Nabil Ayouch et Nisrin Erradi, entre résistance et émancipation féminine

Nabil Ayouch, cinéaste marocain connu pour ses films tels que Très aimé, Raid ou Haut et fortrevient avec Tout le monde aime Toudaen salles le 18 décembre. Ce nouveau long métrage suit le parcours de Touda, une femme rêvant de devenir une Cheikha, une artiste traditionnelle marocaine. Déterminé à briser les normes, Touda chante des textes de résistance, d’amour et d’émancipation. Rencontre avec Nabil Ayouch et l’actrice principale Nisrin Erradi.

“J’aime explorer des personnages qui cherchent à s’affranchir des contraintes sociétales et à briser leurs chaînes”

Bulles culturelles : Nabil Ayouch, vos films mettent souvent en scène des personnages en quête de liberté dans une société marocaine encore marquée par le conservatisme. Est-ce une quête personnelle qui se reflète dans vos œuvres ?

Nabil Ayouch : Absolument, cette quête de liberté est à la fois un moteur dans ma vie et dans mon cinéma. J’aime explorer des personnages qui cherchent à s’affranchir des contraintes sociétales et à briser leurs chaînes. Avec Tout le monde aime ToudaJ’ai voulu mettre en avant une héroïne contemporaine qui incarne cette résistance à travers son art.

Bulles de Culture : Le personnage de Touda s’inspire des Cheikhas, ces chanteurs marocains qui défient les interdits. Pouvez-vous nous parler de l’origine et de l’importance de ces femmes dans la culture marocaine ?

Nabil Ayouch : Les Cheikhas sont des femmes courageuses qui ont commencé à chanter en public au XIXe siècle, à une époque où seules les voix masculines étaient autorisées dans l’espace public. Ils ont conquis ce droit et, à travers leurs chansons, appelées Aïta, ils abordent des thèmes subversifs au Maroc comme le désir, le corps et l’amour, défiant ainsi les normes sociétales. Le personnage de Touda fait partie de ces héritières modernes, luttant pour la reconnaissance et la liberté d’expression dans une société encore divisée entre tradition et modernité.

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Bulles de Culture : Nisrin, comment vous êtes-vous préparée à votre rôle de Touda, femme si complexe et ancrée dans une tradition musicale exigeante ?

Nisrin Erradi : La préparation a été très intense. J’ai passé un an et demi à apprendre à chanter, danser et jouer des percussions aux côtés de Sheikhas professionnels. J’ai dû m’immerger pleinement dans leur univers pour comprendre la profondeur de leur art et de leur combat. C’était un travail de longue haleine, mais indispensable pour donner vie à Touda.

Bulles culturelles : Le film met également en lumière le lien fort qui unit Touda et son fils Yassine, sourd et muet. Comment avez-vous abordé cette relation mère-fils qui transcende les mots ?

Nisrin Erradi : Pour moi, il était crucial de comprendre ce lien au-delà des dialogues. J’ai beaucoup travaillé avec le jeune acteur qui joue Yassine, en créant des ateliers et des exercices pour construire une connexion authentique. Même si je n’ai pas d’enfants, je me suis inspiré de mes expériences personnelles avec mes nièces et des ateliers que j’ai animés avec les enfants pour retrouver cette dynamique unique qui nous unit dans le film.

Nabil Ayouch : Ce lien est central dans le film. Yassine n’entend pas ce que chante sa mère, mais il ressent tout profondément. Leur relation dépasse les significations habituelles et s’ancre dans quelque chose de plus spirituel, presque métaphysique.

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Bulles culturelles : Tout le monde aime Touda aborde également les thèmes de la résistance féministe. Touda peut-elle être considérée comme un modèle de revendications féministes pour le Maroc d’aujourd’hui ?

Nabil Ayouch : Certainement. Touda incarne le combat de nombreuses femmes pour l’émancipation. Elle représente une figure de résistance aux normes patriarcales et aspire à être reconnue non seulement comme artiste, mais aussi comme femme libre. Même si le chemin est encore semé d’embûches au Maroc, des progrès ont été réalisés ces dernières années, notamment avec la révision du Code de la famille, la Moudawana. Le personnage de Touda montre vers où le Maroc pourrait évoluer dans sa quête d’égalité.

Apprendre encore plus:

  • Tout le monde aime Toudaun film de Nabil Ayouch
    Date de sortie : 18/12/2024
  • Distribution France : Ad Vitam
Antoine Corte
Défendant toujours le cinéma français, j’aime particulièrement découvrir des films à petites sorties mais à portée universelle.

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