L’entourage de Valérie Plante nous a vendu l’événement comme une sorte de « discours du Trône » ou de « discours à la nation ».
Je peux vous le confirmer : le maire sortant de Montréal n’a pas reçu la sanction royale avant de se présenter au pupitre mercredi après-midi. Elle ne s’est pas non plus transformée du jour au lendemain en chef de l’État.
Mais en termes d’ambiance et de décorum, nous n’étions pas loin du compte.
Dans la grande salle de l’hôtel de ville, Valérie Plante a prononcé un discours d’une quinzaine de minutes, écrit à la virgule près.
En arrière-plan, d’immenses rideaux de velours violet donnaient un aspect encore plus solennel à son discours.
Toute sa cour était réunie, ou presque.
La majorité des élus de Projet Montréal étaient présents dans la salle, ainsi que plusieurs dignitaires. Ils ont applaudi sauvagement Valérie Plante à sa sortie de la salle.
Telle une gouverneure générale, elle s’est éclipsée sans répondre aux questions des journalistes – un rôle qu’elle a laissé au chef de l’opposition, Aref Salem.
Voilà pour la forme.
Quant au fond, l’équipe de Valérie Plante n’avait pas survendu l’affaire.
Le discours du maire, dans cet hôtel de ville cossu rénové au coût de 211 millions, ressemblait en effet à un discours du Trône.
Comme on le voit à l’ouverture de chaque session parlementaire à Ottawa, la mairesse a tenu à présenter les priorités de son administration pour la prochaine année.
Ou plus précisément : pour les 300 jours qui lui restent à la tête de la métropole.
Il y avait là quelque chose de réchauffé, une dose d’autosatisfaction et des engagements assez flous.
Mais Valérie Plante a aussi fait des promesses qu’elle s’engage à réaliser, ou du moins à mettre en œuvre, d’ici la fin de son deuxième et dernier mandat, le 2 novembre.
Autant dire : à très court terme.
Il y a d’abord la catégorie : « Mais pourquoi avez-vous attendu la huitième année de votre mandat pour l’annoncer, Madame le Maire ? »
Dans cette boite se trouvent les dossiers de propreté et de gestion du chantier. Deux talons d’Achille de son administration depuis 2017.
Tout en saluant les « investissements massifs » réalisés par la Ville dans ce secteur, le maire a reconnu que les Montréalais « attendent plus ». Une « grande corvée de ménage » et une « campagne de sensibilisation » seront lancées au printemps.
Il faudra voir dans quelle mesure la Ville parviendra à donner l’exemple aux citoyens indisciplinés. C’est loin d’être évident, compte tenu du bilan de Montréal en la matière.
Mais au moins le problème est – enfin – nommé.
-Valérie Plante a également évoqué la laideur et la saleté causées par les innombrables chantiers de construction. Au cours des prochains mois, le dressage et la gestion des obstacles seront priorisés.
Les Montréalais n’attendent qu’à être convaincus.
Car je vous le rappelle : l’administration Plante promet depuis des années de s’attaquer à ce problème récurrent. D’abord avec sa « charte chantier » de 2021, puis avec son « sommet chantier » de 20231. Autant de réformes qui n’ont toujours pas porté les résultats escomptés.
Autre engagement dans la même veine : celui d’adapter les pratiques de nettoyage et de déneigement de la Ville aux changements saisonniers de plus en plus imprévisibles.
Il va falloir apprendre à « faire les deux en même temps », reconnaît le maire. Cela nécessitera d’inculquer – ou d’imposer – de nouvelles façons de faire aux cols bleus et aux sous-traitants de la Ville.
L’exemple récent des dizaines de plates-bandes vandalisées par les cowboys du déneigement à Rosemont montre qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.2.
Il y a désormais la catégorie des engagements plus concrets.
Les voici en rafales :
Valérie Plante fera plaisir aux promoteurs avec celui-ci. Les densités permises seront « augmentées » dans le mégaprojet de réaménagement du secteur Pont-Bonaventure, a-t-elle précisé. La Ville envisage jusqu’à présent un total de 7.600 logements, alors que les constructeurs souhaiteraient en construire entre 12.000 et 15.000. Cela laisse une bonne marge.
En matière de sécurité routière, le maire promet de terminer les travaux de sécurisation entamés aux abords des écoles. Dix-sept établissements montréalais sont toujours dans des zones de 50 km/h, et toutes les limites seront bientôt abaissées à 30 ou 40 km/h, a-t-elle précisé.
La lutte contre Airbnb va s’intensifier. Sans entrer dans les détails, Valérie Plante a reconnu que les efforts déployés par la Ville et le gouvernement du Québec pour freiner les locations illégales de courte durée n’avaient pas porté leurs fruits. Montréal va bientôt « serrer la vis ». À suivre.
Dans un autre dossier qui traîne en longueur, celui de l’Île aux Voyageurs, il y aura du mouvement dans « les prochains jours ». Après des années d’attente et un appel d’offres avorté, l’identité du partenaire qui construira au moins 700 logements sur ce centre névralgique sera annoncée prochainement.
La maire s’est enfin engagée à lancer une deuxième phase de construction de logements modulaires pour les sans-abri d’ici la fin de son mandat. Les 60 premiers logements qui leur sont destinés devraient être livrés au printemps prochain sur des terrains appartenant à la Ville.
C’est un éventail assez large de promesses qu’a faites Valérie Plante mercredi, même si elles étaient minces en termes de chiffres et d’échéanciers précis.
Ce qui apparaît cependant clair, c’est que ces engagements lieront le prochain chef de Projet Montréal, à qui Valérie Plante passera son sceptre en vue de la prochaine campagne électorale.
1. Lire la chronique « Gestion désordonnée des chantiers : Montréal fait (enfin) ressortir l’artillerie lourde »
2. Lire la rubrique « Travailler en Cabochon »