Economie rurale vaudoise –
Imprécision, lacunes et manque de contrôles dans les améliorations foncières
La Cour des comptes effectue un contrôle strict sur les affaires agricoles et une filiale de Prométerre. Le système fonctionne, mais non sans risques.
Publié aujourd’hui à 8h32
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- Le canton consacre 10 millions par an à l’amélioration des terres agricoles.
- La Cour des comptes souligne un risque de gaspillage des ressources publiques.
- Prométerre et les autorités réfléchissent à des mesures pour améliorer le système.
On se demande si l’un des piliers du développement rural de la campagne vaudoise – on parle de près de 200 millions de francs d’argent public depuis 2010, reflétant autant de sentiers, de poulaillers ou de réparations de chalets d’alpage – n’a pas été pris à la légère.
La Cour des comptes a rendu public mercredi un audit qu’elle a réalisé sur les aménagements fonciers pour les années 2019-2023 et sur ceux qui en sont responsables, à savoir la Direction générale de l’agriculture (DGAV) et son mandataire, l’Office du crédit agricole (OCA), une filiale de Prométerre. Le premier étant en charge de projets collectifs (syndicats, communes), l’autre de projets individuels, soit les trois quarts des dossiers. Que le contribuable se rassure, les dossiers, du moins ceux confiés à Prométerre, sont traités rapidement et efficacement : la totalité des subventions ont été versées à des projets reconnus d’intérêt agricole au sens de la loi 428 pour être précis.
Mais, après avoir analysé 50 dossiers en détail, les auditeurs, d’habitude très prudents, utilisent un vocabulaire assez fort : « absence de processus », « procédures incomplètes et informelles », écarts de coûts « jamais expliqués au Grand Conseil », lit-on dans le rapport.
« L’État doit assumer pleinement ses pouvoirs d’octroi et de contrôle des aménagements fonciers », décide la magistrate Valérie Schwaar. Grave? «Il est minuit moins cinq», explique l’expert Yves Steiner. Nous constatons toujours une mauvaise allocation des ressources publiques et un risque de gaspillage. La bonne nouvelle est qu’aucune entité auditée n’a agi aussi rapidement.»
En effet. Dès que les mots «absence de stratégie» ont été inscrits sur le rapport, le Canton en a lancé une, tout en révisant les règlements d’application. L’idée est notamment de mettre fin à une absence totale de priorisation des dossiers : en l’état, premier arrivé est premier servi. En conséquence, « les agriculteurs n’ont pas pu bénéficier d’aides », constate la Cour.
Premier souci, la Cour des comptes critique un manque de contrôle : ni la DGAV ni l’OCA ne procèdent à des vérifications sur le terrain, alors qu’elles y sont légalement tenues. En comparant les cotations et les chiffres officiels du cheptel, les auditeurs ont constaté plusieurs cas, 21% de l’échantillon, où les animaux n’étaient pas aussi nombreux ou pas comme prévu… Ce qui a provoqué l’ire de Prométerre, pour qui il est normal que les troupeaux mettent du temps. à construire. L’OCA évoque une déstabilisation passagère de son équipe en 2021, ainsi que le souci d’éviter des contrôles excessifs, après ceux des architectes. Les contrôles systématiques ont depuis été rétablis.
Les prestations de Vassilis Venizelos sont également dignes de leur rang. Il manque une base pour contrôler les conditions fixées par la direction générale de l’environnement ou les fonds versés sans base légale. Par exemple pour les étangs d’alpages, pour lesquels la DGAV n’a pas souhaité financer de « surcoûts » liés aux insertions paysagères.
Absence de critères écologiques
Exactement. La Cour des comptes critique également l’absence de critères de durabilité, autrement dit l’aspect écologique ne serait tout simplement pas pris en compte… Nuance Prométerre : « Les dossiers, car dans un secteur sensible hors zone constructible, sont déjà minutieusement analysés par l’aménagement du territoire. pour éviter tout impact, souligne Daniel Kämpf, directeur de l’OCA, avec parfois de lourdes conséquences pour les opérateurs, qui sont tous déjà sensibles au sujet et font appel aux entreprises locales.» Il continue. « Il est également difficile de trouver des critères pertinents pouvant être appliqués aux constructions rurales. Par ailleurs, l’Office cantonal du développement durable et du climat, qui pourrait nous aider dans cet exercice, est une structure récente.»
« La durabilité est inscrite dans la loi sur les subventions, dans celle des aménagements fonciers… c’est une priorité depuis trente ans, il est temps d’en tenir compte », affirme Valérie Schwaar. Conséquence : 54 millions d’argent public n’ont eu aucun effet sur le développement durable alors que cela aurait dû être le cas.» Le Canton, de son côté, a précisé ses critères en janvier dernier.
Conflit d’intérêts ?
Entre les lignes, mais pas seulement, la Cour déplore enfin un intersoi, « un petit monde ». Un employé a ainsi alloué des fonds pour des conduites d’eau à son ancien employeur. Il a été déplacé. Un manque de prévention des risques de conflits d’intérêts, par exemple via des déclarations d’indépendance, est également constaté. Éprouvé? Pas pour Prometerre. « Les salariés sont scrupuleux et évitent déjà de traiter des cas dans leur région. Un cas cité par la Cour doit également être nuancé, en effet, la personne s’est récusée», défend Daniel Kämpf. Valérie Dittli abonde dans le même sens : « Tout est fait pour éviter les conflits d’intérêts. Mais dans le secteur de l’aménagement du territoire, bon nombre des personnes dont nous parlons viennent du terrain, et j’y suis attaché. Il est important que ceux qui rédigent les décisions possèdent les compétences nécessaires, nous parlons de dossiers complexes qui nécessitent de nombreuses connaissances.»
L’État compte-t-il mettre en place davantage de contrôles ? Pas sûr. « L’utilisation de l’argent public doit évidemment être contrôlée et c’est normal », réagit le conseiller d’Etat chargé du ministère des Finances et de l’Agriculture. Mais on ne peut pas non plus ajouter du travail administratif aux communes ou à l’agriculture à cause de quelques dossiers défectueux parmi des milliers d’autres qui fonctionnent. Le système fonctionne. Il faudra trouver une solution intermédiaire.
On rappellera cependant le contexte tendu dans les campagnes. Relançant le grondement de la révolte paysanne de ce printemps, le mouvement Révolte agricole vient d’appeler à manifester à Berne.
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