Depuis quarante ans, les fouilles archéologiques menées sur plusieurs sites paléolithiques autour de la rade de Genève ont révélé une grande richesse d’informations sur la vie de ses habitants à l’âge du Bronze final, entre 1100 et 850 avant notre ère.
“L’Âge du Bronze Final n’est pas la période la plus ancienne, mais c’est celle où l’on dispose des données les plus complètes sur l’habitat autour du Léman”, précise mercredi dans l’émission RTS Forum Pierre Corboud, préhistorien et co-auteur d’une récente monographie. sur quarante ans de fouilles archéologiques.
En effet, les vestiges des périodes antérieures ont été largement érodés par les fluctuations des niveaux d’eau, plus particulièrement dans un grand lac dynamique comme le Léman.
Les fouilles ont révélé la présence de milliers de pieux dans la rade de Genève, vestiges d’habitations lacustres. « Il en reste environ 2 000 ou 3 000 de moins aujourd’hui, car certains ont déjà été extraits et étudiés. Ces pilotis nous renseignent sur la structure des habitations et permettent de comprendre comment vivaient les gens au bord du lac », explique Pierre Corboud. .
Ces maisons ont été construites à proximité des berges de la rivière, surélevées pour éviter les inondations saisonnières et accidentelles. « Ces villages étaient protégés par des palissades brise-vagues, une précaution contre les montées d’eau saisonnières ou exceptionnelles », poursuit-il.
Pas de construction au dessus de l’eau
Les fouilles ont également permis de déconstruire des idées anciennes. À l’origine, on pensait que les maisons étaient construites sur des plates-formes au-dessus de l’eau.
Cependant, Pierre Corboud précise : « Il ne s’agissait pas de maisons sur plates-formes flottantes, mais de maisons érigées sur la berge, en période d’étiage des eaux. » Cette construction permettait de protéger les habitants de l’humidité du sol et d’éviter les nuisances causées par les rongeurs, comme dans les mazots valaisans.
Cela nous donne une connaissance intime de l’alimentation et des récoltes de l’époque, mais aussi une datation très précise grâce à l’étude des tuteurs en bois.
La vie quotidienne à cette époque était semblable à celle des premiers siècles du Moyen Âge, selon le préhistorien. « C’étaient des agriculteurs et des éleveurs qui possédaient des animaux comme des bœufs, des moutons et des porcs. Leur agriculture était basée sur le défrichement, parfois par brûlage. Leur mode de vie était comparable à celui du VIIIe ou du IXe siècle de notre ère », explique-t-il.
Ces fouilles ont mis au jour des restes organiques exceptionnellement bien conservés, notamment du bois, des écorces et des feuilles. « Cela nous donne une connaissance intime de l’alimentation et des récoltes de l’époque, mais aussi une datation très précise grâce à l’étude des tuteurs en bois », note Pierre Corboud.
Variations du niveau du lac
Les recherches ont également mis en évidence plusieurs périodes de dégradation climatique majeure. Entre 4000 et 800 avant notre ère, au moins trois dégradations climatiques importantes ont affecté la région, notamment des sécheresses. Le niveau de l’eau aurait pu baisser de six mètres par rapport au niveau actuel, mentionne par exemple Pierre Corboud.
Ces fouilles ont été rendues possibles grâce à des travaux d’aménagement du territoire, par exemple le projet de la plage des Eaux-Vives. «Quand on m’a annoncé que les fouilles allaient avoir lieu, j’ai été ravi. Depuis des années, je demandais qu’on puisse fouiller ce site, mais on m’a répondu que ce n’était pas le moment ou que nous n’avions pas l’argent», se souvient Pierre Corboud.
«La dernière station côtière de Bronze de Plonjon et les sites préhistoriques de la rade de Genève», par Pierre Corboud et Christiane Pugin Russbach, Cahiers d’archéologie francophone n° 192, 320 p.
Commentaires recueillis par Mehmet Gultas
Adaptation web : exercice