Plusieurs milliers de Géorgiens pro-européens se sont rassemblés lundi devant le Parlement à Tbilissi pour une 12e nuit consécutive de manifestations contre le gouvernement, accusé d’abandon des ambitions européennes du pays et de dérive autoritaire pro-russe.
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9 décembre 2024 – 21h32
(Keystone-ATS) Cette ancienne république soviétique du Caucase est en crise politique depuis les élections législatives du 26 octobre, remportées par le parti au pouvoir Rêve géorgien mais dénoncées comme truquées par l’opposition pro-occidentale.
La décision du gouvernement, le 28 novembre, de reporter à 2028 « la question de l’adhésion à l’Union européenne » a mis le feu aux poudres, provoquant une vague de manifestations à Tbilissi et dans d’autres villes.
Arborant des drapeaux européens, les manifestants ont sonné des trompettes lundi soir et brandi des banderoles avec des slogans antigouvernementaux, selon des journalistes de l’AFP.
Des canons à eau étaient stationnés sur la place de la Liberté, à environ 500 mètres du Parlement.
Luka, un manifestant de 24 ans, juge « inacceptable » qu’un gouvernement qui reste au pouvoir « via des élections frauduleuses » suspende le rapprochement avec l’UE.
« Ils n’ont pas le droit de s’emparer de nos libertés, ni de dicter la politique étrangère de la Géorgie », a déclaré cet employé d’une ONG.
Dans la journée, la municipalité a achevé l’installation d’un sapin de Noël sur le trottoir devant le Parlement, où se rassemblent les manifestants.
Elle a retiré des photos de victimes présumées de violences policières qui avaient été accrochées par des manifestants à la structure métallique entourant l’arbre.
Keso, étudiant de 18 ans, juge une telle installation « irrespectueuse ». “Les gens sont là pour protester, il n’y a pas de Noël pour nous”, déplore-t-il, estimant que le mouvement triompherait car il défend la “liberté”.
Coups et répression
Les rassemblements ont été pour l’essentiel dispersés par la police à l’aide de canons à eau et de gaz lacrymogènes, tandis que certains manifestants ont tiré des feux d’artifice et jeté des pierres sur la police.
Selon le ministère de l’Intérieur, plus de 400 manifestants ont été arrêtés depuis le 28 novembre, la plupart pour « désobéissance » ou « vandalisme », mais « plus de 30 » pour des délits comme l’incitation à la violence.
De multiples cas de violences policières contre des manifestants et des journalistes ont été documentés par des ONG et l’opposition, une répression dénoncée par les partenaires occidentaux de Tbilissi.
Lundi, le gouvernement britannique a condamné les « scènes de violence choquantes » contre les manifestants, annonçant qu’il suspendrait « tous les programmes de soutien » à Tbilissi.
Malgré ces condamnations, le gouvernement refuse de reculer.
Ces derniers jours, le gouvernement a intensifié son discours à l’égard du mouvement, le Premier ministre Irakli Kobakhidzé promettant d’« anéantir » ses détracteurs, qu’il accuse de « libéral-fascisme ».
Malgré sa décision de reporter, son gouvernement affirme toujours vouloir intégrer l’UE d’ici 2030 et accuse l’opposition et les manifestants de viser une révolution et d’être financés de l’étranger.
Lundi, Irakli Kobakhidze a salué l’action de la police, répétant qu’il avait empêché une tentative de révolution et affirmant que le mouvement n’était pas significatif.
Le ministère de l’Intérieur a de son côté annoncé avoir arrêté cinq personnes dans la ville côtière de Batoumi (ouest), en lien avec une manifestation qui s’y était tenue le 3 décembre.
Ils sont accusés de violences et risquent deux ans de prison. Parmi eux se trouve un doyen d’université qui faisait partie d’un groupe qui tentait d’accrocher une banderole de soutien au mouvement sur son établissement.
Auparavant, la police avait perquisitionné plusieurs bureaux de partis d’opposition et arrêté au moins trois de leurs dirigeants, dont le chef du parti Akhali, Nika Gvaramia, qui avait été battu et condamné à 12 jours de prison.
Au pouvoir depuis 2012, le gouvernement du parti au pouvoir, Georgian Dream, a adopté ces derniers mois des lois visant les ONG et les personnes LGBT+, dénoncées comme répressives à l’égard des libertés par leurs détracteurs.
L’opposition affirme que ces textes sont des copies de la législation utilisée en Russie pour écraser la société civile et les voix dissidentes.