DÉCRYPTION – A l’occasion de la présentation de la répartition des moyens pour la rentrée 2025, le ministre de l’Éducation nationale a scellé un changement de cap.
Changement de cap radical dans l’Éducation nationale, où la nouvelle ministre, Élisabeth Borne, tourne la page Attal, écrite en décembre 2023 par l’actuel patron de Renaissance et déclinée année après année par les animateurs éphémères de la rue de Grenelle. Le 15 janvier, dans une interview avec parisien il a confirmé les propos du Premier ministre François Bayrou sur la non-suppression de 4 000 postes d’enseignants, initialement promis de disparaître dans le projet de loi de finances. Parallèlement, la présentation de la répartition des ressources pour la rentrée 2025, vendredi 17 janvier, a donné un aperçu de la « méthode Borne ». Il consiste en « évaluer l’efficacité des appareils » avant de prendre « les décisions nécessaires, de manière très pragmatique » et à « faire confiance aux équipes pédagogiques ».
Traduction : les expérimentations lancées par Gabriel Attal dans le cadre du fameux « choc des savoirs » échouent. Si Élisabeth Borne ne supprime pas immédiatement les mesures qui ont commencé à se déployer, le message est clair. D’abord les « groupes de besoins », mis en place en septembre 2024 en sixième et cinquième : s’ils ne sont pas remis en cause avant la rentrée 2026, ils feront l’objet, en juin, d’une évaluation de l’inspection générale. , qui dira si « l’appareil a bien fonctionné ». « A ce jour, nous avons très peu de recul »répète la rue de Grenelle. L’extension de ces groupes aux classes de CM2 et CE2, prévue pour septembre 2025, est plus qu’incertaine. Si « 542 postes d’enseignant supplémentaires » seront orientés vers ces niveaux spécifiques du collège, ils seront destinés à « soutenir les étudiants qui en ont le plus besoin ». Il n’est pas question d’imposer un cadre rigide, comme les groupes de niveaux. Le choix est fait de « laisser la main aux équipes pédagogiques pour aider les élèves ».
Pas de certificat obligatoire pour entrer au lycée
Quant au brevet, que Gabriel Attal voulait rendre obligatoire pour passer en seconde, l’option est abandonnée. Comme annoncé, son niveau d’exigence sera « renforcé » – avec une plus grande place accordée à l’examen final, au détriment du contrôle continu –, mais il ne sera pas une condition d’accès au lycée. Classes « prépa deuxième », lancées en septembre 2024 – « de manière très expérimentale »insiste le ministère – pour soutenir les étudiants qui n’ont pas eu le certificat, il faudra « entretenu »mais encore une fois, « pendant que nous évaluons les effets ».
Les annonces chocs de Gabriel Attal en 2023 ne se concrétiseront donc pas. Ceux qui y voyaient une promesse d’élever le niveau d’éducation des jeunes Français seront attristés. Dans le camp de la droite, notamment, où de nombreuses voix avaient applaudi le cap fixé par le jeune macroniste. Mais les syndicats enseignants apprécieront ce changement de direction, eux qui, depuis plusieurs mois, réclament l’abolition du « choc des savoirs ». Une manière pour Élisabeth Borne, incarnation de la réforme des retraites, de redorer son image auprès d’eux.
-D’autant que la confirmation de la non suppression de 4 000 postes d’enseignants lui permettra d’entamer le dialogue social sous les meilleurs auspices. « Un choix politique fort pour mener une politique éducative forte, pour réduire les inégalités entre étudiants et entre territoires, pour élever le niveau partout »argumente la rue de Grenelle. Ce maintien global des emplois d’enseignant s’inscrit dans le cadre « un contexte de déclin démographique » (estimé pour l’année 2025-2026 à 92 700 élèves dont 80 000 en primaire). Ce qui mène « mécaniquement partout dans le pays une hausse historique du taux d’encadrement ». A la rentrée prochaine, les écoles primaires compteront en moyenne 21,1 élèves par classe (contre 23,2 en 2017), a calculé le ministère.
La question du temps scolaire et des vacances d’été
Aucun poste d’enseignant n’est donc supprimé. Un solde budgétaire nul. Mais par un jeu de vases communicants, la répartition des moyens pour la rentrée 2025 prévoit 470 postes de moins pour le primaire et 494 de plus pour le secondaire (324 enseignants et 170 conseillers d’éducation). Ces moyens supplémentaires seront destinés au collège, à l’accompagnement des élèves en difficulté en quatrième et troisième année, mais aussi à améliorer « l’école inclusive ». Sur ce dernier point, les classes de l’Ulis et les lieux destinés aux élèves souffrant de troubles du spectre autistique et de troubles du neurodéveloppement seront ouverts. La création de 2 000 postes d’accompagnement des étudiants en situation de handicap (AESH) est confirmée. Là encore, les services d’Élisabeth Borne font savoir que le système AESH doit également être évalué.
Un sans-faute à ce stade pour le nouveau ministre de l’Éducation, qui n’est pas encore entré dans le plus dur. Elle devra travailler à la réforme du concours et de la formation des enseignants, qu’elle s’est engagée à mettre en place en 2026. Comme ses prédécesseurs, elle sera confrontée à la crise du recrutement qui, chaque année, laisse vacants des postes à la fin. des concours et nécessite le recours à des enseignants contractuels. Les syndicats mettent sur la table le sujet de la revalorisation, dans un contexte budgétaire contraint. Dans la déclaration de politique générale devant le Sénat, en tant que numéro deux du gouvernement Bayrou, Élisabeth Borne a annoncé qu’elle allait engager une « grande consultation sur le temps scolaire ». « Les longues pauses entraînent une perte de niveau pour les élèves les plus vulnérables. Les vacances d’été 2025 ne changeront pas, mais pour 2026 cela dépendra de l’issue des discussions »elle a expliqué à parisien. Un sujet ultra-sensible, qui concerne une multitude d’acteurs – parents, professionnels du tourisme, collectivités – et finit vite par perdre de vue l’intérêt de l’enfant. Sous le mandat Hollande, la question des « rythmes scolaires » avait viré au psychodrame, avant de donner naissance à une souris.