« Qu’aurais-je pu faire ? »

Chaque 6 décembre, Louis Courville et Jeanne Dauphinais déposent 14 fleurs rose très pâle devant la plaque en mémoire des 14 jeunes femmes assassinées lors de l’attentat de l’École Polytechnique.

Trente-cinq ans se sont écoulés. Mais l’ancien directeur par intérim de Polytechnique et sa compagne, devenue ce jour-là les parents de toute une communauté en état de choc, n’ont rien oublié.

« Ce sont des souvenirs terribles et inoubliables », m’a confié le professeur émérite de 90 ans, qui a lui-même conçu la plaque commémorative de Polytechnique sur laquelle sont gravés les noms des 14 victimes.

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PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE ARCHIVES

Une femme réfléchit devant la plaque commémorative de Polytechnique où sont gravés les noms des 14 victimes de l’attentat de 2020.

« Il y a des choses importantes qu’on essaie d’effacer un peu, de mettre de côté. Mais quand décembre arrive, ça revient… »

Sa compagne Jeanne Dauphinais, 87 ans, redoute encore cette période de l’année qui ravive un souvenir douloureux. Elle-même mère de trois filles qui avaient le même âge que les victimes, elle parle d’une voix brisée de son sentiment d’impuissance face à tous ces parents endeuillés qui, au lendemain de l’attentat, se sont accrochés à elle en quête de consolation. .

Quand les mères me serraient dans leurs bras et pleuraient, comment pourrais-je les consoler ? J’ai pleuré avec eux.

Jeanne Dauphinais

Que dire à un parent qui a perdu sa fille dans de telles circonstances ? Ce qu’il faut faire? “I was wondering that. Et je me pose encore la question… »

Ne trouvant pas la réponse, Jeanne Dauphinais a toujours pensé qu’il était très important d’honorer la mémoire des jeunes femmes victimes des tueries. Personne ne parlait à l’époque d’attentat antiféministe, ni même de fémicide. Il a fallu trois décennies de luttes pour nommer officiellement les choses1. « À l’époque, tout le monde était dans le déni, se souvient-elle.

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PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Jeanne Dauphinais, spouse of the former director of Polytechnique Louis Courville

Malgré tout, dès la première commémoration, Jeanne Dauphinais a voulu l’évoquer à sa manière. Elle l’a fait symboliquement en choisissant des fleurs rendant hommage aux 14 jeunes femmes. Pas les roses blanches traditionnelles, mais des fleurs avec une touche de rose près de la tige. Pour qu’on n’oublie jamais que ce sont des femmes à l’aube de leur vie d’adulte qui ont été tuées.

« Ce sont des roses uniques et spéciales », dit-elle. Comme ces 14 jeunes femmes assassinées au seuil de leurs rêves ou d’une carrière d’ingénieur, ajoute-t-elle avec émotion. « Il me semblait que ces fleurs à peine roses, pas complètement épanouies, représentaient ces jeunes qui commençaient à être des femmes, qui commençaient leurs études d’ingénieur avant que tout ne s’arrête. »

Tout au long des commémorations, j’ai rencontré des témoins de l’attentat animés par un besoin urgent de prendre la parole. Ce fut le cas d’Adrian Cernea, ce professeur qui se trouvait dans la classe où le tueur est apparu le 6 décembre 1989. Il m’a lui-même appelé pour La presse un jour de 2009 après avoir lu une chronique que je consacrais au film Polytechnique.

«J’ai beaucoup réfléchi à ce qui s’est passé. J’aimerais vous en parler », m’a dit M. Cernea, qui avait livré un témoignage émouvant.2.

D’autres témoins ont préféré se réfugier dans le silence. «Parler ne sert à rien», m’a dit le professeur Yvon Bouchard, qui était dans la même classe que le professeur Adrian Cernea le jour de l’attaque. Il lui a fallu 30 ans avant de rompre le silence à l’invitation de sa petite-nièce. Et son témoignage était tout aussi émouvant3.

Louis Courville understands both postures.

D’une certaine manière, ça fait du bien d’en parler. En même -, cela rappelle des horreurs.

Louis Courville, former director of Polytechnique

Louis Courville revoit tremblant l’élève qui s’est présenté dans son bureau le 6 décembre. « Il a dit : ‘Il y a un fou qui tire sur l’école !’

« Nous avons entendu des coups de feu dans le couloir. » Il saura plus tard que ce sont ces personnes qui ont tué Maryse Laganière. L’employé du service des finances de Polytechnique s’est réfugié derrière une porte verrouillée pour tenter d’échapper au tueur. Il a tiré à travers la fenêtre adjacente à la porte.

«Je la vois encore, Maryse…», dit-il en se remémorant la scène d’horreur.

Le réalisateur se souvient avoir tenté d’appeler le 911. « Mais la ligne était complètement saturée. J’ai fait 0. On m’a dit : oui, on est déjà au courant, l’alerte est donnée. »

Les coups de feu étaient si nombreux qu’il était certain que plusieurs tireurs étaient à l’œuvre. Il a vu par la fenêtre des étudiants en chemise se précipiter dehors et sauter par-dessus les bancs de neige.

Au début, il crut à une prise d’otages. Il s’attendait à devoir négocier avec ses auteurs. Mais à sa sortie de son bureau, d’insupportables scènes de guerre l’attendaient. Il a vu chacune des 14 victimes abattues par le tueur. Bodies. Sang. Atrocious images that haunted him for a long time. Just like this unanswered question: “What could I have done?” »

1. Lire « Polytechnique : Montréal reconnaît une « attaque antiféministe » »

2. Lire « C’étaient ses élèves », de Rima Elkouri

3. Lire « Il a tué mes filles », de Rima Elkouri

 
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