Il y a quelque chose d’indécent dans l’annonce faite par Justin Trudeau la semaine dernière. Une série de mesures si mal pensées qu’elles risquent de faire plus de mal que de bien.
Ce retrait soudain de la TPS, qui détaxe une longue liste de biens la veille de Noël, démontre un désespoir et une profonde incompréhension de nos attentes à l’égard du chef de l’État.
La générosité à géométrie variable consiste en des chèques de 250 $, réservés aux « travailleurs », creusant encore davantage l’écart avec les huit millions de retraités au Canada, qui n’auront pas droit à cette soudaine « générosité ».
On aurait aimé imaginer une politique préélectorale plus cynique et plus injuste, on n’aurait pas su faire mieux.
Un bulldozer pour décharger un géranium
Nous comprenons que de nombreux Canadiens se réjouissent ; économiser 5%, pour certains ménages, ce n’est pas rien, à l’approche de Noël. Cela contribuera à mettre fin à l’un des mois les plus stressants de l’année pour les familles les moins fortunées. Peut-être acheter un petit cadeau supplémentaire. Avoir, comme certains restaurateurs l’ont évoqué, un petit café supplémentaire en fin de repas.
La question n’est pas de savoir si certains en bénéficieront ; c’est évident.
Le problème est que certains en bénéficieront plus que d’autres. De plus, l’élimination temporaire de la TPS est un véritable cadeau pour les riches.
On imagine facilement un cardiologue, dont le salaire moyen en 2023 était de 524 763 $, qui pourra en profiter pour acheter une deuxième PlayStation 5 à 650 $ pour le chalet. La présidente d’un grand cabinet comptable invitera une cliente dans un grand restaurant et pourra économiser 50 $ sur son déjeuner à 1 000 $. Une famille de Westmount pourra offrir à chacun de ses trois enfants un ensemble LEGO Star Wars au prix unitaire de 1 049,99 $ et obtenir un congé fiscal.
La réduction temporaire des impôts n’est rien de moins qu’une politique publique élaborée sur une serviette de table, avec tout le cynisme qu’implique une manœuvre aussi bassement électorale. « Des mesures mal ciblées, qui seront inefficaces pour aider les ménages », écrit Option Consommateurs, pourtant globalement favorable à de telles mesures.
L’indécence manque tellement sa cible. Aider les familles les plus défavorisées avec 5 dollars, au prix de millions de dollars de cadeaux pour les riches, qui consomment, en dollars, bien plus. Les familles gagnant 300 000 $ auront droit à deux chèques de 250 $. Alors voyons.
Un poulet sans tête
Il faut retenir de cette nouvelle improvisation libérale l’absence totale de vision économique qui émane de ce gouvernement moribond. À plusieurs reprises ces derniers mois, Justin Trudeau s’est fait remarquer en faisant preuve d’une myopie économique ahurissante.
Changer les règles sur les plus-values, imposer des droits de douane sur l’importation de véhicules chinois, et maintenant, la veille de Noël, une annonce impromptue, mal conçue, dévoilée dans la précipitation, avec le risque de créer des maux de tête et une immense confusion chez les détaillants. Une mesure fiscalement régressive, qui profitera bien plus aux riches qu’aux pauvres.
A chaque fois, ces mesures sortent de nulle part, sont communiquées avec quelques semaines de préavis et changent les règles du jeu économique. C’est, je le répète, la pire façon de gouverner une économie développée comme la nôtre.
Il ne fait aucun doute que les Canadiens sont surtaxés. Mais un gouvernement qui ajoute 6,4 milliards de dollars à sa dette sous prétexte qu’il s’agit d’un « cadeau de Noël » est soit cynique, soit complètement déconnecté de la réalité. Je ne sais pas laquelle de ces deux options est la pire.