Henriette Grimmel est une scientifique passionnée par la recherche marine. Et c’est loin de sa famille et de ses amis, sur une petite île isolée des Seychelles, que ce Suisse étudie la vie dans l’océan. Portrait.
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7 janvier 2025 – 08h31
Lorsque l’on cherche l’emplacement d’Henriette Grimmel sur une carte en ligne, il faut zoomer sur beaucoup de bleu avant de finalement trouver D’Arros, une petite île des Seychelles. Située à 250 kilomètres de Mahé, l’île principale, D’Arros fait partie des îles extérieures et ressemble à tout point de vue à un paradis touristique. Pourtant, personne n’y passe ses vacances. Et surtout pas Henriette Grimmel.
Portrait du mois
Les Suisses de l’étranger ont des profils aussi variés que les pays dans lesquels ils vivent. swissinfo.ch veut montrer cette diversité en publiant chaque mois le récit fascinant de la vie d’un représentant de la Cinquième Suisse.
D’Arros est une île privée qui appartenait au Shah d’Iran, puis à l’héritière de L’Oréal Liliane Bettencourt, avant d’être rachetée en 2012 par Abdul Mohsen Abdulmalik Al-Sheikh, à l’origine de la fondation Save Our Seas. Henriette Grimmel est une scientifique dédiée à la recherche marine. Avec son mari, elle dirige le centre de recherche de la fondation sur l’île.
Télétravail en raison de la pandémie
Henriette Grimmel a grandi en Allemagne et en Suisse. Sa fascination pour les requins et la plongée lui fait alors découvrir les sciences marines. Aujourd’hui, cette double nationalité germano-suisse est titulaire de deux masters, l’un en biodiversité et protection marines et l’autre en développement marin. territoire maritime.
C’est en rédigeant son premier mémoire de maîtrise aux Bahamas qu’elle rencontre son mari, biologiste marin britannique. En 2019, après plusieurs années de relation à distance, le couple tombe sur une offre d’emploi adressée directement aux partenaires : le Centre de recherche D’Arros aux Seychelles recherchait une nouvelle direction.
En mars 2020, Henriette Grimmel et son mari ont pu se rendre sur l’île d’Arros pour une première visite. Mais la pandémie les a contraints à commencer leur nouvel emploi depuis leurs domiciles respectifs en Suisse et en Angleterre. Ce n’est qu’en décembre 2020 que le couple a enfin pu se rendre aux Seychelles.
Raies manta rusées
Les chercheurs sur place étudient les êtres qui vivent sur l’île et le récif. Leur objectif : en apprendre le plus possible sur les animaux qui y poussent, mieux comprendre les relations qui existent dans les océans, et contribuer à la protection de ces espèces.
Chaque matin, un membre de l’équipe se promène autour de l’île sur la plage – pendant environ une heure à une heure et demie – pour examiner le sable à la recherche de signes de tortues ayant pondu leurs œufs.
Henriette Grimmel utilise un GPS pour suivre les traces d’une tortue marine dans l’atoll Saint-Joseph.
Jeanne Mortimer / Fondation Save Our Seas
Une attention particulière est également portée aux requins et aux raies manta, qu’Henriette Grimmel affectionne particulièrement. «Je pense toujours que les requins sont cool, mais les raies manta ont plus de caractère», dit-elle. « Parmi les poissons, les raies manta des récifs ont le plus gros cerveau par rapport à leur corps. Et ça se voit. »
Les femelles les plus âgées peuvent atteindre trois à quatre mètres. En plongée, Henriette Grimmel est capable d’identifier les raies manta grâce aux taches noires distinctives visibles sur leur ventre blanc. Certains sont timides, d’autres curieux ou ne la remarquent pas, la frappant presque.
Une raie manta de récif dans l’eau au large de l’île d’Arros. Parmi les poissons, les raies manta de récif ont le plus gros cerveau par rapport à leur corps.
