La Turquie reste prudente face à l’offensive rebelle en Syrie, mais espère obtenir à terme le retour d’une partie des trois millions de Syriens réfugiés sur son territoire et l’opportunité d’éliminer la menace kurde à sa frontière sud, affirment-ils. observateurs.
Même si le président syrien Bachar al-Assad a rejeté sa main tendue, Ankara apparaît comme un acteur important dans l’avenir proche de son voisin.
Q : Quel rôle la Turquie a-t-elle joué dans l’offensive rebelle ?
R : Selon Ömer Özkizilcik, chercheur associé au Conseil atlantique d’Ankara, la Turquie « coopère » depuis longtemps avec le groupe islamique radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), qui a dirigé la marche des factions rebelles syriennes vers Alep.
L’offensive avait été planifiée “sept semaines auparavant, les plans militaires étaient prêts, mais la Turquie a empêché les rebelles d’avancer” et la Russie, alliée de Damas, “a lourdement bombardé leurs positions” pour sauver le gouvernement d’Assad, explique Ömer Özkizilcik. Un point de vue partagé par Charles Lister, expert au Middle East Institute de Washington, qui donne la date initiale “mi-octobre”.
Ce n’est qu’après l’échec des tentatives de normalisation des relations avec Damas et de la recherche d’une solution politique à travers le processus diplomatique d’Astana – qui réunit la Turquie, la Russie et l’Iran depuis 2017 – qu’Ankara a donné son feu vert, assure Ömer Özkizilcik.
“Ce serait une erreur, à ce stade, d’essayer d’expliquer les événements en Syrie par une quelconque ingérence étrangère”, a déclaré lundi le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan.
Q : Quelles sont les relations entre la Turquie et le groupe HTS ?
R : La Turquie a combattu l’expansion du groupe HTS dans sa « zone de sécurité » au nord-ouest de la Syrie. Ankara a fait pression sur ce groupe pour qu’il rompe son affiliation avec Al-Qaïda et ne s’attaque pas aux minorités, chrétiennes et druzes en particulier : « Le HTS d’aujourd’hui n’est plus celui de 2020 », estime Özkizilcik.
Firas Kontar, opposant syrien d’origine druze, auteur de “Syrie, la révolution impossible”, estime cependant qu'”Erdogan n’a plus les moyens d’arrêter le HTS”.
Q : Comment se présentent les relations entre Damas et Ankara ?
R : Damas et Ankara ont rompu leurs relations en 2011, après le début du conflit syrien qui a fragmenté le pays et causé environ un demi-million de morts.
Mais le président turc Recep Tayyip Erdogan, partisan des rebelles, a tendu la main dès 2022 à Bachar al-Assad, qu’il avait précédemment qualifié de “tueur”. En juillet, il s’était dit prêt à l’inviter « à tout moment », mais Assad avait conditionné la rencontre au retrait des forces turques de Syrie, malgré la médiation de la Russie, alliée de Damas.
Ankara espérait par cette réconciliation faciliter le retour d’une partie des quelque trois millions de réfugiés syriens encore sur son territoire, dont la présence est devenue un enjeu politique fort.
“Avec l’évolution de la situation sur le terrain, la Turquie semble être le principal acteur du moment en Syrie, tandis que l’Iran et la Russie devront négocier avec elle une solution politique au conflit”, estime Ömer Özkizilcik.
Q : Quelle présence turque en Syrie ?
R : Depuis 2016, la Turquie a lancé plusieurs incursions contre les forces kurdes dans le nord de la Syrie, ce qui lui a permis de contrôler les zones frontalières.
L’objectif est de repousser les mouvements armés kurdes, dont les Unités de protection du peuple (YPG), alliés de l’Occident dans la lutte contre les jihadistes de l’État islamique (EI).
La Turquie considère les YPG comme une branche du PKK, classé comme terroriste par Ankara, les Etats-Unis et l’Union européenne.
Q : Quel avenir pour les mouvements kurdes ?
R : Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), une ONG basée au Royaume-Uni qui dispose d’un vaste réseau de sources en Syrie, des groupes rebelles pro-turcs ont repris dimanche le contrôle de la ville aux mains des forces kurdes depuis Tal Rifaat. Cet endroit clé se trouve à la limite de la « zone de sécurité » occupée par la Turquie, dans le nord de la Syrie.
Les services secrets turcs (MIT) ont annoncé lundi avoir tué un responsable local du PKK, Yasar Çekik.
“La Turquie ne permettra pas aux organisations terroristes de tenter de profiter de l’atmosphère d’instabilité” en Syrie, a prévenu lundi le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan.
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