C’est l’union sacrée police-justice. ” On marche sur ces deux jambes », insiste Nicolas Bessone, le procureur de la République de Marseille. S’il le fallait, les autorités administratives et judiciaires ont fait un bilan de l’année 2024 en matière de banditisme de drogue. Les résultats sont là, même si la guerre est loin d’être gagnée.
La chasse aux points de deal
Bombardements, opération de nettoyage XXL… Le jargon militaire montre la volonté d’agir. Face à la guérilla menée par les trafiquants de drogue, la riposte s’effectue à l’aide de matériel lourd avec l’intervention des compagnies CRS pour déloger les trafiquants de drogue. Ces attaques ne sont pas toujours couronnées de succès mais ces opérations apportent une certaine tranquillité aux quartiers. “En trois ans on est passé de 161 points de deal à 84 à Marseille, insists Pierre-Edouard Colliex, Bouches-du-Rhône police prefect. C’est encore beaucoup trop, mais nous avons réduit ce chiffre de moitié. En 2024, 29 points de deal ont été rayés de la carte marseillaise« . 4 000 tonnes d’objets encombrants destinés à bloquer l’accès autour des points de deal ont également été évacuées. De quoi permettre aux habitants de la ville de mieux vivre.
Le photovoltaïque pour les consommateurs
La lutte contre le trafic de drogue nécessite, selon les autorités, une réponse globale. Il faut atteindre le haut et le bas du spectre, attaquer les gros bonnets comme les consommateurs. “ En 2024, 20 000 amendes forfaitaires pénales (AFD) ont été distribuées et 3 400 individus impliqués dans des trafics ont été interpellés. « . L’abattement enregistré après la cinquantaine d’homicides en 2023 et les alarmes de la commission d’enquête sénatoriale semblent oubliées. Sabre tiré, la guerre n’est pas perdue. ” Nous n’avons pas de baguette magique mais nous sommes tous mobilisés».
Le procès de la justice
Côté justice, pas de vantardise mais une certaine fierté. Les commanditaires des assassinats sont derrière les barreaux. Félix Bingui, le chef présumé du clan Yoda, devrait être arrêté après avoir été extradé du Maroc. En 2023, la lutte de son clan contre la mafia DZ avait fait de nombreuses victimes. Alors pour ceux qui doutent de l’action de la justice, le procureur de la République énumère les chiffres. ” Nous avons 832 personnes incarcérées dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue, annonce Nicolas Bessone. Plus de 2 000 personnes sont actuellement inculpées. 200 personnes attendent de comparaître devant un tribunal correctionnel pour stupéfiants. Notre bras ne tremble pas non plus s’il faut incarcérer des récidivistes mineurs.« . Il révèle alors que «près d’un quart de l’activité criminelle de la juridiction relève du trafic de drogue. C’est moitié moins dans toutes les juridictions similaires ».
Les femmes impliquées
Le trafic de drogue n’est plus l’apanage des hommes. Si les femmes se limitaient au rôle d’« infirmière » (stockage de médicaments), elles participent et sont aujourd’hui un acteur important de « l’ubershit », la livraison de médicaments à domicile. ” C’est un phénomène récent, mais au-delà de la livraison, ils sont devenus logisticiens et participent au trafic de drogue. Certains sont en détention provisoire ».
-Attentes en 2025
Cette année, le procureur attend beaucoup du vote d’une loi sur les « repentis » comme ce fut le cas en Italie avec la mafia. “En ouvrant le statut de collaborateur de justice aux auteurs de meurtres ou d’assassinats, cela permettrait d’atteindre les personnes qui sont au cœur des organisations et de démanteler les réseaux. « . Nicolas Bessone réclame également une cour d’assises spéciale pour juger le crime organisé. “ Les menaces, les pressions, la peur règnent et il est insupportable pour des jurés citoyens de se retrouver dans ce type d’audience. Il faut juger ces crimes avec des magistrats professionnels comme en matière de terrorisme ».
Cette année, la lutte contre le banditisme de drogue se traduira par l’arrivée de 25 policiers enquêteurs et de 96 policiers de la voie publique. 20 gendarmes viendront également étoffer la section de recherche de la gendarmerie. Sur le plan technique, un deuxième scanner assurera la sécurité anti-drogue du port de Fos.
Reportage Joël BARCY