Consommateurs frileux, entreprises désertées et sentiment général que l’économie ne repart pas : dans les rues de Pékin, la population reste pessimiste alors que le pays a annoncé vendredi une des croissances les plus faibles des dernières décennies.
La Chine a officiellement enregistré une croissance de 5 % de son produit intérieur brut (PIB) en 2024, le rythme le plus faible depuis trois décennies hors période pandémique, selon les chiffres du gouvernement.
Ce chiffre est cohérent avec l’objectif très politique « autour de 5 % » répété par les dirigeants chinois, mais plusieurs analystes invitent à le considérer avec prudence au vu des difficultés structurelles de la deuxième économie mondiale.
« Obstacles et défis »
Les autorités ont également reconnu que la situation restait semée d’« obstacles et de défis », même si les commentaires officiels soulignaient surtout le « succès » de ces résultats et la « reprise remarquable » de l’économie nationale.
Loin de ce ton triomphaliste, dans les rues glacées de Pékin, l’optimiste n’est pas là. “L’économie est clairement en déclin”, a déclaré à l’AFP Yang Aihua, un vendeur de thé de 35 ans originaire de la province centrale du Hubei.
“Il n’y a pas d’argent”
“Il y a une peur de consommer et de dépenser, car il n’y a pas d’argent”, ajoute-t-elle.
La commerçante explique que la fréquentation de sa boutique a nettement baissé, et que les clients qui venaient encore dépensaient moins : « Pour nous commerçants, c’est évident qu’il y a beaucoup moins de clients (…), le niveau de consommation n’a rien. avoir à voir avec avant.
Confiance en baisse
Pour Guo Jian, employé du secteur pétrolier et pétrochimique, la confiance des consommateurs a clairement baissé après le rebond consécutif à la fin des restrictions liées à la pandémie de covid-19.
« Les niveaux de consommation sont plus faibles qu’avant », constate ce quinquagénaire originaire de la province du Shaanxi (nord). Les gens limitent « leurs achats importants ou inutiles », observe-t-il.
Le faible niveau de la consommation intérieure, bien que moteur de la consommation depuis des années, est devenu une préoccupation majeure pour les autorités.
Les ventes au détail s’essoufflent clairement, n’augmentant que de 3,5% l’an dernier contre une hausse de plus de 7% en 2023, les ménages inquiets préférant reporter leurs achats, d’autant que le marché du travail s’assombrit. .
-Programme de subventions
Depuis l’année dernière, Pékin a multiplié les initiatives pour stimuler les dépenses, comme l’extension la semaine dernière d’un programme de subventions pour l’achat de produits ménagers – allant des purificateurs d’eau aux voitures électriques. .
Mais cela n’empêche pas la commerçante Yang Aihua de rester prudente dans ses achats. « J’ai peur de dépenser sans réfléchir », dit-elle.
«Avant, j’achetais peut-être des sacs à main. Mais aujourd’hui, j’ai clairement l’impression que je gagne moins, donc je ne peux plus dépenser autant qu’avant », explique-t-elle.
A quelques pas de là, Li Chunyu, une employée de ménage, juge que cette baisse de pouvoir d’achat la concerne moins : « Nous sommes des ouvriers, nous gagnons le salaire de base, le plus bas », donc « nous ne pensons pas tant à consommer, » se souvient-elle.
L’avantage d’être dans la capitale
Li Chunyu, qui dit être arrivée à Pékin il y a dix ans, reconnaît que le travail a ralenti pendant la pandémie. Mais elle estime que la vibrante capitale chinoise recèle encore plus d’opportunités que sa ville natale, située dans la province voisine du Hebei : « Si c’était si difficile, ou si je n’en pouvais plus, je ne serais pas restée aussi longtemps, n’est-ce pas ?
Le rythme de croissance de l’économie chinoise a de quoi faire pâlir la plupart des pays riches, qui stagnent autour de +1% de croissance annuelle.
Mais on reste loin des taux de croissance à deux chiffres des années 2000 qui ont propulsé le géant asiatique au deuxième rang des économies mondiales.
Nouveau ralentissement attendu
Même si les autorités ont assuré mercredi que l’économie retrouverait son élan en 2025, les analystes s’accordent néanmoins sur un nouveau ralentissement à venir.
Signe d’une consommation atone qui continue de faire pression sur les prix, la Chine a frôlé une nouvelle fois la déflation en décembre.
Pour Yang Aihua, le vendeur de thé, le moral du pays reste morose : « Le sentiment de la plupart des gens, c’est qu’ils n’ont pas d’argent. »
(AFP)