui témoigne de la rare violence de ces pluies. » Les routes, les puits et les réseaux d’électricité et d’eau potable n’ont pas non plus été épargnés.

L'intensité des précipitations a stupéfié la population. En seulement douze heures, elles ont dépassé les 50 millimètres à certains endroits, alors qu'il n'a quasiment pas plu ici depuis 2014, assure Lahcen Ahouate, le président de l'ONG Alcesdam, qui lutte contre la désertification à Tata. « Les gens se sont habitués à la sécheresse et ont fini par construire près de l’oued, sans se douter qu’un jour ou l’autre, celui-ci finirait par reprendre ses droits. »

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Des vidéos partagées par des habitants montrent les maisons et les petits bâtiments d’Igmir, certains neufs, bordant l’oued sur quelques mètres seulement. L’eau a tout emporté : arbres, route, poteaux électriques, murs, voitures…

Des inondations similaires ont fait cinq morts dans la région semi-désertique du Drâa-Tafilalet, à l'est de Marrakech, tandis que trois autres personnes ont péri dans la région majoritairement aride de Tiznit. Le record de précipitations a été atteint dans la région de Zagora, proche du Sahara, où plus de 200 millimètres sont tombés en deux jours. « C'était spectaculaire. Nous avions peur que la rivière [l’oued Drâa] « L’eau déborde et nous inonde, mais heureusement, cela n’est pas arrivé. »dit un hôtelier soulagé.

Deux masses d'air opposées

« Les précipitations enregistrées représentent environ la moitié des précipitations annuelles normales dans certaines régions touchées. Dans plusieurs zones, elles ont même dépassé les moyennes annuelles habituelles, ce qui souligne le caractère exceptionnel de l’événement »indique la Direction générale de la météorologie (DGM). Dans toutes les zones concernées, près d'une soixantaine de maisons se sont effondrées, selon les autorités.

A l'origine de cette déflagration climatique, la convergence de deux masses d'air opposées : l'une chaude et humide venue du sud, l'autre froide venue du nord. Leur rencontre a entraîné la formation de nuages ​​instables qui ont déclenché des pluies torrentielles suivies d'inondations, en très peu de temps. « Le relief a joué un rôle dans la concentration de ces précipitations, les montagnes et les collines dirigeant l’eau vers les vallées et les bassins, ce qui a augmenté le niveau de l’eau dans les oueds. »précise Lhoussaine Youabd, le porte-parole de la DGM.

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Des épisodes similaires ont déjà été observés au Maroc, comme en 2014, lorsque des inondations dévastatrices avaient frappé la province semi-aride de Guelmim, dans le centre du pays. Mais c'était alors une coulée venue de l'Atlantique. Fait rare, c'est cette fois la remontée inhabituelle vers le royaume du front intertropical, proche de l'équateur, qui est en cause. Une instabilité qui devrait s'atténuer dans les prochains jours, la DGM tablant sur un retour progressif à la normale.

Alexandre Aublanc

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