Paris 2024 | Tammara Thibeault, l’or et la réalité d’être une femme dans la boxe – .

Pour un athlète amateur, la médaille olympique est la fin d’un long parcours, la carotte qui pend au bout du bâton des sacrifices. En boxe féminine, les choses sont tout à fait différentes. La médaille n’est pas une récompense, mais une quasi-nécessité. Elle dicte l’avenir d’un athlète. « Je trouve ça vraiment dommage », déplore Tammara Thibeault.

« C’est difficile, parce que je me dis : je veux gagner une médaille pour moi, pour mon pays, pour mon rêve d’enfant. Mais bien sûr, au fond de moi, je me dis : ouais, c’est aussi pour mon travail plus tard. C’est vraiment nul ! », confie le boxeur de 27 ans. « Mais c’est le sport qu’on a choisi et c’est inévitable. »

« On verra ce que tu feras aux Jeux » : combien de fois Tammara Thibeault a-t-elle entendu ce discours ?

Réponse : « Tout le temps. »

C’est la réalité, encore aujourd’hui, de la boxe féminine. Une réalité qui, souligne la native de Shawinigan, va à l’encontre de la psychologie sportive, qui dit que le résultat importe moins que le processus.

« La médaille, c’est du prestige. Elle signifie : regarde, je vaux beaucoup grâce à ce que j’ai accompli dans le sport amateur, ce qui est l’étape précédente. »

« C’est comme si on disait : “Si tu ne gagnes pas, tu ne vaux pas grand-chose”. Mais tout le travail que j’ai fourni, toutes les autres choses que j’ai accomplies, ça ne vaut rien parce que j’ai perdu une manche ? C’est difficile d’accepter ça en tant qu’athlète. »

« C’est choquant »

En tant que femme, Thibeault voit et vit souvent des différences entre les sexes dans son sport. « C’est vraiment difficile à entendre : ce que tu demandes, c’est ce que nous donnerions à un homme. C’est vraiment choquant », dit-elle.

Pendant longtemps, rappelle-t-elle, les femmes préféraient rester dans la boxe amateur plutôt que de faire le saut vers les rangs professionnels. Une situation qui « est en train de changer », mais qui « était la norme ».

« Un homme peut perdre les Jeux, perdre le premier combat et quand même avoir une bonne affaire. […] « C’est très difficile pour nous et nous avons toujours plus à prouver. En fait, cela devient fatiguant, décourageant. »

Depuis des mois, la Québécoise laisse entendre qu’il ne lui reste qu’une seule case à cocher en boxe amateur : la médaille d’or olympique. Ensuite, il sera temps de passer chez les professionnelles.

Lorsqu’on la rencontre au Club de boxe de l’Est, elle est plus nuancée. Lorsqu’on lui demande si, advenant le cas où elle ne recevrait pas une offre convenable pour passer professionnelle, elle envisagerait de laisser tomber le projet, Thibeault hésite.

« En fait, je n’y ai jamais pensé. […] J’aimerais ça, devenir professionnel, mais il faudrait que ça en vaille la peine. Mais j’ai bien d’autres atouts dans la vie pour dire : regarde, ciao bye ! Je vais faire un master, j’ai une formation.

Prêt à tout

Soyons clairs : Tammara Thibeault aimerait un changement de routine, de nouveaux défis. Elle veut boxer professionnellement. Mais elle n’est pas non plus fermée à l’idée de revenir pour les prochains Jeux olympiques d’été à Los Angeles. Autrement dit, l’après-Paris reste flou.

C’est en tout cas vers la capitale française que son regard est actuellement tourné. La boxeuse perçoit ces Jeux comme son « moment », tout en gardant en tête le processus avant le résultat – même si elle sait très bien que le résultat pourrait changer sa vie.

« Bien sûr, la médaille d’or autour du cou est plus importante d’un point de vue financier, mais je pense que l’impression que je donnerai aux Jeux fera la différence. »

Elle est prête. Prête « à tout, pour tout le monde, à tout moment ».