(Ottawa) Il faut que Donald Trump se frotte les mains pour voir les politiciens canadiens « courir partout », se désespère Jean Charest. “C’est exactement ce qu’il veut!” », s’exclame l’ancien premier ministre du Québec.
Selon M. Charest, suggérer d’abandonner le Mexique est loin d’être une bonne stratégie. « Il me semble que les gens au Canada sont très prompts à offrir des concessions. Là, on connaît sa façon de négocier : c’est frapper un bâton de baseball en partant, établir son rapport de force dès le départ et forcer les concessions», raconte l’ancien chef du Parti libéral du Québec en entrevue téléphonique. de Paris.
Oui, il faudra négocier, et oui, la menace d’imposer des tarifs de 25 % sur tous les produits canadiens exportés vers les États-Unis aurait des « conséquences désastreuses ». Il faut toutefois garder la tête froide, estime Jean Charest, père du Conseil de la fédération.
Il voit une précipitation malavisée dans le signal envoyé par le Conseil de la Fédération.
La semaine dernière, avant l’annonce de Donald Trump, le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, avait déclaré que toutes les provinces et tous les territoires préféraient négocier des accords commerciaux bilatéraux avec les États-Unis et le Mexique. Bref, signez l’arrêt de mort de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM).
Je suis opposé à l’idée de nous dissocier des Mexicains à ce stade. Honnêtement, je ne comprends pas pourquoi on se précipite pour faire ça. Il est trop tôt dans la stratégie. C’est la mécanique dans laquelle [Donald Trump] veut nous embaucher.
Jean Charest
Et c’est sans compter que « sur le plan diplomatique, paraître abandonner les Mexicains au stade où nous en sommes, honnêtement, cela manque de vision », précise l’instigateur de l’Accord économique et commercial global (CETA/CETA) entre le Canada. et l’Union européenne.
Une mesure illogique
À l’autre bout du fil, Jean Charest débite une ribambelle de chiffres : 60 % du pétrole et du gaz qui entrent aux États-Unis proviennent du Canada, 75 % des véhicules assemblés au Mexique partent aux États-Unis, 63 % des exportations canadiennes vers les États-Unis sont des intrants entrant dans la composition de produits de consommation américains.
“M. La logique de Trump repose sur une économie qui n’existe plus », insiste-t-il. Il n’existe pas de produit complexe fabriqué dans un seul pays. Il n’existe plus. Et Ottawa a de nombreux alliés au sud de la frontière qui s’en emparent et qui peuvent convaincre la nouvelle administration Trump d’abandonner les tarifs douaniers punitifs.
« Laissons les Américains parler aux Américains. C’est une question de stratégie», dit-il.
En 2018, la première administration Trump a ignoré les critiques entendues des deux côtés de la frontière et a imposé des tarifs punitifs sur les produits canadiens en acier et en aluminium. «Nous avons répondu dollar par dollar», a rappelé la ministre des Finances Chrystia Freeland en début de semaine.
Intelligence et colonne vertébrale
Le chef conservateur Pierre Poilievre a déclaré qu’il répondrait également « si nécessaire ».
Mais nous n’en sommes pas encore là et, en attendant, le chef de l’opposition cherche à affaiblir davantage Justin Trudeau. “Le Premier ministre est trop faible pour protéger notre économie contre les menaces de Donald Trump”, a-t-il soutenu mercredi, ajoutant, en anglais, qu’il fallait “un leader intelligent et doté d’une colonne vertébrale”.
« Où est le plan visant à donner la priorité au Canada ? », a demandé Pierre Poilievre.
Selon un sondage réalisé par l’Institut Angus Reid1le leader conservateur serait plus susceptible (38% des participants) que son homologue libéral (23%) de bien s’entendre avec le futur locataire de la Maison Blanche.
Mais Jean Charest ne veut pas se mêler de ce débat. « Je n’aborderai pas les questions de partisanerie. [Justin Trudeau] est le Premier ministre, point final. Il a une légitimité. S’il y a une élection et un changement de gouvernement, ce sera une autre», explique celui qui a perdu face à Pierre Poilievre lors de la course à la chefferie conservatrice en septembre 2022.
« Ce n’est pas utile de faire ça », argumente-t-il. Nous ne l’avons pas fait la dernière fois [pour la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain, rebaptisé ACEUM]. La dernière fois, nous avons eu une approche œcuménique, et cela nous a bien servi. »
1. Le sondage a été mené en ligne du 24 au 26 octobre auprès d’un échantillon aléatoire de 1 627 adultes canadiens. À titre de comparaison, un échantillon probabiliste de cette taille a une marge d’erreur de plus ou moins 2 points de pourcentage, 19 fois sur 20.