Pour Terre-Neuve, l’accord de 1969 sur le développement hydroélectrique des chutes Churchill a toujours été une sorte de colonialisme dans lequel le Québec a eu le mauvais rôle.
Terre-Neuve a l’impression – justifiée d’ailleurs – de vendre à bas prix une de ses richesses au Québec, qui va en récolter tous les bénéfices. Un projet qui, à l’origine, était vu comme une porte de sortie de la pauvreté, mais qui était devenu le symbole de sa misère.
L’énergie de Churchill Falls était vendue au Québec à 0,2 cents le kilowattheure et Hydro-Québec pouvait alors la revendre aux États-Unis au moins 30 fois plus cher.
Depuis des années. C’est le ressentiment envers cet accord fondamentalement injuste qui a bloqué toute négociation entre le Québec et Terre-Neuve (devenue Terre-Neuve-et-Labrador en 2001).
Plusieurs tentatives de Terre-Neuve pour faire annuler l’accord ont échoué devant les tribunaux. La Cour suprême du Canada a statué : on ne peut pas annuler un contrat – signé légalement et en connaissance de cause par les deux parties – parce que le prix de l’électricité a augmenté.
Pourquoi alors le Québec s’est-il dit prêt à accepter de déchirer un accord qui lui était si bénéfique, 17 ans avant son échéance ? Tout simplement parce que c’était dans son intérêt.
Les chutes Churchill représentent 15 % de l’énergie consommée au Québec. L’équivalent de deux fois la production des centrales Manic-5 et Manic-5-PA. Il était donc indispensable de sécuriser cet approvisionnement, même au prix de 9 milliards de dollars supplémentaires d’ici la fin du contrat en 2041.
Et même à ce prix, l’énergie du Labrador reste une aubaine par rapport aux coûts de remplacement.
En prime, Terre-Neuve-et-Labrador réserve à Hydro-Québec les commandes pour le développement d’autres centrales au Labrador, notamment le projet de Gull Island, soit un total de près de 4 000 MW supplémentaires.
Mais alors, si l’accord est si bon pour le Québec – et il l’est ! –, pourquoi Terre-Neuve-et-Labrador a-t-elle signé ? La province ne s’est-elle pas encore laissée berner par le Québec? À Terre-Neuve, des voix s’élèvent déjà pour dire que le nouvel accord n’est que le mauvais contrat de 1969 « avec une clause d’indexation ».
Mais une chose ne change jamais en la matière, c’est la géographie. Terre-Neuve-et-Labrador n’a encore qu’un seul voisin à qui vendre son électricité, c’est le Québec.
Pour mémoire, rappelons que l’ancien premier ministre Joey Smallwood a tenté, en son -, de créer une « route anglo-saxonne », avec des câbles sous-marins et un passage à travers les provinces maritimes. Mais la technologie n’était pas prête et les coûts étaient prohibitifs.
Pourtant, tout cela a contribué à entretenir une vieille inimitié entre les deux provinces, notamment à cause du contrat de 1969, dénoncé par des générations de politiciens terre-neuviens (surtout lorsqu’ils étaient dans l’opposition !) comme étant trop favorable au Québec.
Durant la décennie 2000-2010, le premier ministre de l’époque, Danny Williams, a tout fait pour alimenter le ressentiment contre le Québec. Mais c’était beaucoup oublier les dépassements de coûts du projet de Muskrat Falls, un projet de mégacentrale électrique sur le fleuve Churchill dont les coûts de construction ont doublé et qui était devenu un véritable cauchemar politique pour son gouvernement.
Cette méfiance envers le Québec demeure. La mythique radio VOCM de Saint John’s a mené un sondage auprès de ses auditeurs pour savoir si l’entente avec Québec leur permettait d’oublier l’humiliation du contrat de 1969 : 32 % des auditeurs ont répondu oui, 30 % non et 37 % ont répondu « nous » Je verrai… » L’enthousiasme est donc modéré !
Les politiciens terre-neuviens ont également critiqué le premier ministre Andrew Furey pour ne pas avoir profité de l’occasion de faire reconnaître la frontière Québec-Terre-Neuve comme l’avait décidé le Conseil privé à Londres en 1927. Ironiquement, au Québec, le chef du Parti québécois Paul St-Pierre Plamondon a condamné François Legault pour ne pas avoir fait le contraire…
Mais il faut dire que le Québec a eu la chance de trouver un interlocuteur comme le premier ministre Furey, qui n’a pas encore 50 ans, et qui est issu de cette nouvelle génération de Terre-Neuviens qui ne croient pas qu’il faille s’attarder éternellement sur les choses. vieilles rancunes.
Évidemment, M. Furey pourra compter, à court terme, sur les 9 milliards de dollars supplémentaires que Québec lui versera d’ici la fin du contrat en 2041. Au cours des 60 prochaines années, Terre-Terre recevra 200 milliards de dollars. Nouveau-et-Labrador. Il n’est pas étonnant que M. Furey ait dit que maintenant tout pourrait changer pour sa province.
Pour le Québec, c’est peut-être un prix élevé, mais il était beaucoup plus risqué de ne pas sécuriser cet approvisionnement énergétique.
Politiquement, pour les deux premiers ministres, cet accord est avantageux. Et quand on connaît l’importance symbolique de l’électricité et d’Hydro-Québec pour les Québécois, on peut même dire que ce fut le plus beau jour de François Legault depuis qu’il est premier ministre.
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