Le secteur du café du Kenya, crucial pour l’économie du pays et pour les moyens de subsistance de près de 800 000 ménages, est confronté à une crise majeure due au changement climatique. En l’espace de trois décennies, la production nationale a chuté de près de 70 %, passant de 130 000 à 40 000 tonnes, impactant non seulement les producteurs locaux, mais aussi les exportations vers l’Europe, qui constitue le principal marché.
Changement climatique : un impact dévastateur
Mardi 14 janvier 2025, à Gatura, village situé dans les montagnes d’Aberdare, au centre du Kenya, la situation est alarmante. Dans ce petit village, Robert et Millicent Wanyaga, producteurs de café depuis des années, ont constaté une baisse spectaculaire de leur production. Leur plantation, autrefois prospère avec 400 caféiers, ne produit désormais qu’une fraction de ce qu’elle produisait avant 2019. Le climat instable, caractérisé par des températures extrêmes et des changements brusques de saisons, a eu un impact direct sur le rendement des caféiers. « Avant 2019, chaque arbre produisait 12,5 kg de café, aujourd’hui c’est à peine 3 kg », explique M. Wanyaga, 72 ans.
Incertitude climatique et maladie des baies de caféier
Les effets du changement climatique ne se limitent pas à la réduction des rendements. Il s’agit également de nouvelles maladies, comme la « maladie des baies de caféier », provoquée par des températures trop basses. Eunice Maina, une agricultrice expérimentée de 76 ans, raconte avoir perdu une récolte à cause du gel sévère qui a touché ses caféiers. En réponse, elle a opté pour des variétés plus résistantes comme Ruiru 11 et Batian, qui se révèlent plus adaptées aux nouvelles conditions climatiques. Ces variétés offrent de bons rendements malgré les défis posés par le climat.
Adaptation à un climat de plus en plus extrême
Les producteurs de café, comme Lawrence Wamuya, 45 ans, cherchent à s’adapter aux nouvelles conditions climatiques. Pour compenser les canicules de plus en plus intenses de décembre à mars, certains producteurs ont commencé à faire pousser des bananiers entre les caféiers. Ces arbres agissent comme des parasols naturels, fournissant de l’ombre et protégeant les plantes des températures extrêmes. Cependant, ces stratégies restent insuffisantes face à l’irrégularité des précipitations et à la forte demande en eau, ce qui rend nécessaires des systèmes d’irrigation plus efficaces.
Le besoin d’irrigation et de soutien politique
-Le manque d’eau, aggravé par la disparition des petites rivières locales, constitue un autre problème majeur pour les agriculteurs. Le coût élevé des systèmes d’irrigation et le manque de soutien politique entravent la mise en œuvre de solutions durables. « Sans une réelle volonté politique, les producteurs de café continueront de souffrir », estime Lawrence Wamuya. Malgré ces difficultés, certains producteurs ont choisi de diversifier leurs cultures en plantant des avocatiers et des macadamias, offrant ainsi un moyen de compenser les pertes liées au café.
L’avenir du secteur du café au Kenya
Le secteur de transformation du café à Gatura, où les grains sont lentement séchés au soleil, est également affecté par ces conditions météorologiques extrêmes. En 2024, des pluies torrentielles ont perturbé la période de séchage, compromettant la qualité du café. Charles Njure, le directeur de l’usine de transformation, rêve de construire un séchoir solaire, un système capable de sécher les grains même pendant les périodes pluvieuses. Cela fournirait une solution plus résiliente face à des conditions météorologiques de plus en plus imprévisibles.
Une crise structurelle à laquelle il faut répondre de toute urgence
Le secteur du café kenyan se trouve à un tournant. Les producteurs, confrontés à une baisse drastique de leurs rendements et à des conditions climatiques de plus en plus difficiles, luttent pour survivre. Le gouvernement, ainsi que les acteurs privés, doivent investir dans des solutions d’irrigation, des infrastructures modernes et des variétés de café adaptées pour sauver un secteur clé de l’économie kenyane.
Moctar FICUU / VivAfrik