La veille de Noël était sombre pour un agent correctionnel de la prison de Québec. En début de soirée, il a été violemment agressé par un détenu accusé de crimes sexuels.
D’après les témoignages recueillis par Le Soleil, le prisonnier a violemment donné un coup de tête à sa victime. Il a ensuite saisi les doigts d’un autre agent « pour les casser ». Lors de l’intervention, l’homme aurait tenté de cracher sur plusieurs employés.
Seul le premier agent attaqué conserve des séquelles physiques. « Une commotion cérébrale est suspectée et il devra s’absenter du travail pendant quelques jours », précise une source.
Deux événements similaires se sont produits quelques jours plus tôt, selon différents employés du centre de détention. Ces derniers doivent rester anonymes car leur contrat de travail les empêche de s’exprimer dans les médias.
Une morsure qui fait couler le sang
Le 23 décembre, un détenu accusé d’agression armée a attaqué un agent correctionnel dans la prison. Lors de l’altercation, l’homme a « mordu violemment » l’employé jusqu’au sang. Il a même arraché un morceau de chair de son biceps.
Suite à cette intervention, le policier a dû se rendre dans un centre hospitalier pour se faire soigner. Son agresseur a accepté un échantillon de sang pour vérifier s’il était porteur du virus de l’immunodéficience humaine (VIH).
« Au Québec, même dans un tel cas, il faut le consentement de la personne incarcérée pour faire une prise de sang », dénonce un agent correctionnel.
Le résultat du détenu s’est révélé positif. En pleine période des fêtes, les employés pénitentiaires doivent donc entamer un traitement de trithérapie pour éviter d’être contaminés et que la maladie ne se développe dans leur organisme.
L’agent devra effectuer régulièrement des prélèvements sanguins au cours des prochains jours. Selon son confrère, cet événement crée beaucoup de stress ainsi qu’une « perte de qualité de vie dans son couple et sa famille ».
Étranglé
Le 18 décembre, un agent correctionnel escortait un détenu jusqu’à sa cellule lorsqu’il a été saisi « sournoisement ».
Le criminel aurait tenté de l’étrangler en le poussant contre le mur avec les deux mains sur le cou. L’intervention physique du personnel a été nécessaire pour mettre fin à l’agression.
« Même si l’employé s’en est sorti sans blessure physique, il n’en demeure pas moins que cela fait encore monter la tension. Ces trois événements représentent bien l’atmosphère explosive qui règne au centre de détention de Québec», résume un agent correctionnel.
Selon ce dernier, la fréquence de ce type d’attaques a augmenté de façon significative en 2024. Depuis l’année dernière, elles se produisent environ une fois par semaine au Centre de détention de Québec.
« Trois jours sur sept représentent la détérioration de nos conditions et c’est bien plus que d’habitude. Nous craignons pour notre sécurité sur notre lieu de travail.
— Un agent correctionnel du Centre de détention de Québec
Toujours selon cet agent, la prison de Québec est celle où il y a le plus d’attaques contre le personnel de tout le réseau de l’est du Québec.
Une année « difficile »
En 2024, les événements violents ont été particulièrement nombreux dans tous les établissements pénitentiaires de la province.
« Cela a été une année difficile. Lorsque nous parlons à nos gens sur le terrain, nous constatons une augmentation de la violence verbale, de l’intimidation et de la violence physique», explique Mathieu Lavoie, président du Syndicat des agents correctionnels.
Entre le 1er avril et le 30 novembre 2024, le ministère de la Sécurité publique (MSP) a enregistré 33 agressions graves entre détenus et un homicide.
Quant aux agressions contre le personnel, la direction a enregistré cinq événements entre le 1er avril et le 1er décembre 2024. Au cours de l’année précédente, seuls trois événements ont été enregistrés.
Toutefois, seules les attaques ayant provoqué des blessés graves, voire des morts, sont recensées par le ministère. Les altercations comme celles survenues pendant les vacances à la prison de Québec ne sont pas toutes comptabilisées dans ces statistiques.
Des tensions croissantes
L’année 2024 a été marquée par l’arrivée massive des gangs de rue dans les prisons de la province, alors que diverses opérations policières d’envergure ont porté leurs fruits.
Hells Angels, Blood Family Mafia, gangs de rue de Montréal : toutes ces allégeances et tensions compliquent le travail des agents, qui peinent à répondre à la demande.
Au cours des trois dernières années, le temps supplémentaire obligatoire a triplé, selon le président du syndicat Mathieu Lavoie. « Nous constatons que nous avons un problème majeur de rétention. Nous attirons des gens, mais nous avons du mal à les retenir et cela affecte l’ensemble du réseau.
Des événements « exceptionnels »
Selon le syndicat, plusieurs événements ont ébranlé le secteur correctionnel en 2024.
En février, des membres de gangs de rue sont entrés dans le stationnement du centre de détention de Saint-Jérôme puis ont incendié la voiture d’un agent correctionnel. «C’est assez exceptionnel», constate M. Lavoie.
En décembre, l’attaque « sauvage » contre un agent correctionnel à Sorel-Tracy a suscité la consternation des agents à travers la province.
De nombreuses livraisons par drones ont également occupé le personnel tout au long de l’année.
« Les problématiques de contrebande ont toujours été présentes, mais deviennent de plus en plus importantes et sont inévitablement influencées par le succès des opérations policières de lutte contre les violences armées », soulève Louise Quintin, porte-parole du MSP.
Pour limiter les impacts de ces nouveaux détenus, le ministère s’engage à poursuivre ses acquisitions de matériel de sécurité ainsi que ses efforts de recrutement en 2025. Une « révision de l’instruction provinciale sur la discipline des personnes incarcérées » est prévue.