Robert Bullock / Fondation Sauvons nos mers
Travaillez loin
La vie sur l’île est « difficile à décrire », explique Henriette Grimmel. Elle et son mari s’estiment très chanceux de pouvoir travailler sur l’île et sur la barrière de corail sans être dérangés. Le couple forme une équipe avec deux autres femmes seychelloises. Au total, environ 30 à 50 personnes vivent en permanence sur l’île. Ceux qui ne font pas partie du centre s’occupent de l’entretien.
Mais l’île reste très sauvage, souligne Henriette Grimmel. « Il n’y a ni café ni bar. Après le travail, à part un peu de sport ou une partie de cartes, on ne peut rien faire. Vivre loin de sa famille et de ses amis, avec lesquels elle n’a que des contacts numériques, représente parfois pour elle un défi.
Il existe encore sur l’île un petit magasin où l’on peut acheter de la nourriture, souligne le chercheur. Mais pour qu’elle et son équipe puissent se concentrer sur leur travail – qui peut prendre, selon les saisons, jusqu’à 60 heures, à raison de 5 jours et demi par semaine – une cuisinière s’occupe de la préparation des repas.
La situation est confortable, mais laisse peu de marge de décision, regrette Henriette Grimmel, pour qui il s’agissait d’un changement d’habitude. «Mais je fais mon propre pain au levain», explique-t-elle, ajoutant qu’elle va bientôt se lancer également dans la fabrication de yaourts.
Henriette Grimmel est à l’affût des raies manta et ses collègues dans l’eau lors de leur séance hebdomadaire d’étude de ces animaux.
Robert Bullock / Fondation Sauvons nos mers
Sur place, les scientifiques ne peuvent réaliser certains travaux que dans des conditions parfaites, lorsque l’océan est lisse comme un miroir et que l’on peut voir jusqu’à 40 mètres de profondeur. Deux fois par an, pendant la mousson, la mer est trop agitée pour travailler dehors.
Les mois de mousson offrent au couple l’occasion de rendre visite à leur famille et à leurs amis en Europe. Et comme la mousson du nord-ouest fait rage à Noël, elle leur permet de revenir pour les vacances.
La rigueur suisse en laboratoire
Alors que son mari est un « biologiste marin classique », qui s’occupe principalement de recherche, Henriette Grimmel se décrit comme une généraliste. En plus du travail sur le terrain, elle est responsable de la gestion et de l’administration du centre.
L’organisation et la structure du laboratoire lui permettent d’exprimer sa rigueur allemande et suisse. Chaque chose doit être à sa place. « C’est là que je suis stricte », confie-t-elle en riant : « Et s’il y a du sable dans le laboratoire… »
Nous lui demandons s’il y a un espoir pour les océans ? Henriette Grimmel réfléchit. « Oui », répond-elle, reconnaissant qu’« il y a beaucoup de problèmes pour les océans et les écosystèmes ». Mais son travail lui permet de constater que de nombreuses personnes mettent leur énergie au service des océans. L’un des objectifs de la fondation est aussi de former les gens sur place, « pour qu’on n’ait plus besoin de nous », précise-t-elle.
Henriette Grimmel pèse un petit requin de récif à pointe noire. Les enfants qui participent à l’expérience D’Arros découvrent les créatures de l’océan.
Dillys Pouponeau / Fondation Save Our Seas
Son équipe propose régulièrement des cours et un concours existe pour proposer aux jeunes de passer une semaine sur l’île d’Arros. « Plusieurs d’entre eux étudient désormais dans ce domaine », se réjouit Henriette Grimmel.
On lui demande encore ce qu’elle et son mari feront lorsqu’ils auront rendu obsolète leur propre travail sur cette île. Elle sourit et répond : « À l’avenir, nous aimerions vivre en Écosse. »
Texte relu et vérifié par Marc Leutenegger, traduit de l’allemand avec DeepL/dbu